Bruxelles. Mercredi, à l’occasion du premier jour du sommet de l’Otan, Donald Trump s’est fendu d’une violente charge à l’égard de l’Allemagne : « L’Allemagne est complètement contrôlée par la Russie. Elle paye des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela ? Ce n’est pas juste » (1). Il poursuit : “Ils tirent 60 % de leur énergie de la Russie. Je pense que c’est une très mauvaise chose pour l’Otan, qui ne devrait pas se produire” (4).
Outre la volonté du président américain de voir les dépenses militaires allemandes augmentées, ces propos s’inscrivent dans le cadre de sa campagne en faveur de l’abandon du projet de gazoduc Nord Stream 2 devant relier Russie et Allemagne. Le choix de s’exprimer sur la question lors d’un sommet de l’Otan vient appuyer le désir de l’Alliance d’accentuer son action dans le domaine énergétique. Cette dynamique s’incarne dans la création en 2012 du Centre d’excellence en sécurité énergétique (ENSEC COE), basé à Vilnius, qui a pour but de fournir des conseils d’experts qualifiés sur des questions liées à la sécurité énergétique opérationnelle des pays membres de l’alliance. Le centre présente notamment le GNL américain comme une solution pour la politique européenne de diversification de l’approvisionnement en gaz (2).
En effet, les Etats-Unis sont en quête de débouchés pour développer leurs exportations de gaz et l’Europe offre des possibilités. Ils ont exporté 17,2 bcm (milliards de m3) en 2017, dont 2,2 % par méthaniers vers les terminaux de l’Union européenne. Les pays d’Europe centrale et orientale sont des cibles prioritaires pour ces exportations via le terminal polonais de Świnoujście, le terminal lituanien de Klaipėda et le projet de terminal en Croatie. Donald Trump a assisté le 6 juillet 2017 au sommet des « Trois Mers » à Varsovie. L’initiative des « Trois Mers » est une plateforme de coopération réunissant l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Lors de l’ouverture du sommet, Trump a félicité les pays membres de l’initiative pour avoir engagé des projets facilitant l’accès à leurs marchés énergétiques et la connectivité de ces marchés. Il cite en exemple de ces projets le terminal croate. En véritable commercial il déclare par la suite « Si vous avez besoin de gaz, passez-nous un coup de fil ».
Les déclaration de Trump mercredi ont immédiatement provoqué une réponse russe. Le lendemain, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a déclaré « Nous considérons [ces attaques] comme de la concurrence déloyale. Il s’agit d’une tentative de contraindre les clients européens à acheter du GNL plus cher, qui peut leur être fourni depuis d’autres endroits ». Alors que Trump accuse l’Allemagne d’être “contrôlée par la Russie” du fait du flux énergétique, Peskov rétorque « De telles fournitures de gaz ne mènent pas à la dépendance d’une des parties sur l’autre, mais à une dépendance mutuelle, qui est une garantie de la stabilité et du développement d’une coopération mutuellement bénéfique » (3).
Perspectives :
- L’administration Trump a l’intention de faire tout ce qui est en son pouvoir dans les mois à venir pour faire annuler le projet Nord Stream 2. Elle pourrait trouver des alliés auprès du Danemark, qui n’a toujours pas délivré d’autorisation au projet pour la traversée de ses eaux territoriales, et de l’Autorité de la concurrence polonaise qui conteste les modalités de financement du projet et qui pourrait donc formuler des sanctions à l’encontre des entreprises y prenant part.
Sources :
- Energie : Trump lance une violente attaque contre l’Allemagne « prisonnière » de la Russie, AFP, 11/07/2018.
- Virulente charge de Trump contre l’Allemagne au sommet de l’Otan, AFP, 11/07/2018.
- Les attaques de Trump contre le gazoduc Nord Stream 2 sont de la « concurrence déloyale » (Kremlin), AFP, 12/07/2018.
- KUCZKIEWICZ Jurek, Trump à l’Europe de l’Est : « Si vous avez besoin de gaz, passez-nous un coup de fil, Le Soir, 06/07/2017.