Londres. Aussi paradoxal que celui puisse paraître, après trois ans de tractations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union, Londres se prépare à la tenue des prochaines élections européennes, le 23 mai prochain. Étant encore un État membre de l’Union, le Royaume-Uni est tenu par les traités d’honorer un droit fondamental des citoyens, britanniques et européens, de pouvoir être électeurs et éligibles lors du prochain scrutin, dans la mesure où ce droit constitue une application du principe de non-discrimination entre nationaux et non-nationaux, et un corollaire du droit de libre circulation et de séjour.

Le problème, c’est que les méandres de la négociation sur le Brexit ont retardé la préparation à un point tel que le gouvernement de Theresa May s’expose désormais à de possibles recours des citoyens non-britanniques. La loi électorale prévoit en effet que les citoyens européens résidant au Royaume-Uni ont jusqu’au 7 mai pour s’inscrire sur les listes électorales. Pour cela, ils doivent s’acquitter de deux tâches : s’inscrire en ligne et retourner par la poste un formulaire – le formulaire UC1 – par lequel ils déclarent par écrit ne pas faire valoir ce droit de vote aux Européennes dans un autre Etat de l’Union.

Mais les formulaires n’ont été envoyés aux deux millions d’Européens déjà recensés sur les listes électorales que deux semaines avant le vote, contrairement au délai de quatre mois habituellement respecté. Roger Casale, secrétaire de The New Europeans, interrogé par The Independent1, demande au gouvernement « que le formulaire UC1 soit rempli par les électeurs lorsqu’ils arriveront au siège électoral, le jour du vote, le 23 mai ».

La députée de l’opposition travailliste, Catherine West, est intervenue la semaine dernière à la Chambre des Communes, déclarant qu’à ce jour à peine 300 formulaires UC1 avaient été retournés à l’administration. « Soit environ 0,015 % des citoyens de l’Union enregistrés ». Elle demande que le délai soit repoussé au 15 mai. « En juillet 2018, l’intégrité de notre démocratie a été remise en question lorsque l’organisme Vote Leave (qui a mené la campagne pour le Brexit lors du référendum de 2016 – ndlr) a été retenu coupable d’avoir violé la loi électorale. Aujourd’hui, notre démocratie est de nouveau menacée »2.

Si des citoyens européens devaient être empêchés de voter par la négligence des autorités britanniques, pourtant sollicitées dès décembre sur ce sujet, le gouvernement s’exposerait à des recours légaux pour ne pas avoir donné suffisamment de temps aux électeurs pour retourner le fameux formulaire. Pour David Howarth, professeur de droit public à l’Université de Cambridge interrogé par The Independent, ces recours se fonderaient « très probablement sur l’article 12 de la Directive de 1993, qui exige des États membres qu’ils informent les citoyens de l’UE sur les conditions et les mesures pratiques pour l’exercice de leur droit de vote dans des délais raisonnables, ce que le gouvernement n’a absolument pas fait ».

L’article 12 affirme en effet : « L’État membre de résidence informe, en temps utile et dans les formes appropriées, les électeurs et éligibles communautaires sur les conditions et modalités d’exercice du droit de vote et d’éligibilité dans cet État »3. Ce qui, à ce jour, n’a pas été fait pour les 3,5 millions de citoyens européens résidant au Royaume-Uni, selon les estimations du gouvernement4.

Perspectives

  • 23 mai : élections européennes au Royaume-Uni