Djibouti. Ces dernières années, l’Italie a renouvelé son intérêt pour une région qui a toujours été au centre de sa projection géopolitique : la Corne de l’Afrique. Du colonialisme aux événements les plus récents, la présence militaire de Rome a accompagné une grande partie de l’histoire des relations avec les acteurs de cette région. L’Italie n’est plus une puissance coloniale depuis la Seconde Guerre mondiale et l’indépendance de la Somalie en 1960, mais elle a récemment participé à des missions multilatérales de soutien au gouvernement somalien et à la préparation des bases militaires de Djibouti, où l’Italie a un commandement conjoint1. Pour Rome, il est important de trouver un pont entre la Corne de l’Afrique et les foyers d’instabilité de la péninsule arabique. Cependant, le débat reste ouvert sur les ressources que le gouvernement entend investir efficacement dans les missions de la Corne de l’Afrique.

La présence militaire étrangère dans la Corne de l’Afrique est une réalité pérenne renforcée par la guerre civile en Somalie, qui a culminé avec l’ouverture d’une base chinoise en 2017. Outre Camp Lemonnier, base historique française, une base américaine a été ouverte en 1995 dans le cadre de l’opération de maintien de la paix Somalie2. Par ailleurs, l’Espagne, le Japon et l’Allemagne sont plus ou moins fortement représentés. La « ruée vers Djibouti » a également vu la participation du contingent italien, avec la Marine qui soutient les opérations de lutte contre la piraterie dans le cadre de l’Opération Atalanta de l’Union dans le golfe d’Aden et, surtout, avec les carabiniers entraînant les forces armées somaliennes dans le cadre des mission de la Politique de Sécurité et Politique Commun (PSDC) (la base militaire italienne n’est qu’à 7 km de la Somalie).

GEG | Cartographie pour Le Grand Continent

Djibouti est le symbole du pont géopolitique qu’est devenu la Corne de l’Afrique. Le détroit de Bab el-Mandeb constitue un goulet d’étranglement central pour la gestion du trafic vers la mer Rouge, alors que les conflits en Somalie et au Yémen sont de plus en plus interconnectés. L’Italie avait déjà déployé un premier contingent dans le cadre de la gestion de la guerre somalienne dans les années 90, se proposant en 2012 avec les premières adhésions aux programmes de coopération bilatérale et en 2013 avec la base de soutien militaire3. Bien que limitée en termes de personnel, la présence italienne est fondamentale pour assurer une projection géopolitique, en particulier dans les programmes de coopération au développement, avec des projets spécifiques dans le domaine de la santé et du désarmement. L’accent mis sur la Somalie est certainement plus important, étant donné que la participation aux opérations de lutte contre la piraterie est complémentaire des efforts des autres acteurs (Iran, Chine, Japon, Arabie saoudite). Mais, plus récemment, c’est surtout le débat sur les ressources destinées aux missions italiennes à l’étranger qui a pris le devant de la scène.

En Italie, l’autorisation des missions italiennes à l’étranger est organisée par la loi 145 de 2016 et les ressources par les articles 2.3 et 4.34. Le rôle central dans le processus de prise de décision confié au Président du Conseil, qui communique les plans d’investissement par décret aux commissions parlementaires, pose un grave problème politique. Le gouvernement actuel se caractérise par un fort contraste entre ceux qui veulent une réduction des forces armées à l’étranger, et ceux qui veulent un renforcement des contingents italiens, comme le ministre de la Défense Elisabetta Trenta. Dans le dernier plan, présenté en janvier 2019, la partie principale des ressources du fonds est allée au contingent italien UNIFIL au Liban (près de 20 millions d’euros), tandis que les missions à Djibouti et la mission EUTUM en Somalie ont reçu environ 3 millions, une diminution qui fait suite à celle déjà mises en oeuvre dans le passé5. Le Premier ministre Giuseppe Conte a souligné à plusieurs reprises l’utilisation de soldats italiens à l’étranger comme voie de légitimité internationale, mais il est indéniable que son gouvernement a hérité, faute d’avoir développé un plan d’ajustement, d’une situation très précaire dans la gestion des forces armées nationales à l’étranger. Ces dernières sont destinées à voir de moins en moins de fonds, même dans le cadre des programmes de coopération au développement.

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Perspectives :

  • La semaine passée, le Parlement italien a examiné deux documents de mise à jour concernant les missions italiennes à l’étranger. Le seul changement substantiel semble être le renforcement de la présence militaire italienne en Tunisie, avec l’ouverture de trois commandements sur le territoire (dont un à Kasserine, dans le sud de la Tunisie, déjà un foyer de mécontentement).6
  • L’un des points essentiels est le lien entre la loi 145/2016 et la loi 185/1990 (loi sur l’exportation d’armes). Le Parlement italien n’a pas encore examiné le document de 2018 sur l’exportation d’armes, ce qui a provoqué un retard inquiétant7.