Les répercussions africaines du projet européen de Macron, un état des lieux
Dans son long discours sur l’Europe, le 26 septembre à la Sorbonne, Emmanuel Macron a consacré peu de place à l’Afrique. Il a tout de même prononcé deux à trois phrases fortes dont cette déclaration stratégique : « Je souhaite que notre partenariat avec l’Afrique soit un élément de la refonte du projet européen ». Sans doute le président réserve-t-il ses propositions concrètes, au discours fondateur de sa politique africaine qu’il doit prononcer le 12 novembre prochain, à Ouagadougou au Burkina Faso. Dans la foulée, le président français devrait développer ce qu’il attend d’un partenariat Union Européenne/Afrique lors du Vème sommet entre les deux continents qui se tiendra les 29 et 30 novembre 2017, à Abidjan (Côte d’Ivoire).
Jusqu’à présent, c’est plutôt en solo que la France poursuit sa vocation de « gendarme de l’Afrique » avec dix mille hommes répartis dans huit pays du continent. Hier, pour contrer l’influence de l’Union soviétique ; aujourd’hui pour lutter contre le terrorisme. Toujours au nom de la défense de l’Occident, en particulier de l’Europe. Sauf que les autres dirigeants européens n’affichent que peu de solidarité à l’égard de cet engagement, à l’exception notable et récente de l’Allemagne. Berlin a engagé au Mali près de 900 soldats dans la Misnusma (Mission des nations unies au Mali) et 140 soldats pour la formation de l’armée malienne. Et, surtout, à l’heure où la Grande Muette française atteint les limites de ses capacités en matériel, l’Allemagne a débarqué avec deux avions Transall, des hélicoptères et des drones, comme le montrait récemment un rapport de l’IRSEM. Elle devrait poursuivre son soutien financier à la future armée du « G5 Sahel » (5000 hommes) des pays de la région (Mauritanie, Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad). C’est vrai que le contingent allemand, lui-même, reste plutôt cantonné dans son camp de Gao. Il n’affronte pas les djihadistes comme les militaires français de l’Opération Barkhane. La Bundeswher n’intervient que dans un cadre multilatéral et sans mandat de combat. Mais « Paris-les-caisses-vides » se sent moins seul…
Les autres partenaires européens de la France sont d’autant plus frileux qu’ils craignent de se retrouver piégés en « Françafrique », comme en 2007-2009 avec l’EUFOR/Tchad/RCA, une opération de sécurisation de camp de réfugiés qui a tourné au soutien au régime du président tchadien Idriss Déby. Certains sont aussi agacés du leadership forcené français sur tous les dossiers africains, même hors de son ancien pré carré d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. L’Italie a ainsi modérément apprécié de ne pas être invitée, le 25 juillet 2017, à la concertation libyenne qui s’est tenue au château de la Celle-Saint-Cloud, près de Paris, entre Faiez el-Serraj, chef du gouvernement d’union nationale (GAN) et le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de Benghazi. En première ligne à subir les flots de migrants sur leurs côtes, les Italiens se considèrent toujours comme les parrains de l’ex-Tripolitaine (aujourd’hui la Libye). La France va-t-elle accepter d’européaniser son pré carré africain ?
L’Afrique demeure la chasse gardée de la France aux Nations-Unies grâce aux voix des dirigeants de ses anciennes colonies, et à la direction des opérations de maintien de la paix qu’elle a réussi à conserver. « L’Alliance pour le Sahel » – lancée lors du conseil ministériel franco-allemand en juin 2017 – a surtout pour stratégie, vu de Berlin, les questions migratoires, même si l’Allemagne n’est pas la destination première des migrants africains.
L’Afrique peut-elle constituer le noyau dur d’une future défense européenne ? Si l’on interroge les militaires français, ils n’hésitent pas à faire part de leur préférence pour leurs « collègues » américains et, aussi, britanniques qu’ils continuent à beaucoup fréquenter dans le cadre d’un accord militaire bilatéral, au-delà du Brexit… Les officiers français sont friands de postes à l’OTAN !
Faute d’avoir réussi à faire financer les opérations extérieures de la France par ses partenaires européens, Emmanuel Macron semble proposer une autre stratégie : la montée en puissance du « G5 Sahel » pour « africaniser » la sécurité dans la région et ne plus être en première ligne.