Paris. Le projet de fusion entre les opérateurs Thalys et Eurostar illustre la dynamique d’un secteur porté par un second souffle après avoir été confronté à la concurrence accrue du transport aérien low cost depuis 30 ans1 et qui affiche sa confiance en l’avenir, à rebours des incertitudes créées par le Brexit. Le rail a ainsi enregistré ces dernières années un accroissement continu de son trafic commercial (+11 % de voyageurs transportés en France, +10 % en Allemagne entre 2012 et 2017, toutes lignes confondues2) et parie sur une accentuation de cette tendance, soutenue par le développement des lignes à grande vitesse3.

« Greenspeed » s’inscrit dans la continuité de différentes initiatives récentes de développement du rail sur le vieux continent. En 2016, la compagnie ÖBB a racheté à la Deutsche Bahn une partie de ses liaisons nocturnes, alors structurellement déficitaires et considérées comme dépassées, afin de les moderniser et d’en faire une alternative attractive et rentable reliant les métropoles européennes (Berlin, Hambourg, Munich, Zurich, Milan ou encore Rome). Cette stratégie a rencontré un succès commercial certain4, alors que les études sur le sujet prévoyaient un déclin irrémédiable de ce mode de transport5. Côté Suisse, TGV Lyria compte augmenter de 30 % sa capacité de siège entre Genève et Paris.

Au-delà des avantages connus de ce mode de transport, la nouvelle donne environnementale est une des composantes essentielles de cet engouement européen, alors que le « flygskam », terme suédois signifiant la honte de prendre l’avion, se popularise en dehors des cercles militants. Le transport ferroviaire présente un intérêt écologique indéniable, bien que l’électrification du réseau soit encore parcellaire (55 % du réseau d’un panel de 29 pays européens, en progression modeste sur ces dernières années (+1 % entre 2013 et 20176). Conscients de cette opportunité, les gouvernements ont initié de grands plans de modernisation de leur réseau national, souffrant pour certains d’une vétusté consécutive à un sous-investissement chronique au cours de la dernière décennie. En Allemagne, le gouvernement prévoit d’y consacrer 86 milliards d’euros entre 2020 et 2030 7, alors qu’outre-Rhin ce sont 27,7 milliards d’euros qui seront destinés au ferroviaire français d’ici 20288. L’Espagne a emprunté une voie similaire, en fléchant la moitié des investissements d’infrastructures de son budget 2019 vers la remise à niveau de son réseau ferroviaire9.

Côté communautaire, l’Union s’est emparée depuis le début des années 90 de la question ferroviaire et notamment de l’unification de son réseau morcelé. Le programme dédié, nommé « Réseau transeuropéen de transport » (TEN-T) », se décline en plusieurs principes caractéristiques des politiques publiques européennes : standardisation, libéralisation et développement de l’interopérabilité. Il s’est matérialisé par le vote de quatre paquets réglementaires, les « paquets ferroviaires », dont le dernier date de 2016. La nouvelle Commission Von Der Leyen devrait prolonger ces efforts en ce sens, sa présidente ambitionnant « d’achever le plus rapidement possible » le TEN-T. Plusieurs projets d’envergure sont en cours, que ce soit le Rail Baltica qui doit arrimer les pays baltes au reste du continent ou encore le projet Lyon-Turin, dont l’achèvement demeure néanmoins tributaire de la qualité des relations transalpines, malmenées au cours des derniers mois10.

Perspectives  :

  • D’ici la fin d’octobre : désignation d’un nouveau candidat pour le poste de commissaire aux Transports après le rejet de la candidature roumaine de Rovana Plumb en raison de risques de conflits d’intérêts.
  • 1er novembre : entrée en fonction de la Commission Von der Leyen, qui sera suivie d’une présentation détaillée de la feuille de route européenne sur les transports.
Sources
  1. SPINETTA Jean-Cyrille, L’avenir du Transport ferroviaire, Rapport au Premier ministre, 15 février 2018.
  2. Eurostat
  3. Seventh Annual Market Monitoring Report, Independent Regulators’ Group-Rail, Avril 2019.
  4. Nightjet : renaissance of night trains in Europe, Media Rail, 2019
  5. “We conclude that night trains may continue to decline as rolling stock needs replacing, new high-speed rail infrastructure improves the competitiveness of day trains, and if more coach services are liberalized”, Research for TRAN Committee – Passenger night trains in Europe : the end of the line ?, Directorate-General for Internal Policies, Policy Department for Structural and Cohesion Policies, 2017.
  6. Seventh Annual Market Monitoring Report, Independent Regulators’ Group-Rail, Avril 2019.
  7. Les difficultés de la Deutsche Bahn mobilisent l’Allemagne, Le Monde, 20 septembre 2019.
  8. L’Etat va investir 27,7 milliards d’euros sur 10 ans pour les transports, Le Monde, 11 septembre 2018.
  9. Inversión pública en 2019 : el tren se lleva la mayor parte, pero el AVE recibirá menos, El Paìs, 15 janvier 2019.
  10. RIVIERA Matteo, L’analyse coûts/bénéfices pour le projet Turin-Lyon : un instrument efficace ?, Le Grand Continent, 3 mars 2019