Rome. L’Italie ne cesse de surprendre ses partenaires européens. Alors que le résultat de l’ACB arrive, le gouvernement italien décide de repousser la décision définitive à la période post-élections européennes (3). Les deux alliés au gouvernement sont, encore une fois, divisés sur le Train à Grande Vitesse (TAV) Turin-Lyon. L’acte le plus éclatant semble venir de l’Union Européenne (UE) qui propose, en espérant une réévaluation positive de la part de l’Italie, de participer à 50 % pour les dépenses internationales et à 50 % pour les dépenses nationales (contre une complète prise en charge par les deux Pays auparavant) (3).

Évidemment, les critiques vis-à-vis de l’ACB ne manquent pas. En tenant compte des seules critiques techniques, il est important de souligner l’article proposé par l’observatoire CPI (Conti Pubblici Italiani) qui remarque une double interprétation équivoque dans le travail : le traitement de taxes et péages ; la considération des coûts et bénéfices au niveau européen (1). L’observatoire CPI pousse le raisonnement qui porte Ponti à inclure dans son analyse les pertes dues à un moindre flux d’automobiles et de camions (2) : pertes directes pour la société qui a en gestion l’autoroute (moins de frais de péage collectés) et indirectes pour l’État (via la diminution des rentrées fiscales liées aux taxes autoroutières). “Plus l’infrastructure aurait de succès, plus elle représenterait un coût pour la collectivité “. Autrement dit, “[…] le jugement négatif sur le TAV dépend principalement du fait qu’une telle infrastructure causerait une baisse des profits pour la société de gestion des autoroutes […] et une baisse des taxes payées par les utilisateurs […]”(1).

Par ailleurs, une telle analyse ne prend pas en compte (et ce n’est d’ailleurs nullement sa vocation première) la considération des coûts et bénéfices liés aux projets au niveau européen – tels que la réputation de l’Italie qui pourrait être compromise, ou encore la naissance de nouvelles opportunités commerciales et de création d’emplois liées à cet infrastructure, certes imprévisibles mais très probablement positives (1).

Cependant, une question demeure identique : le TAV est-il prioritaire ? Faut-il vraiment compléter la connexion ferroviaire de l’espace européen pour le déplacement des marchandises ? À présent que la majorité des gens sont sensibilisés aux questions climatiques et cherchent à minimiser leur impact environnemental et social, le grand marché pensé par l’Europe dans les années 1990 pourrait ne plus trouver une base de consensus solide.

Une solution capable de relier l’ancien projet aux nouveaux besoins en mobilités pourrait être engendrée par le progrès technologique. L’arrivée de nouvelles technologies capables de réduire sensiblement la consommation énergétique et de réduire l’utilisation de matières premières pourrait insuffler un nouvel esprit dans le projet. Par exemple la technologie développée en Italie par Ironlev qui permet la lévitation magnétique sur une infrastructure traditionnelle, transformerait le TAV en un centre de recherche et développement international : un espace où travailler côte à côte pour améliorer les échanges au sein de l’Union.

Perspectives :

  • Le gouvernement italien ne trouve pas une position univoque sur la question des grands ouvrages publics, réduisant de fait sa crédibilité internationale.
  • Le retard dû à l’hésitation actuelle donnera lieu à des amendes et probablement à la perte de certains fonds européens. La question environnementale a un poids très lourd dans ce contentieux. Seul le temps pourra dire si le choix d’arrêter fera gagner la position des opposants au TAV.
  • Pour les vallées frontalières entre Italie et France, si le seul mode de transport demeure la route, la pollution va rester un problème non résolu. Il est dès lors préférable de commencer à développer sérieusement des camions à traction électrique capables de se recharger en cours de voyage. Une idée intéressante est celle de construire des zones de recharge sans contact (p.ex. par induction) dans les tunnels.

Sources :

  1. COTTARELLI Carlo, GALLI Giampaolo, Commento all’Analisi costi-benefici del nuovo collegamento ferroviario Torino – Lione, Osservatorio CPI, 19 février 2019.
  2. PONTI Marco et al., Analisi costi-benefici del nuovo collegamento ferroviario Torino – Lione, 11 février 2019.
  3. SEMBOLONI Ferdinando, TAV Torino – Lione, l’analisi costi benefici spiegata, Green Report, 25 février 2019.

Matteo Riviera