Munich. En vertu de la constitution bavaroise, Markus Söder (CSU, PPE) avait un mois après les élections régionales, où son parti a réalisé son plus bas score depuis 1950 et perdu sa majorité absolue, pour constituer un nouveau gouvernement. Depuis lundi, c’est désormais chose faite (5). Le cabinet Söder II compte 12 ministres et secrétaires d’État issus de l‘Union chrétienne-sociale (CSU) pour 5 représentants des Électeurs libres (Freie Wähler, FW), parti conservateur et rural qui était l’un des deux grands gagnants de l‘élection (1). Son président, Hubert Aiwanger, est nommé vice-ministre-président, comme il est d‘usage pour le chef du partenaire de coalition minoritaire. Ensemble, les deux partis disposent de 52 pour cent des sièges au Parlement. Si Markus Söder reste bien ministre-président, c’est donc au prix d’une recomposition significative des forces au Maximilianeum et d’un affaiblissement de son parti.
Avec son nouveau cabinet, le ministre-président bavarois s’efforce d‘incarner le changement auquel il a été contraint, tout en montrant un visage volontiers plus modéré et moderne. À la clef : le gouvernement le plus jeune de l’histoire de la Bavière (4), dont la benjamine, Judith Gerlach (CSU, 33 ans), prend la tête d’un tout nouveau ministère du numérique, alors que le chef des jeunes de la CSU, Hans Reichhart (36 ans), s’empare du logement, un sujet majeur dans une région marquée par un renchérissement massif de l’immobilier. Pour leur part, les Électeurs libres reçoivent trois portefeuilles symboliques : celui de l’économie, du développement rural et de l’énergie, occupé par le vice-ministre-président Hubert Aiwanger ; celui de l’enseignement, compétence presque exclusivement régionale ; enfin celui de l’environnement, un des points forts du parti pendant la campagne. Les négociations pour le contrat de coalition n’ont guère fait de vagues ; tout au plus Hubert Aiwanger a-t-il été critiqué pour sa reculade sur les dépenses de gouvernement, dont il semble mieux s’accomoder depuis son succès électoral.
Anecdote qui n’en est pas une dans une région traditionnellement conservatrice, treize ministres sur quinze sont catholiques – mais pas le ministre-président, protestant. Cinq sont titulaires d’un doctorat. Seules cinq femmes siègent au gouvernement, aucune n’occupant de ministère régalien ; Markus Söder a beau annoncer “mettre l’accent sur le fait que la CSU souhaite une meilleure présence des femmes” (6) à l‘occasion des européennes, il s’agit en réalité d’une régression : elles étaient six dans le dernier gouvernement Seehofer.
La véritable surprise a eu lieu à la veille de l’intronisation du nouveau gouvernement. Horst Seehofer, ministre fédéral de l’Intérieur, président de la CSU depuis dix ans, a annoncé qu’il comptait démissionner de la présidence du parti pour faire de 2019 “l‘année du renouvellement” (3). Markus Söder devrait logiquement le remplacer. Il a ajouté qu’il ne “s‘accrochait pas à son poste” ministériel, suggérant qu’il pourrait quitter l’Intérieur bien avant la fin de la législature. La date du congrès exceptionnel du parti qui permettra d’élire la nouvelle direction a été fixée au 19 janvier (7).
Les déclarations de Horst Seehofer suivent de près celles de sa meilleure ennemie au sein de la Grande coalition, la chancelière Angela Merkel (2), qui quittera la présidence de la CDU en décembre mais entend en continuer de mener le gouvernement jusqu‘aux prochaines élections fédérales en 2021. Les fils du destin de Seehofer et Merkel, indéfectiblement entrelacés du fait même de leur antagonisme dans la crise migratoire, se couperont bel et bien sous la même législature. Pourtant, à l’heure de la Kanzlerdämmerung, qui oserait encore dire, telle les Nornes du prologue wagnérien, qu‘il “sait ce qu‘il en adviendra” ?
Les élections en Hesse et en Bavière et les démissions de Merkel et Seehofer sont au cœur des brèves du Programme Centres. Retrouvez ici notre analyse des élections bavaroises, là notre brève consacrée au scrutin hessois et au retrait prochain d‘Angela Merkel, et ci-dessous une carte inédite des équilibres politiques régionaux.
Perspectives :
- 7-8 décembre 2018 : congrès de la CDU à Hambourg – élection du successeur d’Angela Merkel à la présidence de la CDU.
- 19 janvier 2019 : congrès extraordinaire de la CSU – élection du successeur de Horst Seehofer à la présidence de la CSU.
Sources :
- HUBLET François, Une volée de bois vert pour la CSU, les socio-démocrates plongent et les Électeurs libres jubilent, La Lettre du Lundi, 14 octobre 2018.
- MENNERAT Pierre, Après la défaite en Hesse, l’ouverture attendue de la succession à Merkel, La Lettre du Lundi, 4 novembre 2018.
- Seehofer gibt auf, Süddeutsche Zeitung, 11 novembre 2018.
- Söders Minister im Kurzporträt, Süddeutsche Zeitung, 12 novembre 2018.
- Überraschungen im bayerischen Kabinett, Süddeutsche Zeitung, 12 novembre 2018.
- Söder : CSU will bessere Präsenz der Frauen, Süddeutsche Zeitung/dpa, 15 novembre 2018.
- Seehofer legt CSU-Vorsitz am 19. Januar nieder, Süddeutsche Zeitung, 16 novembre 2018.
François Hublet