Portugal : les Socialistes en route vers la victoire, mais la baisse de la participation inquiète

Lisbonne. En rappelant qu’avec l’abstention “commença la faiblesse des démocraties dans tant de cas”, ainsi que “le chemin de la séduction des pouvoirs absolus”1, le président portugais, Marcelo Rebelo de Sousa, ancien président du Partido Social Democrata (1996 – 1999) et aujourd’hui indépendant, a appelé ses compatriotes à voter lors des élections européennes à travers un message diffusé le samedi 25 mai. En 2014, seulement 33,67 % des Portugais appelés aux urnes s’étaient déplacés pour élire les 21 représentants européens de leur pays. Si d’après les sondages, une légère baisse du taux de participation est attendue, le président de la République a demandé de “ne pas laisser aux 20 % ou aux 25 % une décision qui appartient à tout le monde”. Pour justifier la nécessité pour les Portugais d’exprimer leur choix lors de ces élections européennes, Marcelo Rebelo de Sousa a revendiqué l’impact positif de l’Union sur leur vie :

L’Europe est, avec tous ses problèmes, la région qui possède le plus de droits au monde. Une grande partie de notre vie est résolue en Europe. En Europe, nous avons près de deux millions de membres de nos familles. En Europe, sont prises des décisions qui marquent notre présent et notre avenir – dans les domaines de la finance, de l’économie, de l’emploi, de la formation, de l’école, de l’environnement, des routes, du numérique, de l’innovation. En Europe, nous avons reçu l’aide financière nécessaire pour faire ce que nous ferions à un coût plus élevé et pour maintenir, dans les moments difficiles, la capacité de nous financer à l’étranger. […] Voter demain, c’est ne pas abandonner la liberté de gouverner notre avenir.”

Les derniers sondages publiés ont renforcé la tendance d’une victoire socialiste. Le Partido Socialista (PS, S&D), dont le Secrétaire général, Antonio Costa, est à la tête du XXIe gouvernement constitutionnel en tant que Premier Ministre, devrait obtenir entre 8 et 10 sièges, ce qui lui permettrait ainsi de maintenir, au moins, le nombre de représentants obtenu en 2014. Le Partido Social Democrata (PSD, PPE), qui avait regagné du terrain jusqu’à être presque côte à côte avec le PS à la suite des accusations de népotisme contre le gouvernement2, s’est vu affecté par la crise politique de début de mai, pendant laquelle Antonio Costa avait menacé de démissionner si le Parlement approuvait le dégel des salaires des enseignants3. Malgré cette récente tendance négative, le PSD pourrait réussir à obtenir entre 6 et 7 sièges, assurant aussi, au moins, le même effectif qu’en 2014.

Les différents sondages présentent des intentions de vote très diverses pour les autres partis ayant la possibilité d’au moins faire élire leurs têtes de liste. Alors que le Bloco de Esquerda (B.E., GUE/NGL) est présenté en troisième position par certaines enquêtes, avec un peu plus de 11 % des intentions de vote -, lui permettant ainsi d’obtenir 3 sièges (+2) -, d’autres l’estiment à moins de 7 %, derrière la Coligação Democrática Unitária (PCP-PEV, GUE/NGL), constituée du Partido Comunista Português et du Partido Ecologista Os Verdes, et des conservateurs du CDS – Partido Popular (CDS-PP, PPE). Dans tous les cas, il semblerait que le nombre de représentants portugais dans les groupes politiques européens (8 S&D, 8 PPE, 4 GUE/NGL, 1 ALDE) ne connaîtra pas d’importantes modifications.

Si les élections européennes au Portugal ne représentent pas un enjeu majeur pour les Portugais qui doivent élire le 6 octobre leur nouveau Parlement, ces élections constituent un tour de chauffe pour les deux partis historiquement majoritaires du pays ayant survécu à l’austérité.

Espagne : dans une élection aux tendances locales, les Socialistes visent l’influence en Europe

Madrid. En Espagne, les élections européennes se tiennent ce dimanche 26 mai, en même temps que les élections municipales et celles aux parlements des douze communautés autonomes et des deux villes autonomes de Ceuta et Melilla. Près d’un mois après les élections législatives du 28 avril qui ont vu le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) s’imposer au Parlement, sans toutefois obtenir de majorité absolue, les élections européennes pourraient bénéficier d’une hausse de participation en Espagne, l’un des bastions de l’européisme. Les résultats devraient se distinguer quelque peu de ceux des pays voisins : ils importent aussi bien pour l’avenir de l’Union Européenne que pour le socialisme européen.

D’après les dernières enquêtes, à l’instar de celle effectuée par Sigma Dos, première société de sondage espagnole, pour El Mundo, le PSOE devrait remporter une nouvelle victoire et obtenir entre 18 et 20 sièges au Parlement européen, au lieu des 14 sièges obtenus lors des dernières élections de 2014, et devant la droite du Partido Popular (PP) et le parti de centre-droit Ciudadanos (Cs). Ce dernier pourrait même dépasser le PP, confirmant le dévissement du Partido Popular dans l’opinion espagnole4. Les pronostics pour ces élections européennes annoncent ainsi la confirmation de la tendance observée lors des élections du mois dernier, avec l’affirmation du PSOE et de Ciudadanos, et le déclin du PP et de Unidas Podemos qui pourrait perdre la moitié des sièges obtenus en 2014. L’affirmation du parti d’extrême-droite Vox dans le paysage politique espagnol et européen devrait se confirmer avec l’obtention d’environ 5 sièges. De même, la cause indépendantiste catalane devrait être représentée au Parlement européen : Ahora Repúblicas, la coalition regroupant notamment ERC (Gauche républicaine de Catalogne), le parti de Oriol Junqueras, pourrait obtenir trois sièges ; le parti de Carles Puigdemont, Junts per Catalunya, devrait pour sa part obtenir un siège. La cause indépendantiste a d’ailleurs été un point de crispation central lors du débat télévisé qui s’est tenu mercredi 22 mai.

En somme, les résultats des élections européennes devraient confirmer la tendance des élections législatives du 28 avril dernier. Contrairement aux autres socialistes européens, les socialistes espagnols devraient s’imposer, avec les italiens, comme l’un des principaux contingents du groupe social-démocrate (S&D) au Parlement européen, donnant à l’Espagne un rôle fondamental pour l’avenir de l’Europe. A l’heure de la montée de l’euroscepticisme et du nationalisme de droite, les socialistes espagnols défendent un projet pro-européen, plaidant pour davantage de solidarité et de fédéralisme, ainsi que pour davantage d’intégration entre les membres de l’Union européenne5. Ils sont aussi favorables à une ouverture des frontières au profit d’une politique d’immigration commune. Pour les médias internationaux, les résultats de ces élections européennes sont aussi un enjeu de politique intérieure espagnole, dans la mesure où la seconde victoire du PSOE, plus ferme que lors des élections législatives du 28 avril, devrait permettre à Pedro Sánchez de former un gouvernement stable6. La représentation du mouvement indépendantiste catalan au Parlement européen, en dépit des incertitudes liées au rôle effectif de député des dirigeants indépendantistes condamnés et poursuivis par la justice espagnole, est considérée comme un moyen d’internationaliser le conflit entre la Catalogne et l’Espagne. Elle fera de la question nationaliste un enjeu d’autant plus fort pour le nouveau Parlement européen.