Erevan. Le 9 décembre 2018, l’alliance Mon pas du Premier ministre d’Arménie Nikol Pachinian a remporté les élections parlementaires avec 70 % des suffrages. Les partis Arménie prospère et Arménie lumineuse, soutiens déclarés de Pachinian, ont respectivement récolté 8 et 6 % des voix. Le Parti républicain (HKK), majoritaire jusqu’à la « révolution de velours » du printemps, a été totalement évincé du parlement, n’ayant pas réussi à dépasser le seuil de 5 % des suffrages nécessaires à l’obtention d’un nombre de siège proportionnel à son score. De même, la Fédération Révolutionnaire Arménienne, ancienne alliée du Parti républicain et très représentée dans la diaspora, n’a pas réussi à atteindre le quorum exigé (2). L’alliance Mon pas obtient donc 88 sièges, le parti Arménie prospère 28 et Arménie lumineuse 18 (3).

Selon les observateurs internationaux dépêchés par l’OSDE-ODIHR, l’élection s’est déroulée sans achat de voix ni pressions exercées sur les électeurs, contrairement aux élections précédentes. Le taux de participation s’élève à 48 % des inscrits contre 60 % en 2017. Pachinian a toutefois déclaré ne pas avoir été surpris par ce taux relativement faible, arguant du bourrage des urnes dans les élections précédentes (4).

Une nouvelle page politique s’ouvre donc pour l’Arménie, car Pachinian, qui faisait face à un parlement hostile depuis son élection le 8 mai dernier, a désormais les mains libres pour déployer sa politique. Le premier axe de celle-ci est la mise en place d’une économie débarrassée de la corruption endémique. Cette lutte à la corruption passe, dans le programme de Pachinian, par l’éradication des monopoles et la diminution du poids de la bureaucratie.

Sur le conflit du Haut-Karabagh, le Premier ministre a déjà obtenu la mise en place d’un téléphone rouge entre Erevan et Bakou en septembre dernier afin de faciliter les processus de désescalade. Une franche avancée depuis la « guerre des quatre jours » d’avril 2016, qui avait causé en tout plus d’une centaine de morts. Malgré le refus net du président Azéri Ilham Aliyev d’inclure des représentants du Karabagh à la table des négociations, le climat semble favorable à la reprise d’un processus de paix, comme l’a d’ailleurs récemment tweeté ce dernier (1).

Sur le plan géostratégique, Pachinian a tenu à préciser que la révolution qui l’a porté au pouvoir n’est pas de couleur, à l’instar de la révolution des Roses en Géorgie. Ainsi, le 10 décembre, il a rappelé que l’Arménie était membre de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective et n’avait pas pour ambition de rejoindre l’OTAN. Ce qui ne l’a pas empêché d’affirmer une volonté d’équilibre en soulignant que son pays n’était pas dans « la zone d’influence russe » et qu’il était membre du Conseil de l’Europe (5).

Il faut cependant noter que depuis l’arrivée au pouvoir de Pachinian en mai dernier, des tensions se sont faites sentir entre l’Arménie et la Russie. Cet été, les autorités arméniennes ont lancé plusieurs opérations judiciaires sur des sociétés filiales de Russian railways et Gazprom. Il y a quelques jours, Vladimir Poutine a annoncé que la Russie augmenterait les tarifs du gaz qu’elle vend à l’Arménie de 10 %, un premier échec diplomatique pour Pachinian. Enfin, le président russe est encore en contact avec l’ancien président Robert Kotcharian, aujourd’hui incarcéré pour soupçon de corruption, à l’instar de nombreuses personnalités officielles de l’ancien gouvernement.

Perspectives :

  • L’année 2019 pourrait voir se concrétiser les annonces de Pachinan et Aliyev sur la résolution du conflit du Karabagh. Mais le problème est épineux car les évènements de la guerre du Karabagh (1991 – 1994), ponctués de massacres des deux côtés, continuent à forger une mémoire conflictuelle portée par un nationalisme important des Arméniens et des Azéris.
  • Les tensions entre Erevan et Moscou pourraient rapprocher l’Arménie de l’Iran, son seul partenaire commercial dans la région mis à part la Géorgie. L’Iran est en effet le deuxième fournisseur de gaz à l’Arménie, mais les sanctions américains limitent les marges de manœuvre du pays.

Sources :

  1. ALIYEV Ilham, Tweet du 14 décembre 2018 : « The year 2019 will give a new impetus to the Armenia-Azerbaijan Nagorno-Karabakh conflict settlement process ».
  2. With Over 70 % of Votes, Pashinyan’s ‘My Step’ Alliance Tops Parliamentary Elections, Azbarez, 9 décembre 2018.
  3. La Répartition des sièges dans le Parlement nouvellement élu, Nouvelles d’Arménie, 16 décembre 2018.
  4. TER MINASSIAN Vahé, envoyé spécial en Arménie pour les élections, tweets du 10 décembre 2018.
  5. KINCHA Shota, Taxes, corruption, Nagorno-Karabakh, and Turkey : Pashynian’s new vision for the ‘New Armenia’, OC Media, 14 décembre 2018.

Benjamin Mai