Téhéran. Après la décision de Trump de sortir de l’accord sur le nucléaire iranien et de rétablir les sanctions, Total se verra surement contraint de se retirer du projet South Pars 11 comme elle le craignait dès le lancement. Nouvelle phase d’exploitation du plus grand champ gazier du monde, South Pars 11 a une capacité de production estimée à 2 milliards de pieds cube par jour, soit 400 000 barils équivalent pétrole par jour en incluant les condensats. L’entreprise détient 50,1 % du projet et a investi 2 milliards de dollars sur un total de 5 milliards.

Le 19 avril, Patrick Pouyanné, PDG de Total, déclarait à des journalistes : « Si les sanctions sont de retour, nous devrons faire une demande de dérogation ». Dans les années 1990, Total avait obtenu une dérogation pour les projets South Pars 2 et 3. Patrick Pouyanné l’évoquait dans une interview aux Echos (2) du 3 avril.

Si Total n’obtenait pas cette dérogation, il pourrait céder le contrôle de South Pars 11 à China National Petroleum Corporation (CNPC) qui détient 30 % du projet. Quoi qu’il en soit, cela pose encore une fois la question de l’extraterritorialité du droit américain (1). Les menaces américaines de sanctions à l’encontre du Nord Stream 2 (juillet 2017) n’ont finalement pas été appliquées après négociation avec les partenaires européens. Il n’y a pourtant pas eu de réponse ferme de l’Union européenne, que ce soit par la voie législative ou bien celle d’un recours à l’OMC. Cela était impossible car Nord Stream 2 est source de profondes divisions entre les Etats membres (3).

Le cas iranien est moins clivant pour les Européens qui pourraient s’en saisir pour se protéger juridiquement. Les sanctions à l’encontre des secteurs énergétiques russe et iranien appuient la volonté des Etats-Unis d’exporter leur gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Europe. Le principal argument de vente de ce GNL est la sécurité de l’approvisionnement énergétique européen. Cependant, les sanctions rendant très compliqué voire impossible le commerce avec les deux pays détenant les plus grandes réserves de gaz au monde ne sont-elles pas elles même un danger pour la sécurité de l’approvisionnement énergétique européen ?

Perspectives :

  • Rencontre des MAE E3 et iranien, ainsi que de Federica Mogherini à Bruxelles mardi 15 mai
  • Sommet européen mercredi 16 mai, où la question des sanctions américaines est à l’ordre du jour
  • Les entreprises minières et automobiles ont jusqu’au 6 août 2018 pour cesser leurs activités en Iran
  • Les entreprises des secteurs portuaire, naval, des assurances et énergétique ont jusqu’au 4 novembre 2018 pour cesser leurs activités en Iran. Les négociations de Total avec l’Etat français et le gouvernement américain sont à suivre sur cette échéance.

Sources :

  1. Rapport d’information sur l’extraterritorialité de la législation américaine, Assemblée nationale, 05 octobre 2016.
  2. COLLEN Vincent, Patrick Pouyanné : Je suis le premier VRP de Total , Les Echos, 03/04/2018.
  3. NONJON Adrien, Le nouvel axe du containment russe passera-t-il par Berlin ?, La Lettre du lundi, 16 avril 2018.
  4. Frequently Asked Questions Regarding the Re-Imposition of Sanctions Pursuant to the May 8, 2018 National Security Presidential Memorandum Relating to the Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) , U.S. Department of the Treasury, 08/05/2018

Pour aller plus loin :

  • REGNAULT Sébastien, LA MODERNITÉ IRANIENNE, Culture, société, organisation, pouvoir, coopération,  L’Harmattan, 2017