Belgrade. Le 17 janvier, plus de 100 000 personnes, des cloches sonnant à toute volée et des salves de coups de canon ont accueilli le président russe Vladimir Poutine pour sa brève visite à Belgrade (3).

La Russie est considérée comme l’allié le plus important de la Serbie, notamment depuis qu’elle s’est opposée, en 1999, à l’intervention de l’OTAN contre Belgrade. Par la suite, Moscou a également contesté l’indépendance du Kosovo, obtenant en échange que son allié des Balkans refuse de s’associer aux sanctions prononcées suite à la crise en Crimée.

C’est justement la question du Kosovo, pour laquelle une issue diplomatique se dessine, qui occupait le centre des discussions entre Poutine et son homologue serbe Aleksandar Vučić. Les derniers accords prévoient en effet la possibilité d’un échange territorial entre Belgrade et Pristina, un compromis qui devrait d’une part satisfaire les revendications des nationalistes serbes et, d’autre part, garantir une reconnaissance complète du Kosovo, dont l’indépendance a été déclarée unilatéralement en 2008 (1).

Le Kremlin, selon les mots de son conseiller Ušakov (5), serait favorable à la mise en œuvre d’un tel accord, à condition qu’il respecte pleinement le droit international et la volonté des parties contractantes. Toutefois, Moscou préférerait une poursuite des négociations au siège de l’ONU plutôt que sous les auspices de l’Union, comme cela fut le cas jusque là. La raison en est claire : dans l’enceinte des Nations Unies, la Russie peut participer aux négociations et faire dépendre leur succès de son propre droit de veto. De cette manière, Moscou considère que la position de Belgrade serait majoritairement assurée (6).

Ce n’est pas par hasard si Vučić appuie l’initiative russe alors que, jusqu’à ce jour, il avait exprimé sa confiance personnelle envers la diplomatie de Bruxelles. Du reste, à l’intérieur de l’Union, nombreux sont ceux à critiquer l’idée d’une modification des frontières qui risquerait d’avoir des conséquences sérieuses ; parmi eux, la chancelière allemande Angela Merkel (4).

La visite de Poutine est à comprendre dans l’optique d’un rapprochement de la Russie avec les Balkans, à un moment où l’adhésion de certains États clefs de la région à l’Union européenne est sur le point d’entrer dans une phase cruciale, et où le président américain Donald Trump s’attribuerait volontiers le succès de l’éventuelle normalisation des rapports entre la Serbie et le Kosovo.

Cependant, le président russe a trouvé cette fois un pays différent de celui qu’il avait quitté après sa dernière visite en 2014. Au-delà du vacarme médiatique et de l’accueil triomphal qui lui a été réservé à Belgrade, on note en effet un mécontentement croissant des citoyens serbes à l’égard de leur propre gouvernement. Les protestations des six dernières semaines (2) témoignent d’un pays divisé, au milieu du gué entre l’adhésion aux institutions communautaires et sa traditionnelle indépendance politique, dont l’alliance avec la Russie représente un pilier symbolique.

Perspectives :

  • 2019 : potentiel référendum en Serbie sur l’accord avec le Kosovo.
  • Avril 2020 : prochaines élections législatives en Serbie.
  • 1er janvier 2025 : date officiellement prévue pour l’adhésion de la Serbie à l’Union.

Sources :

  1. CAILLAUD Matthieu, Quale futuro per le relazioni Serbia – Kosovo – Unione europea ?, La Lettre du Lundi, 22 juillet 2018.
  2. Perché si protesta a Belgrado ? Appunti su Vucic, europeista controverso, Il Foglio, 9 janvier 2019.
  3. Putin Gets Red Carpet Treatment in Serbia, a Fulcrum Once More, New York Times, 17 janvier 2019.
  4. Angela Merkel : No Balkan border changes, Politico, 13 août 2018.
  5. Russian, Serbian presidents to discuss situation in Kosovo — Kremlin aide, TASS, 16 janvier 2019.
  6. Serbia-Kosovo Land Swap Talks : A True Peace Agreement or Moscow-Desired Useful Precedent ?, The Jamestown Foundation, 17 janvier 2019.

Pietro Figuera