Caracas. Le lundi 5 août, Donald Trump a ordonné un gel total des biens du gouvernement de Nicolas Maduro aux Etats-Unis.1 Ces nouvelles mesures ont été saluées par l’opposition incarnée par Juan Guaidó. En conséquence, Maduro a décidé de suspendre les négociations prévues cette semaine à La Barbade avec des membres de l’opposition sous l’égide de la Norvège2. Dans l’édition 55 de La Lettre du Lundi nous mentionnions en avant-première le rôle clef joué par le pays nordique qui, depuis le 8 juillet, organise sur l’île caribéenne les rencontres entre une délégation du gouvernement vénézuélien et différents représentants de l’opposition, qui ne se réduit pas à Guaidó : seul Fernando Martínez Mottola représente vraiment Guaidó. Maduro se contente donc pour l’instant de suspendre les négociations et non de les quitter totalement. Mais c’est un nouveau ralentissement qui intervient dans le processus de sortie de crise engagé dans le pays.

La réaction de Temir Porras, ancien directeur de cabinet de Nicolás Maduro et Vice-Ministre des Affaires Étrangères d’Hugo Chavez, est double. D’une part, il observe une « stabilisation par le bas » de la situation. Le Venezuela s’est installé de façon permanente dans cette crise singulière ; l’inflation ayant détruit la valeur de la monnaie nationale, la société vénézuélienne s’est de facto dollarisée. Le gouvernement de Maduro a dû légaliser cette dollarisation, en acceptant par exemple les transactions en dollars. Les billets qui circulent actuellement sont surtout des dollars, aux dépens des bolivars. Il s’agit, précise-t-il, d’une relative stabilisation par le bas car le dollar devient la référence et en même temps, le pouvoir d’achat des Vénézuéliens est grandement affecté par la crise, tout comme, naturellement, la structure économique du pays. Par exemple, aujourd’hui, l’essence est gratuite : on fait le plein sans payer.3.

D’autre part, Temir Porras souligne les efforts de mouvements et d’avancées, qui se trouvent dans la troisième voie qu’il évoque depuis le début de la crise4. Il se souvient que cette position était largement minoritaire ; Guaidó était à ce moment-là dans la rue et promettait un coup de force. « Mais cette voie n’a pas fonctionné, et cette stratégie ne fonctionnera pas. Guaidó a installé de façon structurelle la crise. Il s’est lancé dans une sorte de marathon ; là, il est à mi-chemin, à l’arrêt, et sans chaussures. Ce qui est paradoxal, car il a, en filant la métaphore, de gros sponsors. Je parle bien entendu des Etats-Unis. »

Selon Porras, maintenant, les Vénézuéliens sont majoritairement en faveur des négociations. Ils savent que c’est la seule sortie de crise possible, le pays est comme suspendu aux résultats de ces négociations, bien qu’il faille être patient.

« Il n’y a pas eu et il n’y aura pas de victoire rapide et facile. Ces négociations ne pourront probablement pas résoudre la crise vénézuélienne tout entière (c’est une négociation qui reste très restreinte). Mais elles peuvent renormaliser la vie institutionnelle du pays. Cela permettrait l’activité d’organisations politiques et le déroulement de nouvelles élections. » Temir Porras conclut en insistant sur l’importance du dialogue dans ce cas : il affirme que des opposants politiques, très polarisés, qui d’habitude ne se parlent jamais, sont maintenant en contact. Pas seulement à La Barbade, mais au Venezuela même, où la société civile n’a plus d’autre choix que de s’organiser et d’échanger pour s’en sortir.

Entretien téléphonique réalisé par l’auteur

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Alors que Maduro a décidé de suspendre le dialogue avec l’opposition en réponse aux nouvelles sanctions annoncées par Trump, Temir Porras maintient sa position initiale : la seule sortie de crise possible est la négociation, à tous les niveaux de la société. L’ancien conseiller de Hugo Chávez a accepté de commenter l’actualité vénézuélienne depuis les Etats-Unis, où il a été invité par le parti démocrate.