Téhéran. Le matin du lundi 22 juillet, le directeur du contre-espionnage du ministère du Renseignement et de la Sécurité nationale iranien (وزارت اطلاعات) a affirmé que 17 ressortissants iraniens qui auraient été recrutés par la CIA pour espionner les sites nucléaires et militaires du pays avaient été arrêtés. Le président Trump a qualifié l’annonce de « totalement fausse »1, tandis que Mike Pompeo, sans le nier directement, a déclaré qu’il fallait prendre toute déclaration iranienne avec « d’énormes pincettes »2. Le porte-parole du ministère de la Justice iranien, Morteza Esmaïli (مرتضی اسماعیلی), pour sa part, a affirmé lundi après-midi que certaines de ces personnes avaient été condamnées à mort et qu’elles seraient exécutées rapidement.

De telles affirmations sont très difficiles à confirmer car il est presque impossible de vérifier les affirmations des deux parties. En Iran, les affaires de sécurité sont étroitement contrôlées par des personnes complètement intégrées au régime, en l’occurrence le ministère du Renseignement. De plus, le directeur du contre-espionnage qui a annoncé l’information en conférence de presse n’a pas révélé son nom aux journalistes, ce qui est assez inhabituel. 

Menaces contre l'Iran dans la région L'iran et ses alliés

Ces situations finissent le plus souvent par se réduire à une simple opposition entre la parole d’un État contre celle d’un autre. Cependant les accusations d’espionnage de l’Iran sont l’objet d’un fort soupçon instruit par les expériences passées car le pays a accusé à de multiples reprises des journalistes, des activistes, et des universitaires d’être des espions. De plus, cette annonce est rendue plus suspecte par l’arrestation en juin d’une universitaire franco-iranienne du Centre de recherches internationales de Sciences Po, Fariba Adelkhah, pour des faits « d’espionnage » sans que la moindre information soit donnée aux autorités françaises3. L’affaire a très probablement une dimension nationale. Ces arrestations ont été effectuées par le ministère du Renseignement et non par l’appareil de renseignement des Gardiens de la Révolution. Or la concurrence entre les deux entités s’est justement intensifiée au cours de la dernière année.

En effet, au cours du dernier mois, les Gardiens ont démontré leur capacité à combattre et à protéger les frontières de l’Iran en abattant un drone américain et en capturant des pétroliers britanniques. De manière plus surprenante, une série télévisée, Gando, qui montre comment des Gardiens luttent contre différents représentants de la « cinquième colonne » (dont des espions américains, bien entendu) a eu un succès formidable en Iran depuis son lancement en juin4.

De son côté, le ministère du Renseignement a diffusé une émission de télévision de 19 minutes, nommée « la traque des espions », présentée comme un « documentaire ». Dans le film, on voit le ministre du Renseignement iranien, Mahmoud Alavi, affirmer que les agents de la CIA américains qui auraient recruté ce réseau d’espions iraniens auraient été identifiés, diffusant des photos de ces supposés agents accompagnés de leur famille.

Il se peut donc que le ministère du Renseignement tente de regagner un peu de sa crédibilité et de sa réputation en démontrant qu’il est également capable de démanteler des réseaux d’espions étrangers.

Sources
  1. TRUMP Donald, Twitter, 22 juillet 2019.
  2. Iran Cia Spies Detention, CNN, 22 juillet 2019
  3. Fariba Adelkhah : French-Iranian academic ‘arrested in Iran’, BBC, 15 juillet 2019
  4. MOSTAGHIM Ramin, BULOS Nabih, Imagine ‘Homeland,’ if all the heroes were Iranian. That’s ‘Gando,’ must-see TV in Iran, Los Angeles Times, 19 juillet 2019