Les paroles de Bolsonaro

Le candidat victorieux des élections présidentielles, Jair Bolsonaro, s’est adressé ce dimanche, 28 octobre, aux Brésiliens et au reste du monde lors d’un discours officiel.

Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera.

Je n’ai jamais été seul, j’ai toujours senti la présence de Dieu et la force du peuple brésilien. Les prières d’hommes, de femmes, d’enfants et de familles entières qui, face à la menace de continuer dans un chemin qui n’est pas celui que les Brésiliens désirent et méritent, ont placé le Brésil, notre Brésil bien-aimé, au-dessus de toute chose. Je vous prends pour témoin : ce gouvernement se fera défenseur de la Constitution, de la démocratie et de la liberté. Ceci est une promesse, non pas la promesse d’un parti, ni la parole vaine d’un homme, c’est un serment envers Dieu.

Le caractère modéré des propos qu’il a tenus lors de cette déclaration apparaît de manière d’autant plus saillant lorsqu’on le compare à celui de sa première prise de parole, juste après son élection, transmise via Facebook et clairement destinée à ses partisans.

Si lors de sa première intervention Bolsonaro a repris ses mots d’ordre traditionnels sur la religion et l’anti-gauchisme, le discours officiel se veut résolument plus conciliant : non seulement il s’inscrit dans une ligne nettement néo-libérale (l’accent est sans surprise mis sur la réduction du rôle de l’État jugé trop présent, sur la dévolution des pouvoirs aux États et sur la limitation du pouvoir du District Fédéral dans la politique nationale), il s’adresse aussi et surtout à « un Brésil aux opinions, aux couleurs et aux orientations diverses ». Le terme de « liberté », prononcé plus d’une vingtaine de fois, devient l’épicentre d’un discours qui cherche à rassembler les électeurs (parmi lesquels beaucoup ont voté contre le PT plutôt que pour les idées de Bolsonaro) et à introduire du consensus dans une société fortement polarisée. En effet, le président élu n’a fait nullement référence au régime militaire. Si, pour certains, Bolsonaro incarne le souvenir de la dictature, pour beaucoup il est la promesse d’un changement dans un contexte de grave crise économique, politique et sociétale.

La vérité va libérer ce grand pays. Et la liberté va nous transformer en une grande nation. La vérité a été un phare qui nous a guidés jusqu’ici et qui va continuer d’éclairer notre chemin. Ce qui s’est produit aujourd’hui dans les urnes n’a pas été la victoire d’un parti, mais la célébration d’un pays de la liberté. L’engagement que nous avons assumé vis-à-vis des Brésiliens a été de former un gouvernement décent, engagé exclusivement pour notre pays et pour notre peuple, et je garantis que ce sera ainsi. Notre gouvernement sera constitué par des personnes ayant le même but que tous ceux qui m’écoutent en ce moment. L’objectif est de transformer le Brésil en une grande nation, libre et prospère.

Une idée messianique qui se développe tout au long de ce discours : celle de l’avènement d’un pays nouveau. Le retour brésilien du thème eschatologique formulé par Steve Bannon pointe le phénomène d’internationalisation du néonationalisme.

Vous pouvez être sûrs que nous travaillerons jour et nuit pour ce faire. La liberté est un principe fondamental. La liberté d’aller et venir, de marcher dans les rues partout dans ce pays, la liberté d’entreprendre, la liberté politique et religieuse, la liberté d’informer et d’avoir une opinion, la liberté de faire des choix et d’être respecté pour ceux-ci.Ce pays est à nous tous, Brésiliens de naissance ou de cœur. Un Brésil aux opinions, aux couleurs et aux orientations diverses. En tant que défenseur de la liberté, je vais créer un gouvernement qui protège les droits du citoyen, qui remplit ses devoirs et respecte les lois.

Ces dernières concernent tout le monde. Parce c’est ainsi que sera notre gouvernement : constitutionnel et démocratique.Je crois, en regardant la capacité du peuple brésilien, qui travaille de manière honnête, que nous pouvons, ensemble, gouvernement et société, construire un futur meilleur. Ce futur dont je parle et dans lequel je crois passe par un gouvernement capable de créer des conditions pour que tous puissent grandir. Et cela signifie que le gouvernement fédéral fera un pas en arrière, en réduisant sa structure et sa bureaucratie, en réduisant les gaspillages et ses privilèges pour que les gens puissent faire de nombreux pas en avant. Notre gouvernement va briser des paradigmes.

