Washington, D.C. Le 17 septembre dernier, National Geographic a publié une étude1 aux conclusions à la fois surprenantes et encourageantes en ce qui concerne la protection de l’environnement. Menée conjointement avec IPSOS, entreprise sondagière internationale, elle porte sur 12 pays de tous les continents, comme le Brésil, la Chine, la Grande-Bretagne ou encore le Kenya. Deux questions fournissent des résultats particulièrement intéressants.

La première : « À votre avis, quelle proportion des terres et océans mondiaux est actuellement qualifiée d’aire protégée ? ». En moyenne, les sondés estiment que 33 % des terres et 35 % des mers sont protégées. Cela révèle une large surestimation des taux de protection dans le monde entier, quand seules 15 % des terres et 7 % des mers bénéficient de ce statut. Les sondés Indiens et Indonésiens surestiment particulièrement le niveau de protection des espaces naturels mondiaux (45 % environ). Respectivement, l’Inde et l’Indonésie protègent 6 et 12 % de leurs terres émergées2. Le « meilleur élève » du sondage, le Royaume-Uni, peut se féliciter d’une bonne éducation environnementale, mais qui est peut-être trop centrée sur son territoire national. En effet, les sondés britanniques pensent que 25 % des terres sont protégées ce qui est proche de la réalité nationale (28,5 %).

Les réponses à la seconde question, « Quelle est la proportion approximative de mammifères qui sont aujourd’hui menacés dans le monde ? », révèlent également une méconnaissance des enjeux de la biodiversité. Ici, les résultats sont plus serrés : en moyenne, seuls 28 % des sondés donnent la bonne réponse, qui est de l’ordre de 25 % des espèces de mammifères. La majorité des réponses se situe au delà de ce taux, témoignant là aussi une propension à surestimer les niveaux actuels de protection de la faune sauvage.

En somme, l’étude permet de conclure que les sondés accordent une forte importance à la question de la protection de l’environnement et trouvent inacceptable la disparition d’espèces animales. Les réponses, exagérées, révèlent une dissonance entre la sensibilité des sondés à l’environnement et l’action des pouvoirs publics dans ce domaine. On peut mettre notamment en cause un manque de communication des gouvernements sur leurs actions environnementales. L’article de National Geographic conclut que ce sondage pourrait permettre de faire pression sur les gouvernements mondiaux pour protéger plus largement leur terres et leurs mers, ce qui semble toutefois assez spéculatif.

Un sondage conduit en 2017 à l’échelle européenne3 semble aller dans le même sens. En moyenne, 95 % des sondés estiment que la protection de l’environnement est importante. En même temps, 70 % pensent que les gouvernements européens n’agissent pas assez en la matière. L’avis est plus favorable envers le rôle de l’Union Européenne, 56 % des citoyens européens interrogés seulement pensent que l’Union n’en fait pas assez pour protéger l’environnement. A cette échelle, on observe donc un fort intérêt pour la protection de la nature et un désir du citoyen européen moyen de voir s’améliorer l’action des pouvoirs publics en ce sens. À noter que l’Union s’est engagée en 2011, dans le cadre de sa Stratégie pour la Biodiversité (SUEB) à augmenter le taux de protection d’espèces d’oiseaux (Directive Oiseaux) et d’espèces (Directive Habitats). La SUEB s’inscrit dans un axe phare de la stratégie Europe 2020, « Une Europe efficace dans l’utilisation de ses ressources » : mise en place en 2010 pour prendre la suite de la stratégie de Lisbonne, la stratégie Europe 2020 a pour objectif de concilier croissance économique, développement et maintien de l’emploi et protection de la biodiversité.

Le défi lancé par la SUEB est de taille : d’ici 2020, 35 % des habitats et espèces (dont 79 % des espèces d’oiseaux) de l’Union européenne devront être protégés4. L’évaluation intermédiaire de 2015 expose clairement la lenteur des Etats européens à atteindre ces objectifs. A cette date, ils n’avaient pas effectué la moitié du chemin qui les séparaient de ces seuils. Trois facteurs peuvent expliquer ces résultats5 :

  • Un cadre législatif insuffisant dans le domaine de l’environnement et un défaut de surveillance des aires protégées (qu’on qualifie alors « d’aires de papier »).
  • L’insuffisante intégration des questions environnementales dans les autres secteurs économiques et politiques nationales
  • Un manque de moyens financiers alloués à la protection. De plus, les subventions de la Politique Agricole Commune sont destinées à l’intensification de l’agriculture, un facteur important de la perte de biodiversité et de la dégradation des milieux.

Pour qu’une future politique environnementale à l’échelle européenne soit plus efficace, il paraît donc indispensable de travailler sur l’amélioration de ces trois points.

Perspectives  :

  • Le sondage de National Geographic révèle une pression grandissante de l’opinion publique mondiale sur les questions de protection de l’environnement, dans un contexte où les manifestations liées aux questions écologiques se multiplient.
  • Année de tous les enjeux environnementaux, 2020 sera le moyen d’évaluer l’atteinte du seuil minimal de protection de 17 % et 10 % des terres et mers mondiales établi comme objectif par la Convention sur la Biodiversité Biologique (2010).
  • Pour l’Union, 2 l’année prochaine sera également déterminante pour apprécier l’efficacité de la SUEB. Cependant, les avancées enregistrées jusqu’à présent semblent trop lentes pour atteindre les objectifs environnementaux fixés.
Sources
  1. WAITE Erin, Many people want to set aside half of Earth as nature, National Geographic, 17 septembre 2019.
  2. Protected Planet, Rapport de 2016 du PNUE et de l’UICN sur la protection de l’environnement
  3. Special Eurobarometer 468 : Attitudes of European Citizens towards the Environment, novembre 2017
  4. Commission européenne, Report from the Commission to the European Parliament and the Council : the mid-term review of the EU Biodiversity Strategy to 2020, 2 octobre 2015.
  5. LOBLEY Rosemary, Biodiversity Loss : One Million Species Threatened with Extinction, Government Europa, 3 octobre 2019