Luxembourg. À la suite de la « Guerre des 6 jours » en juin 1967 qui l’opposa en 1967 à l’Égypte, la Jordanie, la Syrie au le Liban, Israël occupe le plateau du Golan, Jérusalem-Est et une partie de la Cisjordanie. L’État hébreux a développé sur ces territoires des colonies de peuplement d’où proviennent actuellement des produits importés dans l’Union européenne. Or, la réglementation de l’Union européenne prévoit des obligations d’information concernant les denrées alimentaires1. Les consommateurs doivent disposer des informations leur permettant de faire leur choix conformément à des « considérations d’ordre sanitaire, économique, environnemental, social ou éthique »2. Parallèlement, la Commission européenne, dans une communication de 20153, avait recommandé que les produits issus de Cisjordanie ou du plateau du Golan comportent comme indication de leur provenance, la mention « colonie israélienne » lorsqu’ils sont issus des colonies de peuplement. Ces préconisations d’étiquetage, en lien avec les actes du droit de l’Union imposant la mention de l’origine des produits, ont donné lieu en France à l’adoption par le ministre de l’économie et des finances d’un avis à destination des opérateurs économiques relatif à l’indication de l’origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël. L’Association Organisation juive européenne et la société vignoble PSAGOT LTD ont contesté cet avis devant le Conseil d’Etat. Le juge administratif français estime que la question à laquelle il doit répondre est de savoir si cette mention origine d’une « colonie israélienne » est imposée par le droit de l’Union européenne. Il pose donc une question4 à la Cour de justice de l’Union européenne pour savoir comment interpréter le droit de l’Union.5

Dans un arrêt du 12 novembre 20196, la Cour de justice de l’Union précise qu’il est obligatoire, au regard du droit de l’Union, que les denrées alimentaires originaires d’un territoire occupé par l’État d’Israël depuis 1967 portent non seulement la mention de ce territoire mais également, dans le cas où de telles denrées alimentaires proviennent d’une localité constituant « une colonie israélienne à l’intérieur dudit territoire », la mention de cette provenance. Cette exigence s’applique à la vente de ses produits dans tous les États membres. Le fait que ces produits soient issus « d’une colonie de peuplement établie en méconnaissance des règles du droit international humanitaire est susceptible de faire l’objet d’appréciations d’ordre éthique pouvant influencer les décisions d’achat des consommateurs » et qu’ainsi la mention de cette origine est nécessaire conformément aux règles relatives à l’information du consommateur.

Cet arrêt intervient dans le contexte du transfert de capitale de l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, ainsi que des déclarations de la Maison blanche qui remettait en cause sa posture à l’égard des territoires palestiniens occupés.

C’est l’occasion pour la Cour de rappeler sa position concernant l’importation des marchandises en provenance de territoires dont la spécificité est reconnue par le droit international. Dans son raisonnement elle rappelle que l’Union et ses États membres considèrent l’État d’Israël, « en tant que puissance occupante et non pas en tant qu’entité souveraine » sur le plateau du Golan, à Jérusalem-Est et dans une partie de la Cisjordanie. Elle souligne également que les colonies de peuplement installées « concrétisent une politique de transfert de population menée par cet État en dehors de son territoire, en violation des règles du droit international général humanitaire ».

La Cour ici appuie la position diplomatique de l’Union et des États membres. Elle le fait en jouissant d’une certaine autorité morale, celle d’une juridiction qui se proclame de plus en plus gardienne des droits fondamentaux.  Dans cette même dynamique, elle affirme son attachement au droit international humanitaire. C’est une nouvelle occasion d’insister sur le rôle, dans les relations diplomatiques de l’Union européenne, de cette institution.

Perspectives :

  • Israël a dénoncé cette décision de la Cour de justice de l’Union européenne en ce qu’elle peut avoir des conséquences sur le plan commercial et relancer le mouvement de boycott. Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence sur la question des territoires occupés depuis 1967 et avait déjà conduit cette institution de l’Union de à confirmer que les produits issus de ces territoires ne peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel de l’accord entre l’Union européenne et Israël7.
Sources
  1. Règlement (UE) n°1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) n°1924/2006 et (CE) n°1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) n o  608/2004 de la Commission Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE, JOUE L 304 du 22 novembre 2011, p. 18–63.
  2. Considérant 2 du Règlement (UE) n° 1169/2011, précité
  3. Communication interprétative relative à l’indication de l’origine des marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis juin 1967, JOUE C-375 du 12 novembre 2015, p. 4–6.
  4. Le renvoi préjudiciel est une procédure permettant à un juge national de poser une question à la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union européenne dans le cadre d’un litige dont il est saisi.
  5. Conseil d’État – 6ème et 5ème chambres réunies – 30 mai 2018 – n° 407147.
  6. CJUE, Grande chambre, 12 novembre 2019, Organisation juive européenne, Vignoble Psagot Ltd contre Ministre de l’Économie et des Finances, aff. C-363/18.
  7. CJUE, Firma Brita GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Hafen, aff. C-386/08, 25 février 2010