Londres. Quelque 17 millions de citoyens de l’Union européenne résident aujourd’hui dans un autre État membre de l’Union. Or, selon les chiffres de la Commission européenne 1, ils n’étaient en 2014 que 8 % à s’être enregistrés sur les listes électorales de leur pays de résidence. Proposer une estimation du taux de participation effectif de cette population apparaît encore plus difficile car il n’existe pas de mesure précise de leur attitude politique à l’échelle continentale.

Au début du mois de mai, le professeur Alberto Alemanno déplorait la sous-représentation politique des Européens « mobiles » 2. Il l’expliquait notamment par la pesanteur et l’opacité des procédures à suivre pour changer de pays de vote dans le cadre du scrutin européen. La double panique électorale qui a aujourd’hui saisi les Européens résidant au Royaume-Uni et les Britanniques installés dans le reste de l’Union peut illustrer ce constat.

Ce 23 mai, plusieurs centaines d’Européens non britanniques ont découvert qu’ils avaient été rayés des listes électorales, car les autorités n’avaient pas reçu en temps voulu le formulaire explicitant qu’ils ne voteraient pas dans leur pays d’origine. Nombreux sont les expatriés à s’être plaints de ne pas en avoir eu connaissance, de l’avoir reçu trop tard ou de l’avoir rendu, en vain, à des autorités locales qui n’ont pas pris le temps de le traiter.

Dans le même temps, des centaines d’expatriés britanniques ont déclaré n’avoir pas reçu ou obtenu seulement en fin de semaine dernière leur formulaire de vote par voie postale. La faute en incomberait de nouveau aux collectivités locales. Elles auraient trop tardé à envoyer les bulletins postaux. Du fait de promotions spéciales développées à leur attention, certaines d’entre elles auraient en outre choisi de recourir aux services de l’entreprise de livraison Adare SEC plutôt qu’à Royal Mail, l’opérateur postal historique du pays. Bon nombre des formulaires sous-traités à Adare SEC auraient alors transité par les Pays-Bas quelle que soit leur destination.

Porte-parole des collectivités locales, la Local Government Association souligne que c’est avant tout la très tardive confirmation du scrutin européen au Royaume-Uni qui explique les délais d’acheminement des formulaires postaux pour les Britanniques de l’étranger. L’opposition avait donné l’alerte fin avril 3, soulignant la possibilité de recours légaux contre le Royaume-Uni si une organisation défaillante empêchait les citoyens communautaires résidant sur le territoire national de se rendre aux urnes. La Commission électorale s’est de son côté déclarée incompétente pour enquêter sur les retards de livraison des courriers sous prétexte que c’étaient aux collectivités locales, et non à l’État central, d’assurer la bonne distribution des votes postaux.

Si dans le cas britannique, le nombre de citoyens touchés apparaît massif, il n’est pas le seul pays où de tels dysfonctionnements sont apparus. Au début de la semaine, certains Français se déclaraient obligés de voter aux Pays-Bas 4 alors qu’ils désiraient le faire dans leur pays d’origine. Plus généralement, la situation des Européens résidents d’un autre pays membre et leur capacité à voter apparaît fortement variable et tributaire de législations nationales. A titre d’exemple, l’Irlande, Malte, la République tchèque et la Slovaquie qui voteront ces deux prochains jours ne permettent pas le vote européen à distance, même pour les résidents dans un autre État membre de l’Union européenne.

GEG | Cartographie pour Le Grand Continent