Vienne. « Une Europe qui protège » (6). Telle est la devise choisie par l’Autriche pour la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne. Un rôle qui tombe au moment où la question des migrations est devenue l’élément d’une plus grande polarisation à la fois entre les différents gouvernements et au sein des États eux-mêmes, comme l’a montré l’affrontement en Allemagne entre Angela Merkel et son ministre de l’Intérieur Horst Seehofer.

Au cours de l’année écoulée, Vienne a retrouvé une centralité inattendue au niveau européen grâce au jeune leader du Parti Populaire, Sebastian Kurz. Avec des indicateurs de popularité positifs, la domination absolue de son parti et une alliance avec l’extrême droite du vice-chancelier Heinz-Christian Strache, Kurz a joué un jeu sans scrupules même en dehors des limites étroites du pays. Dans ses relations avec l’Allemagne, par exemple, il a utilisé à son avantage les frictions entre Merkel et le bavarois Seehofer, annonçant à Munich son intention de construire « un axe de la volonté » pour améliorer la gestion des flux migratoires (2).

Une proposition de collaboration s’adressait également au nouveau gouvernement italien dirigé par le Premier ministre Giuseppe Conte : ce n’est pas par hasard si Strache et le ministre autrichien de l’Intérieur Kickl ont été chaleureusement accueillis à Rome lors d’une visite à leur homologue Matteo Salvini (5). En même temps, Kurz maintient un canal de dialogue ouvert avec le bloc des pays de Visegrad (Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie), caractérisé par une attitude claire de fermeture des frontières aux migrants (4).

Perspectives :

  • Dans l’attente de savoir quelles seront les mesures prises par l’Union, Kurz a clairement indiqué, dans un entretien avec Bild (3), qu’il est prêt à fermer les frontières avec l’Italie et l’Allemagne au cas où Berlin déclencherait des rejets à la frontière. Une hypothèse qui produirait un effet domino avec un résultat imprévisible, surtout pour l’Italie.
  • L’ouverture à Rome n’a donné lieu à aucune manifestation de solidarité avec les pays de première arrivée des migrants : à la veille du sommet du Parti populaire européen, le chancelier a en effet déclaré que les règles de Dublin doivent être appliquées jusqu’à ce que le cadre réglementaire ait effectivement changé (1).
  • Malgré son rapprochement avec la Bavière, Kurz n’a aucun intérêt à compromettre ses relations avec Berlin. Sa capacité à maintenir l’équilibre entre la Chancelière et le ministre bavarois doit faire face à l’inévitable moment de rupture qui pourrait bientôt se produire entre Merkel et Seehofer, ce qui menacera la stabilité du gouvernement actuel.

Sources :

  1. Migranti, Kurz : “regole attuali di Dublino vanno applicate”, AGI, 28 juin 2018.
  2. Ambassade autrichienne à Budapest, Bundeskanzler Kurz in Budapest, 21 juin 2018.
  3. Wir müssen verhindern, dass Boote nach Europa kommen, Bild, 22 juin 2018.
  4. GOLOD Vassili, Austria’s Kurz wants ‘axis of willing’ against illegal migration, Politico Europe, 13 juin 2018.
  5. Ministère de l’intérieur italien, Vertice italo-austriaco tra Salvini, Kickl e Strache, 22 giugno 2018.
  6. Programme de la Présidence autrichienne de l’Union européenne.