Washington/Beijing. Ce lundi, La Chine a annoncé la mise en place de nouveaux tarifs douaniers sur plus de 60 milliards de biens américains 1. Il s’agit seulement du dernier épisode du feuilleton commerciale-belliciste entre les deux puissances. La semaine dernière, les États-Unis, à la suite d’une déclaration tonitruante de son président, avaient imposé de nouveaux droits de douane sur plus de 200 milliards de dollars de biens d’exportation chinois. La réponse chinoise était attendue après que le Président Américain les aient prévénu contre toute tentative de représaille.
Le ministre des affaires étrangères Chinois a déclaré lundi que « la Chine ne se soumettra jamais aux pressions extérieures » . Si les rodomontades sino-américaines peuvent se comprendre dans le cadre de négociation où il faut préparer le combat pour ne pas le mener, le scénario d’une guerre commerciale se précise.
Les guerres, même les escarmouches, font des victimes. Qui sont-elles aujourd’hui ? Selon le président américain, ce sont évidemment les Chinois. Les tarifs douaniers attaquent la compétitivité des biens chinois aux États-Unis au profit des entreprises américaines et des pays non touchés.
Évidemment, ce n’est pas aussi simple. Tout bon connaisseur de la guerre sait qu’il faut se méfier autant des des tirs ennemis que des tirs de ses alliés. Dans ce cas, ce sont les consommateurs américains qui sont aussi touchés directement et indirectement par la vague de tarifs douaniers imposés par Donald Trump. Directement car les biens chinois qu’ils consommaient auparavant sont maintenant plus chers. Indirectement car les entreprises américaines qui importaient des biens chinois ne peuvent changer si facilement leur processus de production (et n’ont peut être pas d’alternatives). Ces entreprises répercutent l’augmentation de leurs coûts sur les consommateurs américains à travers des prix à la consommation plus élevés. Les estimations divergent mais une étude récente 2 estiment les coûts des droits de douanes américains de 2018 à 68,8 milliards de dollars pour les consommateurs et entreprises américaines.
Mais les Américains ne sont pas les seuls affectés, l’Europe aussi tremble. Tout d’abord, l’établissement d’une barrière commerciale affecte négativement tous les échanges. Ensuite, cela modifie l’organisation commerce mondial 3. Tout comme les ruisseaux, les flux commerciaux suivent la loi de la gravité. Si les biens chinois sont moins compétitifs aux États-Unis, alors ils risquent de se diriger en Europe à la place. À l’inverse, si les entreprises et les consommateurs américains consomment moins chinois, ils pourraient se tourner vers les biens européens. D’une part, l’arrivée de biens chinois extrêmement compétitifs pourrait avoir un effet disruptif sur le tissu économique européen (tout en profitant au consommateur). De l’autre, certains marchés américains sont à prendre pour les entreprises européennes.
L’Europe est, qu’elle le veuille ou non, en tant que partenaire commercial secondaire le plus important des deux géants, en première ligne de la guerre commerciale. Son impact potentiel sur l’économie européenne est difficile à mesurer mais il sera proportionnel à l’importance des nouveaux tarifs imposés. Ce qui est sûr c’est qu’étant donné l’hétérogénéité de l’appareil productif européen, cela mettra la solidarité des États membres à rude épreuve.
Perspectives :
- La guerre commerciale sino-américaine qui pourrait éclater (c’est peu probable tout de même) sera gagnée par celui qui en minimisera son coût politique. Il n’est pas sûr que les consommateurs américains restent éternellement passifs s’ils paient la majorité des tariffs.
- L’Europe est une victime collatérale de cette guerre tarifaire à cause du détournement des échanges. Il peut avantager les entreprises exportatrices vers les États-Unis et inversement blesser les secteurs en concurrence avec les entreprises chinoises.
Sources
- BRICE Makini, BLANCHARD Ben, China to slap tariffs on U.S. goods despite Trump warning, Reuters, 12 mai 2019.
- FAJGELBAUM Pablo D., GOLDBERG Pinelopi K., KENNEDY Patrick J., KHANDELWAL Amit K., The Return to Protectionism, NBER Working Paper No. 25638.
- BOWN Chad P., CROWLEY Meredith A., Trade deflection and trade depression, Journal of International Economics, Volume 72, Issue 1, MAI 2007, pp. 176-201.