Washington. Le ministère de la défense des États-Unis a publié début juin sa nouvelle stratégie arctique. Elle s’inscrit dans la lignée du discours de Mike Pompeo prononcé un peu plus tôt cette année, au moment de la réunion ministérielle du conseil de l’Arctique 1.
Quelques semaines après les Garde-Côtes 2, c’est au tour du ministère de la Défense des États-Unis de se munir d’une nouvelle stratégie arctique. Celle-ci vient remplacer la précédente version de 2016, et confirme l’orientation de l’administration Trump dans la région, mettant une fois de plus en avant une « nouvelle ère de compétition stratégique » 3. L’accent est mis sur la légitimité des États-Unis dans la région, notamment par opposition à la Chine. La ligne est claire : les États-Unis ne reconnaissent pas d’autre revendication à un statut Arctique que celui donné par la souveraineté territoriale. La référence à la position chinoise, qui se définit comme un État « presqu’Arctique » 4, est à peine masquée. Sans surprise, la Russie est aussi épinglée, pour ses activités militaires dans la région et sa régulation du trafic maritime dans le passage du nord est. Et même si le document reconnaît que certaines infrastructures sont menacées par des changements environnementaux, il n’est jamais fait directement mention aux changements climatiques. Rien de très surprenant donc, dans cette nouvelle mouture.
L’analyse du contexte stratégique et sécuritaire de la région est très intéressante parce qu’elle inscrit résolument la région dans un contexte global, en rupture avec le paradigme d’exceptionnalisme qui dominait jusqu’alors en matière de gouvernance arctique. Bien sûr, la coopération reste de mise et d’ailleurs la stratégie insiste à plusieurs reprises sur la coopération dans la région, et sur l’intérêt commun à ce que cela se poursuive : une région stable et apaisée sert les intérêts de tous les acteurs. Ainsi, la coopération reste la règle. Mais le document mentionne un environnement de plus en plus incertain, avec parfois une accentuation de certaines tendances qui pourraient dégrader l’actuelle stabilité arctique. Là encore, c’est notamment le levier économique de la stratégie « Belt and road » chinoise qui est visé, ainsi que l’activité militaire russe. Cela suggère une perception élargie des enjeux dans la région qui n’est plus considérée comme isolée sur la scène internationale mais bien connectée aux grandes questions internationales.
La stratégie vient enfin accentuer une tendance récente de différenciation entre le contexte stratégique de l’arctique nord-américain et celui de l’arctique européen 5. La stratégie reconnaît de façon explicite la nécessité d’investir pour améliorer à la fois la présence arctique et les capacités militaires dans la région, via notamment le renforcement du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) avec le Canada. Il s’agit donc, d’une part, de s’affirmer et se donner les moyens de maîtriser son propre territoire. D’autre part, il s’agit également de participer activement à la coopération en matière de sécurité dans l’Arctique européen, au travers de l’OTAN et de coopération bilatérale notamment avec la Norvège et le Royaume-Uni.
Perspectives :
- Alors que la marine et les garde côte ont publié récemment de nouvelles stratégies, ce document contribue au renouvellement du positionnement des États-Unis en Arctique
- D’autres acteurs travaillent en ce moment sur une nouvelle stratégie arctique et la publication de celle du Canada est notamment attendue prochainement : les contours stratégiques de l’Arctique nord-américain se redessinent.
- En pratique, cette stratégie continue de miser sur la coopération dans la région qui devrait donc rester de mise.
Sources
- PIC Pauline, La nouvelle doctrine des USA de Trump dans l’Arctique, Le Grand Continent, 10 mai 2019.
- US Coast Guard, Arctic Strategic Outlook, released in April 2019.
- US Department of Defense, Department of Defense Arctic Strategy, released in June 2019.
- Government of China, China’s Arctic Policy, released in January 2018
- ØSTHAGEN Andreas, et al. At Opposite Poles : Canada’s and Norway’s approaches to security in the Arctic, The Polar Journal, 8:1, 163-181, 2018.