Nous allons faire confiance aux gens. Nous allons débureaucratiser, simplifier et permettre que le citoyen et l’entrepreneur aient davantage de liberté pour créer et construire leur futur. Nous allons larguer les amarres du Brésil.Nous allons briser un autre paradigme : le gouvernement respectera vraiment la Fédération. Les gens habitent dans des municipalités, donc les ressources fédérales iront directement du gouvernement central aux États et aux municipalités. Nous remettrons sur pied la Fédération brésilienne. C’est en ce sens que nous répétons avoir besoin de plus de Brésil et de moins de Brasilia. Une grande partie de ce que nous fondons dans le présent nous rapportera des conquêtes dans le futur. Les semences seront lancées et arrosées pour que la prospérité soit le destin des Brésiliens du présent et du futur.

Celui-ci ne sera pas un gouvernement qui répondra uniquement aux besoins immédiats.Les réformes que je propose ici sont conçues pour créer un futur pour les Brésiliens. Et quand je dis cela, je le fais en tendant une main au caoutchoutier au cœur de la forêt amazonienne et une autre à l’entrepreneur, qui transpire pour créer et développer son entreprise. Parce qu’il n’existe pas des brésiliens « du Sud » ou « du Nord ». Nous sommes tous un seul pays. Nous sommes tous une seule nation. Une nation démocratique. L’État de droit, démocratique, a comme pilier le droit à la propriété. Nous réaffirmons ici le respect et la défense de ce principe constitutionnel et fondateur des principales nations démocratiques du monde.

L’emploi, le revenu et l’équilibre fiscal sont nos compromis pour favoriser le développement d’opportunités de travail pour tous. Nous briserons le cercle vicieux de la croissance de la dette, en substituant à celui-ci le cercle vertueux des moindres déficits, de la dette décroissante et des intérêts plus bas. Ceci stimulera les investissements, la croissance et par conséquent la génération d’emplois. Le déficit publique primaire doit être éliminé le plus rapidement possible et être transformé en de l’excédent. C’est là notre objectif. Aux jeunes, voici un mot du fond de mon cœur : vous avez vécu une période d’incertitude et de stagnation économique. Vous avez été – et vous êtes toujours – contraints de faire preuve de votre capacité à résister. Je vous promets que cela va changer. C’est là, notre mission. Nous gouvernerons avec le regard tourné sur les générations futures et sur les prochaines élections.

Le pari de la modération offre un discours qui, en lui-même, n’apparaît pas comme étant particulièrement polémique, mais qui cache derrière lui un programme politique ultra-conservateur, posant ainsi une série de questions : quelle sera l’effectivité de ce discours ? Dans quelle mesure pourra-t-il appliquer son programme ? Comment gouverner avec des politiques qui semblent aller à l’encontre de tous les intérêts qui ont permis au Partido dos Trabalhadores de Lula de tenir ? Questions dont les réponses ne sauraient être trouvées ailleurs que dans la pratique et en particulier dans le jeu des relations entre le nouveau président et un Parlement qui devient nettement plus conservateur, le PSL étant passé de huit à cinquante-deux députés qui, en grande partie, doivent leur siège à Bolsonaro.

Nous libérerons le Brésil et le palais d’Itamaraty des relations internationales idéologiquement biaisées auxquelles ils ont été soumis au cours des dernières années. Le Brésil ne sera plus à l’écart des nations les plus développées. Nous chercherons des relations bilatérales avec des pays susceptibles d’ajouter une valeur économique et technologique aux produits brésiliens. Nous récupérerons le respect international pour notre Brésil bien-aimé.Au cours de notre marche, longue de quatre ans, à travers le Brésil, une phrase est revenue beaucoup de fois : « Bolsonaro, tu es notre espoir ».

Chaque embrassade, chaque serrement de mains, chaque mot ou chaque manifestation de soutien que nous avons reçu lors de cette marche ont renforcé notre objectif de placer le Brésil là où il mérite d’être placé. Dans ce projet que nous avons construit, trouvent leur place tous ceux qui partagent notre objectif. Même au moment le plus dur de cette marche, lorsque grâce à l’œuvre de Dieu et de l’équipe médicale de Juiz de Fora et d’Albert Einstein, j’ai acquis un nouvel acte de naissance, nous n’avons pas perdu la conviction que, ensemble, nous pouvions atteindre cette victoire. Et c’est avec cette même conviction que j’affirme que nous vous offrirons un gouvernement décent, qui travaillera véritablement au service de tous les Brésiliens.

Nous sommes un grand pays et, maintenant, allons-y, transformons ce pays en une grande nation ! Une nation libre, démocratique et qui nous soit propre. Le Brésil au-dessus de tout, et Dieu au-dessus de tous !

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