Berlin. Le résultat des élections européennes en Allemagne constitue-t-il la plus grosse faille entre générations jamais constatée en politique1 ? En tout cas la polarisation de l’électorat est immense entre des jeunes qui ont plébiscité les Verts, dans la lignée d’une campagne européenne parfaitement menée (avec le mouvement transnational Fridays for Future qui a reçu une exposition médiatique maximale et a touché la jeunesse à travers toutes les catégories sociales), et l’électorat âgé, qui constitue encore les gros bataillons des partis traditionnels (CDU/CSU et SPD).

Le parti écologiste convertit l’essai et remplit les espoirs placés en lui. Annoncé à 20 % environ dans les sondages pour toutes les élections, nationales comme locales, “Die Grünen” gagne 10 points par rapport à 2014, et dépasse enfin une limite symbolique (20,7 %). Les Verts, qui enverront 21 des leurs siéger au Parlement européen, dominent d’abord dans les villes. En outre, selon les statistiques de migration des voix, la CDU a perdu quatre fois plus d’électeurs en direction du parti écologiste que vers l’AfD.

Les chrétiens démocrates de la CDU restent la première force du pays avec 22,4 %, ce qui laisse donc encore une porte entrouverte pour Manfred Weber à la commission. Mais, ayant perdu 7,6 points, Annegret Kramp-Karrenbauer peut difficilement pavoiser.  Ses alliés bavarois de la CSU s’en tirent mieux. Avec 6,3 % au niveau national, ils gagnent un point par rapport à 2014. L’Union CDU/CSU reçoit donc 28,7 % des suffrages et gagne 29 sièges. Mais, ayant présidé au pire résultat de ce parti dans une élection au niveau national, Weber devra faire face à Margarethe Vestager, qui sera certainement revigorée par les bons résultats des libéraux en Europe.

Le SPD est (à nouveau) en « chute libre » (15,6 %, -11,1 points par rapport à 2014) soit le pire score de leur histoire2. Le parti se demande bien quelle ligne politique est encore la leur. Partenaire minoritaire depuis 2013 d’une grande coalition que la majorité des électeurs rejettent, le parti dirigé par Andrea Nahles n’est plus force de proposition que sur le sujet des retraites (il est vrai que les personnes de plus de 60 ans constituent une part notable de son électorat, d’autant plus dans un pays vieillissant). Il n’y aura que 16 sociaux-démocrates allemands sur les bancs du parlement européen. Des rumeurs de Putsch courent à la Willy-Brandt-Haus (siège du parti à Berlin). Les « grands partis » (Volksparteien) CDU/CSU et SPD n’ont en somme plus rien de différent avec leurs compétiteurs en terme de poids électoral3.

L’AfD améliore son score (10,8 %, soit +3,7 points), mais sans triompher pour autant. Loin derrière ses alliés français et italiens, le parti d’extrême droite enverra 11 députés à Strasbourg.

Le FDP réalise un score moyen, en dessous des attentes (5,4 %, +2 points), et Die Linke glisse à la sixième place (5,4 %, -2 points). Ces partis enverront chacun 5 députés. Parmi les petits partis (l’Allemagne n’a pas de clause des 5 % pour les élections européennes), seront représentés au Parlement les Free Wähler bavarois (2 sièges), le parti satirique « Die Partei » (2 sièges), sans oublier le parti libéral écologiste ÖDP, le « parti des familles » conservateur, le mouvement pro-européen « Volt », le parti animalier « Tierschutzpartei » et le Parti Pirate avec un député chacun.

Sources
  1. Ulrich Berndt, Europawahlergebnis : Angriff aus dem Kinderzimmer, Die Zeit, 26 mai2019
  2. Börnsen Wenke, GroKo nach den Wahlen : Im freien Fall, Tagesschau, 26 mai 2019
  3. Becker Markus, Was die Europawahlergebnisse bedeuten : Gerupfte Volksparteien, grüne Gewinner, Der Spiegel, 26 mai 2019