Le registre tenu par l’ONG russe Roskomsvoboda a recensé le blocage l’an dernier de plus de 417 000 sites Internet en Russie, soit deux fois plus que l’année précédente et près de cinq fois plus qu’en 2022. Si les sites web bloqués avant le lancement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine étaient principalement liés à des contenus pornographiques ou à des jeux d’argent et de hasard, les sites liés aux questions LGBT et à des organisations reconnues comme des « agents de l’étranger » sont de plus en plus visés 1.
La plupart des sites dont l’accès est aujourd’hui interdit en Russie ont été bloqués par le Service fédéral des impôts (Федеральная налоговая служба). L’écart avec d’autres ministères et agences est cependant en train de se réduire.
- Plus de 124 000 sites sont aujourd’hui rendus inaccessibles par Roskomnadzor, le Service fédéral de supervision des communications, des technologies de l’information et des médias de masse qui est responsable de la censure sur l’Internet russe.
- Ce service est notamment à l’origine de blocage de réseaux sociaux, de VPN et sites qui fournissent des informations sur les outils pour contourner les interdictions. Roskomnadzor a également menacé de bloquer l’accès au site de Wikipedia en langue russe en raison de la mention de la mort de soldats russes sur la page « Вторжение России на Украину » (Invasion de l’Ukraine par la Russie).
- Le Kremlin a tenté à plusieurs reprises par le passé de censurer des articles référencés sur Wikipédia, sans pour autant fermer la plateforme.
L’an dernier, un nombre croissant de blocages a été décidé par des ministères (Intérieur, Justice, Développement numérique, Télécommunications et Communications de masse…) Contrairement aux décisions rendues par des tribunaux ou le bureau du procureur général, les interdictions extrajudiciaires décidées par des ministères ne s’accompagnent pas de la publication de documents expliquant les raisons du blocage. Des sites peuvent ainsi fermer du jour au lendemain sans justification. L’an dernier, 85,5 % des restrictions de sites web ont été imposées de manière extrajudiciaire 2.
- Depuis le début de la guerre, le Kremlin a de plus en plus recours au blocage, souvent localisé, de l’accès à certains sites, réseaux sociaux et messageries afin de contenir ce qui est caractérisé par les autorités comme des « actions extrémistes ».
- En août 2024, l’accès à Telegram, WhatsApp, Skype ou encore VKontakte, l’équivalent russe de Facebook, a été temporairement bloqué en utilisant une méthode similaire à celle observée auparavant au Dagestan, en Iakoutie ou en Bachkirie suite à des manifestations.
Avant l’invasion de l’Ukraine et le renforcement de la censure en ligne, Poutine déclarait qu’Internet été créé par l’Occident et appelait à la « construction d’un segment d’Internet qui ne dépende pas du reste du monde ». Cette vision fait écho aux déclarations de 2013 de Xi Jinping, qui perçoit Internet comme un champ de bataille qu’il s’agit de contrôler et d’isoler du reste du monde afin de repousser les « opinions publiques fabriquées par les forces hostiles » (principalement les médias mainstream et agences de presse occidentales).
Sources
- « Власти ограничили доступ к рекордному числу сайтов в 2024 году — более чем к 417 тысячам », Вёрстка, 28 janvier 2025.
- « Russia Blocks a Record 417K Websites in 2024 », The Moscow Times, 29 janvier 2025.