Oslo. « Je ne vois aucune raison pour que la Russie veuille provoquer un changement (dans l’Arctique) », a déclaré le directeur des études russes de l’Institut Fridtjof Nansen à Oslo Lars Rowe dans une interview accordée à Arctic Today (1).

Une lecture à contre-courant, si on la compare à celle de ceux qui (surtout dans les pays scandinaves) voient dans l’activisme de Moscou une menace pour les équilibres régionaux. Mais un tel activisme, dit M. Rowe, est normal pour la Russie. Bien sûr, une normalité inconfortable pour des pays comme la Norvège, mais difficile à éviter. « Je pense que nous parlons d’un niveau de modernisation des forces militaires russes dans le Nord que la Russie considère naturel et conforme à ce qu’elle avait à l’époque soviétique, souligne-t-il. La reconstruction remonte à au moins 15 ans, lorsque nous avons commencé à voir plus de bombardiers russes sur des trajectoires stratégiques le long de la côte norvégienne. Au début, c’était surprenant en Norvège, mais en fait, c’est la normalité historique ».

L’interviewer rapporte également un extrait d’un article de Rowe publié dans le magazine norvégien Ottar, où il affirme que  » d’un point de vue historique, la Russie centralisée de Poutine est beaucoup plus normale que le chaos décentralisé de Boris Eltsin. De même, l’affirmation de soi de la Russie est beaucoup plus fiable que son inaction.

En tant qu’historien, Rowe apporte des causes à long terme pour soutenir la thèse d’une Russie destinée à rester plus collaborative qu’agressive dans l’Arctique, mais il ne manque pas de souligner les intérêts actuels qui pousseraient Moscou dans cette direction : « Nous devons comprendre qu’il revient à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et non au Conseil de l’Arctique (dont Rowe avait parlé dans un passage précédent le définissant comme un organe plus consultatif et en tout cas non conditionné par les tensions entre la Russie et l’Otan, ndA) d’imposer à la Russie, comme à la Norvège, des inconvénients disproportionnés en ce qui concerne l’accès aux grands océans, au pétrole, au poisson et aux autres ressources de l’Arctique. Il est dans l’intérêt évident de la Russie de respecter avec diligence le droit de la mer.

Enfin, M. Rowe considère l’activisme militaire russe dans la région comme essentiellement défensif, comme un instrument de dissuasion à l’encontre des ambitions de l’Otan qui, dans le cadre de l’exercice Trident Juncture (2), a massivement déployé ses soldats en Norvège, effectuant le plus grand exercice militaire de l’Alliance jamais organisé dans ce pays (3).

Perspectives :

  • Bien qu’il y ait un air de coopération entre la Russie et l’Occident qu’il est difficile de trouver ailleurs dans les organisations multilatérales de la région, même celles-ci ne sont pas totalement à l’abri des tensions sur d’autres fronts. Moscou, par exemple, continue d’opposer son veto à l’entrée de l’Union en tant qu’ “observateur permanent” du Conseil de l’Arctique, en réponse aux sanctions pour l’annexion de la Crimée.

Sources :

Luca Lottero