Mardi 10 septembre, la présidente désignée de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, a présenté son équipe de candidats aux postes de commissaires. Sa proposition a beaucoup fait parler, de toutes parts, en suscitant autant de curiosité que de critiques .

Mais qui sont ces commissaires ? Que nous dit leur nomination des orientations géopolitiques de la nouvelle Commission ? Le Grand Continent présente une série de plusieurs épisodes pour présenter ces candidats, en choisissant à chaque fois des profils intéressants et révélateurs. Pour chaque candidat sera présentés le parti national d’appartenance ainsi que la provenance géographique. Le premier épisode peut être lu ici, et le deuxième ici.

Luxembourg : Nicolas Schmit (LSAP, S&D)

La nomination à la Commission du social-démocrate luxembourgeois Nicolas Schmit, diplomate de formation et ministre sans interruption de 2004 à 2018, s’inscrit dans une logique suivie de longue date par les gouvernements du Grand-Duché : envoyer l’un de se meilleurs et plus expérimentés (anciens) éléments à Bruxelles pour y jouer un rôle de premier plan. Car la désignation de Nicolas Schmit n’a rien d’un choix par défaut. Déjà pressenti à ce poste en 2014 1 puis écarté pour laisser la voie libre au Spitzenkandidat et futur président Juncker, Schmit voyait semble-t-il de longue date son avenir en Europe. Mais ce n’est au cours des négociations de coalition de novembre 2018 que le futur gouvernement Bettel II réunissant libéraux, Verts et sociaux-démocrates s’était finalement accordé sur son nom. Évoquant ce processus de désignation, le gouvernement grand-ducal n’a proposé qu’un seul candidat – masculin – à la Commission, contrairement aux instructions données par Ursula von der Leyen.

Ambassadeur du Luxembourg auprès de l’Union de 1998 à 2004, ayant suppléé à plusieurs reprises le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn lorsqu’il siégeait au gouvernement et représenté le Luxembourg au plus haut niveau européen à plusieurs reprises, Schmit, qui a été élu au Parlement européen en mai, pourra s’appuyer sur une excellente connaissance de la mécanique de l’Union. Au moment de l’élection de Mme von der Leyen, le futur commissaire avait d’abord fait part de ses doutes quant aux priorités exposées par la candidate devant le groupe social-démocrate, avant de s’estimer satisfait par les concessions obtenues. 2 Il s’était ainsi positionné comme un interlocuteur constructif sensible aux problématiques sociales, un domaine dans lequel il a obtenu le portefeuille de l’emploi et des affaires sociaux .

Malte : Helena Dalli (PL, S&D)

Membre du Parti Travailliste (PL) qui a remporté à Malte une victoire sans appel aux dernières élections européennes, la socio-démocrate Helena Dalli remplace à Bruxelles Karmenu Vella, autre membre du PL et ancien Commissaire à la Pêche et aux Affaires maritimes. Députée au Parlement maltais depuis 1996, Dalli a été ministre du Dialogue social, de la Consommation et des Libertés civiles entre 2013 et 2017, puis ministre des Affaires européennes et de l’Égalité dans le deuxième gouvernement de Joseph Muscat, actuel Premier ministre du plus petit Etat membre de l’Union. Lors de ses deux mandats ministériels, elle a promu plusieurs lois destinées à assurer les droits des personnes issues de la communauté LGBTIQ (droit à l’autoassignation du genre sur les papiers officiels en 2015, interdiction de la « thérapie de conversion » en 2016, mariage homosexuel en 2017). Selon lui, la nomination de Dalli s’est faite « en tenant compte de la compétence et de la parité ». Muscat a aussi indiqué que le portefeuille qu’Ursula von der Leyen confierait à Malte serait susceptible de refléter « l’expérience » professionnelle et politique de Dalli. Au vu des charges ministérielles que Dalli a occupées, il n’est donc pas étonnant qu’elle soit devenue Commissaire à l’égalité.

Portugal : Elisa Ferreira (PS, S&D)

Économiste de formation, membre du Parti socialiste portugais revenu au pouvoir en 2015 et actuelle vice-gouverneur de la Banque du Portugal, Elisa Ferreira, qui remplace Carlos Moedas (Commissaire sortant à la recherche, à l’innovation et à la science) avait été annoncée depuis sa nomination comme une favorite à la Politique régionale. L’attribution de ce portefeuille aurait d’abord été motivée par un souci d’équilibre. Le Portugais Mario Centeno préside depuis 2017 l’Eurogroupe, réunion « informelle » et mensuelles des ministres des Finances de l’Union européenne. Il semblait difficile de charger Ferreira des affaires économiques et monétaires au sein de la nouvelle Commission.

Lui confier la charge de la politique régionale européenne, et notamment du Fonds européen de développement régional (FEDER), s’articulait également bien avec la première partie de carrière de Ferreira. Après avoir participé à plusieurs missions de « développement intégré » dans le Nord du Portugal, elle a été Ministre de l’Environnement (1995 – 1999) puis de la Planification (1999 – 2002) dans deux gouvernements socialistes. Exerçant trois mandats successifs d’eurodéputée entre 2006 et 2016, Ferreira a siégé sans discontinuer à la Commission parlementaire en charge des affaires économiques et monétaires de l’Union européenne et y a été rapporteur à de nombreuses reprises. A l’été 2018, elle était considérée comme l’une des favorites à la succession de Danièle Nouy, présidente du conseil de supervision de la BCE. Ferreira y avait renoncé, n’ayant même pas effectué la moitié de son mandat de vice-gouverneur de la banque centrale portugaise. Son nom apparaissait également dans les listes des potentiels successeurs de Mario Draghi, finalement remplacé par Christine Lagarde. Ferreira a finalement hérité d’un portefeuille à mi-chemin des questions économiques et régionales : elle est désormais en charge de la cohésion et des réformes.

Roumanie : Rovana Plumb (PSD, S&D, ministre)

Membre du Parti social-démocrate (PSD, au pouvoir), de profession ingénieur, elle est élue députée européenne en 2007. En 2011 elle devient vice-présidente du Groupe S&D. De 2012 à 2019 elle a occupé plusieurs fois le poste de ministre dans le gouvernement roumain – Ministre de l’Environnement (2012 – 2014), Ministre du Travail, de la Famille, de la Protection sociale et des Personnes âgées (2014 – 2015), Ministre déléguée aux Fonds européens (février – octobre 2017, 2018-2019) Ministre des Transports (interim 2019).

Choix controversé, catalogué par les partis d’opposition ainsi que par le président roumain Klaus Iohannis de « mauvais », elle est connue comme étant proche de l’ancien homme fort du PSD, Liviu Dragnea (condamné en juin à trois ans et demi de prison ferme pour abus de pouvoir), et d’avoir soutenu ses réformes visant l’affaiblissement de l’état de droit et l’indépendance de la justice. Également, elle a été poursuivie par la Direction nationale anticorruption (DNA).

Dans la Commission J-C. Juncker, la Roumanie a géré le Développement régional. Ayant des besoins d’investissement d’envergure dans les infrastructures, le pays a finalement réussi à obtenir pour Mme Plumb les Transports.

Perspectives :

  • 30 septembre – 8 octobre  : dates prévues pour les auditions des Commissaires désignés
Sources
  1. VELAZQUEZ Diego, Nicolas Schmit ist endlich am Ziel, Luxemburger Wort, 14 novembre 2018
  2. VELAZQUEZ Diego, Nicolas Schmit : « Von der Leyen hat schnell gelernt », Luxemburger Wort, 17 juillet 2019