Le 9 octobre, le ministère chinois du Commerce a publié de nouvelles mesures de contrôle des exportations élargissant son cadre réglementaire sur les terres rares.
- La Chine contrôlait déjà ses exportations de terres rares 1 — dont elle domine l’ensemble de la chaîne de valeur —, mais elle a ajouté cinq nouveaux éléments à la liste, portant à douze le nombre total de matériaux soumis à des restrictions.
- Elle a également restreint l’exportation de dizaines d’équipements et de matériaux utilisés pour l’extraction et le raffinage de ces minéraux.
La Chine instaure ainsi un seuil extrêmement bas — 0,1 % de composants d’origine chinoise — qui suffit à justifier la demande d’une licence d’exportation, même en dehors de son territoire. Toute entreprise étrangère doit désormais obtenir une autorisation d’exportation avant de vendre à l’étranger un produit fabriqué dans un pays tiers si ce produit :
- contient, intègre ou mélange des éléments issus de terres rares chinoises, et que ces composants représentent au moins 0,1 % de la valeur totale du produit ;
- a été fabriqué en utilisant des technologies liées aux terres rares d’origine chinoise, qu’il s’agisse de l’extraction, du raffinage, de la métallurgie, de la fabrication d’aimants ou du recyclage ;
- ou s’il est lui-même un produit à base de terres rares d’origine chinoise soumis à contrôle 2.
La Chine étend considérablement la portée de ses règles d’exportation, en leur donnant une dimension extraterritoriale susceptible d’affecter la chaîne d’approvisionnement mondiale. Elle crée ainsi, pour la première fois, un cadre réglementaire équivalent à la Foreign Direct Product Rule américaine 3.
- Pékin a indiqué qu’elle faciliterait les procédures d’obtention des licences, tout en précisant qu’elle refuserait les demandes liées à la défense et qu’elle examinerait avec une attention particulière celles concernant les semi-conducteurs avancés et certains types d’intelligence artificielle.
Compte tenu du moment où elles interviennent, à seulement quelques semaines du sommet prévu entre Trump et Xi en Corée du Sud, les annonces de Pékin sont perçues comme un moyen de renforcer sa position avant les négociations.
- Trump a qualifié les annonces de « mesures plutôt sinistres et hostiles » visant à « prendre le monde en otage » : « C’était une véritable surprise, non seulement pour moi, mais aussi pour tous les dirigeants du monde libre. J’étais censé rencontrer le président Xi dans deux semaines, lors du sommet de l’APEC en Corée du Sud, mais il ne semble désormais plus y avoir de raison de le faire ».
- Il a également annoncé la mise en place de droits de douane supplémentaires de 100 % sur la Chine, qui s’ajouteront à ceux déjà en vigueur, ainsi que des contrôles à l’exportation sur tous les logiciels critiques à partir du 1er novembre, voire plus tôt.
- À partir du 14 octobre, tout navire fabriqué en Chine ou dans un autre pays, mais détenu ou exploité par une entité chinoise, devra payer des frais spécifiques pour accoster dans les ports américains. En représailles, Pékin a annoncé, vendredi 10 octobre, une taxe spéciale pour les services portuaires des navires liés aux États-Unis 4.
- Dans un communiqué publié dimanche 12 octobre, la Chine note que, depuis les négociations commerciales entre les deux pays à Madrid en septembre, les États-Unis ont « continuellement introduit une série de nouvelles restrictions à l’encontre de la Chine ». Elle ajoute : « Menacer d’imposer des droits de douane élevés à chaque occasion n’est pas la bonne façon d’interagir avec la Chine ». « Si les États-Unis persistent dans cette voie, la Chine prendra résolument les mesures correspondantes pour protéger ses droits et intérêts légitimes » 5.
Pékin et Washington continueront le plus probablement à négocier en amont du sommet de l’APEC, qui se tiendra les 31 octobre et 1er novembre en Corée du Sud.
- Dans le même temps, l’administration Trump envisagerait d’utiliser tous les leviers à sa disposition pour contraindre la Chine à reculer, y compris en coordonnant ses efforts avec ses alliés.
- D’autres mesures pourraient inclure, entre autres, l’ajout d’entreprises chinoises supplémentaires à la liste des entités, l’instauration d’un régime de licences pour l’exportation de toute puce inférieure à 14 nanomètres, le lancement d’une enquête 301 sur la surcapacité de la Chine, l’accélération de l’enquête 232 sur les semi-conducteurs ou les produits pharmaceutiques.
Les mesures annoncées par la Chine pourraient avoir des répercussions significatives à court terme, la création de capacités de traitement des terres rares nécessitant des délais de mise en œuvre importants.
- En 2022, les États-Unis dépendaient des importations pour plus de 50 % de 51 minéraux.
- Selon le United States Geological Survey (USGS), la Chine était le premier fournisseur de 17 d’entre eux et figurait parmi les trois premiers pour 24 autres.
- Les mesures chinoises pourraient avoir un impact direct sur la chaîne d’approvisionnement mondiale de semi-conducteurs, ce qui compliquerait la production de puces IA.
- Or, la croissance économique américaine dépend actuellement du développement de l’intelligence artificielle : sans les centres de données, la croissance du PIB américain n’aurait été que de 0,1 % au premier trimestre de cette année, selon l’économiste de Harvard Jason Furman.
Au-delà de considération à court terme, avec ces annonces, la Chine pourrait chercher à faire du contrôle des terres rares un instrument stratégique de long terme, plutôt qu’un simple outil de pression conjoncturel.
- En soumettant désormais les matériaux, équipements et technologies à un régime de licences, et en étendant ces obligations aux acteurs étrangers, Pékin cherche à pérenniser son levier d’influence sans recourir à une interdiction totale des exportations — une mesure qui pourrait entraîner la diversification hors de Chine et fragiliser sa propre industrie.
- Washington a accéléré ces derniers mois la création de capacités nationales de traitement des terres rares.
- En juillet, l’administration Trump avait annoncé qu’elle prendrait une participation dans MP Materials, le plus grand producteur américain de métaux et d’aimants en terres rares 6. Le gouvernement américain a également acquis des parts dans deux autres sociétés minières, dont Trilogy Metals 7.
- Le Pentagone s’est également engagé à garantir que 100 % des aimants produits dans la nouvelle usine de MP Materials, baptisée « 10X », seront achetés par des clients du secteur de la défense et du secteur commercial américain.
Sources
- Gracelin Baskaran, Meredith Schwartz, The Consequences of China’s New Rare Earths Export Restrictions, CSIS, 14 avril 2025.
- 商务部公告2025第61号 公布对境外相关稀土物项实施出口管制的决定.
- Jane Lee, Stephen Nellis, Explainer : What is ‘FDPR’ and why is the U.S. using it to cripple China’s tech sector ?, Reuters, 8 octobre 2025.
- Edward White, Cheng Leng, Tim Bradshaw, China opens probe into Qualcomm and imposes retaliatory fees on US ships, Financial Times, 10 octobre 2025.
- MOFCOM Spokesperson’s Remarks on China’s Recent Economic and Trade Policies and Measures, 12 octobre 2025.
- Tom Moerenhout, MP Materials Deal Marks a Significant Shift in US Rare Earths Policy, Center on Global Energy Policy at Columbia, 11 juillet 2025.
- Jamie Smyth, Camilla Hodgson, Lauren Fedor, US government to take 10 % stake in Canada’s Trilogy Metals, Financial Times, 7 octobre 2025.