De nouvelles négociations auront lieu aujourd’hui, lundi 13 janvier, entre les Européens et les Iraniens à Genève, une semaine avant l’entrée en fonction de Donald Trump, à propos du programme nucléaire iranien. 1
- En novembre, les trois pays européens signataires de l’Accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, avaient accru la pression diplomatique sur l’Iran en obtenant le vote d’une résolution au sein du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) condamnant l’Iran pour violation du Traité sur la non-prolifération. Cette résolution demandait un nouveau rapport au directeur général de l’AIEA et ouvrit la porte au retour éventuel de sanctions internationales contre l’Iran.
- L’Iran dispose désormais de suffisamment d’uranium enrichi pour fabriquer douze têtes nucléaires, même si de nombreuses étapes sont nécessaires pour transformer cette matière en une arme fonctionnelle, d’après un rapport du Bureau du directeur du renseignement national américain paru en décembre 2.
Le contexte dans lequel évolue l’Iran a été bouleversé par la chute du régime de Bachar el-Assad, le 8 décembre 2024, qui ouvre la porte aux reconfigurations régionales, renforce le principal ennemi de l’Iran — Israël — et son principal rival régional — la Turquie —. Comme l’expliquait Ali Vaez dans nos pages, « avec la chute de Bachar el-Assad, la stratégie régionale de l’Iran est en train de s’effondrer ».
Le début de la présidence de Donald Trump, le 20 janvier, pourrait contribuer à accélérer les recompositions en cours. Toutefois, la position de l’administration Trump sur la question est encore floue :
- D’un côté, Donald Trump ouvre la porte à de nouvelles négociations. En septembre lors d’un meeting, il déclarait à propos de l’Iran : « Il faut que nous concluions un accord. Parce que les conséquences ne sont pas tenables. Il faut que nous fassions un accord ». Il a par la suite expliqué que, s’il avait été réélu en 2020, « l’Iran aurait conclu un accord avec nous. Cela aurait été un excellent accord pour eux. La seule chose est qu’ils ne peuvent pas avoir d’armes nucléaires » 3.
- De l’autre côté, ses conseillers seraient en train de préparer une stratégie de « pression maximale 2.0 » qui, à l’inverse de celle mise en place par Mike Pompeo dans la seconde moitié du premier mandat de Trump, ne prévoit pas uniquement des mesures de pression économique, mais également d’éventuelles options militaires — par exemple, vendre des bombes anti-bunkers à Israël, ou renforcer la présence militaire américaine dans la région. Comme nous expliquait John Allen Gay, conduire une frappe israélienne sur les installations nucléaires iraniennes serait une opération très risquée et incertaine.
- La stratégie américaine sera probablement définie une fois que l’administration Trump sera en place, aura accès aux informations classifiées à propos des négociations et pourra consulter les acteurs régionaux, notamment Israël.
- Lors de son premier mandat, Donald Trump, qui affichait une hostilité très ostensible envers le JCPOA pendant sa campagne, n’est sorti de l’accord qu’en mai 2018, soit plus d’un an après son entrée en fonction.
- Rappelons enfin que la République islamique a essayé, à plusieurs reprises et de façon documentée, d’assassiner Donald Trump au cours des dernières années et de pirater sa campagne électorale en 2024 4.
Du côté iranien, la nouvelle administration de Massoud Pezechkian, élu le 30 juillet 2024 à la présidence de la République, a plusieurs fois exprimé publiquement sa volonté de négocier.
- Mohammed Javad Zarif, ministre des Affaires étrangères sous le mandat de Hassan Rouhani (2013-2021) et négociateur historique de l’accord nucléaire, aujourd’hui vice-président en charge des affaires stratégiques, a écrit en décembre dernier une tribune dans Foreign Affairs intitulée « Comment l’Iran voit le chemin vers la paix » et sous-titrée, de façon très explicite « la République islamique est ouverte aux négociations — notamment avec les États-Unis ».
- Partant du constat que nous vivons dans une « une ère post-polaire où les acteurs globaux peuvent être en concurrence et coopération de façon simultanée dans différents domaines », celui-ci invite à faire revivre et à élargir le JCPOA, notamment en proposant de créer l’équivalent de l’Organisation de sécurité et de coopération européenne au Moyen-Orient 5.
C’est dans ce contexte que les Européens préparent une proposition de négociation à soumettre à la nouvelle administration américaine — dans l’espoir que la voie diplomatique prévaudra sur une escalade militaire.
Sources
- « پیشنهاد توافق هستهای جدید اروپا به ایران/ تهدید به بازگشت تحریمها در صورت عدم توافق تا تابستان », ASIRAN, 6 janvier 2025.
- Assessment regarding the nuclear activity of the Islamic Republic of Iran, Bureau du directeur du renseignement national américain, décembre 2024.
- Kierra Frazier, « Trump makes a surprising overture to Iran at NYC press conference », Politico, 26 septembre 2024.
- « Justice Department Announces Murder-For-Hire and Related Charges Against IRGC Asset and Two Local Operatives », Département de la Justice américain, 8 novembre 2024.
- Mohammed Javad Zarif, « How Iran sees path to peace », Foreign Affairs, 2 décembre 2024.