Erevan.  L’Arménie et l’Union européenne sont liées par un Accord de partenariat global et renforcé, signé le 24 novembre 2017. Dans le cadre de ce partenariat,  le 13 juin 2019 s’est tenue à Bruxelles une réunion du Conseil de partenariat entre les deux parties. De cette réunion, il ressort que les deux parties discuteront de l’ouverture d’un dialogue sur le régime de libéralisation des visas “si les conditions assurants une mobilité bien gérée et sécurisée soient en place”1. M. Avet Adonts, Ministre Adjoint aux Affaires Étrangères de la République d’Arménie, a par la suite exprimé son souhait d’ouvrir le dialogue avant la fin de l’année 2019.

Le 26 novembre 2019, au cours d’une conférence de presse à l’occasion du second anniversaire de l’Accord de Partenariat Global et Renforcé, Luc Devigne, Directeur adjoint du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) pour l’Europe et l’Asie centrale s’est exprimé sur la possibilité d’une libéralisation des visas à l’égard des ressortissants arméniens : tout  ceci n’aurait rien de géopolitique (“I do not think that there is anything geopolitical at all”)2 . Pour preuve, il a ajouté que les citoyens russes, en dépit des relations parfois tendues entre la Russie et l’Union européenne, ont bénéficié du régime de libéralisation des visas.

Alors, si ce n’est pas géopolitique, qu’est-ce ? “La décision exige l’accord des Etats membres. Certains d’entre eux disent qu’il y a des problèmes, des problèmes concernant les citoyens arméniens, par exemple ceux qui demandent l’asile. Il faut s’attaquer à ce problème, disait Devigne. Il semblerait que certains États membres craignent une augmentation du nombre de demandes d’asile. On suppose que les états membres ont tiré les conclusions des précédentes expériences de libéralisation des visas, et craignent que les nouveaux bénéficiaires de ce régime n’excèdent l’autorisation des trois mois sur le territoire européen, notamment dans le but de déposer des demandes d’asile, supposées dilatoires. En ce sens, pour que le dialogue sur l’ouverture des visas débute réellement,  il est nécessaire que tous les États membres transposent en interne l’Accord signé le 13 avril 2013 entre l’Union européenne et la République d’Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier.

En mars 2017, un régime d’exemption de visa a été mis en œuvre à l’égard des ressortissants géorgiens, après sa mise en place, la demande d’asile géorgienne a explosé. Si l’on regarde les données des neuf premiers mois sur les années entre 2017 et 2019, le nombre de demandes d’asile géorgiennes déposées sur l’ensemble des pays de l’Union européenne a augmenté de 137 % (7 160 demandes déposées sur les neuf premiers mois de l’année 2017, contre 16 960 pour l’année 2019).

Cette augmentation considérable touche certains pays de l’Union en particulier. C’est le cas de la France qui a vu la demande d’asile géorgienne augmenter de 450 % sur la même période (1 250 demandes déposées en France sur les neuf premiers mois de l’année 2017 contre 6 880 pour l’année 2019), alors que le taux d’accord est très bas, environs 5,2 %.3

À ceci s’ajoutent les propos de Mme Andrea Wiktorin, Ambassadrice de l’Union européenne en Arménie quant aux attentes des ressortissants arméniens vis-à-vis de la libéralisation des visas : “La libéralisation des visas ne signifie pas que vous pouvez aller travailler dans les pays européens. Il est important que tout le monde le comprenne, sinon vous serez très déçus.”4

Le Premier ministre Nikol Pachinian, en fonction depuis un an, a déclaré que depuis la ‘Révolution de velours’ qui l’a conduit au pouvoir, la demande d’asile arménienne aurait diminué.5 Il est vrai qu’au mois d’octobre 2019, 2650 demandes d’asile arméniennes ont été introduites sur le territoire de l’Union, soit 34 % de moins par rapport à l’année 2018, sur la même période. La demande d’asile arménienne impacte toute particulièrement la France (pays d’Europe où la communauté arménienne est la plus importante, environs 500 000 personnes)6 mais où le taux d’acceptation est très bas, seulement 6,9 % environs .

Si l’Union européenne a salué à de multiples reprises le tournant démocratique qu’à pris la petite République du Caucase depuis les dernières élections, ayant mené Nikol Pachinian au pouvoir, il reste beaucoup à faire avant qu’une feuille de route vers la libéralisation des visas ne soit écrite.7

Perspectives :

  • La libéralisation des visas à l’égard des ressortissants arméniens, outil du soft power européen, contribuerait à promouvoir l’europhilie.
Sources
  1. Conditions for well-managed and secure mobility are in place, Joint press statement following the second Partnership Council meeting between the EU and Armenia, Communiqué de presse, Conseil de l’Union européenne, 13 juin 2019
  2. EU official : Nothing geopolitical about starting visa liberalization with Armenia, Armenia News, 26 novembre 2019
  3. KHOTIVARI Rusudan, Géorgie, troisième pays d’origine des demandeurs d’asile en France, Le Grand Continent, 23 septembre 2018
  4. EU Ambassador in Armenia : Visa Liberalization Does Not Mean Permission to Work in EU, Schengen Visa Info, 28 septembre 2019
  5. MAI Benjamin, Victoire de Pachinian aux législatives arméniennes : vers une nouvelle Arménie ?, Le Grand Continent, 13 janvier 2019
  6. La France, principal foyer d’accueil des Arméniens en Europe, Papiers d’Arménie, 8 février 2018
  7. Facilitating Effective Visa Liberalization in Georgia, Moldova and Armenia through Experience Sharing, Georgian Institute of Politics, 15 mars 2019