Trump et la doctrine Mar-a-Lago : coordonnées d’une présidence impériale
Lors d'une conférence de presse historique dans sa résidence de Mar-a-Lago, le président élu Donald Trump a dessiné les contours de ce qu’on pourrait désormais appeler une doctrine géopolitique : les États-Unis doivent devenir un Empire, en étendant leur territoire du Panama au Groenland en passant par le Canada ; l’OTAN doit se transformer en une alliance purement asymétrique, sur le modèle du Pacte de Varsovie.
Ironie, bluff, annonce d’un plan : les mots de Donald Trump marquent un tournant — il faut les lire.
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- Le Grand Continent •
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- Donald Trump s'exprime lors de sa conférence de presse à Mar-a-Lago le 7 janvier 2024, à Palm Beach en Floride. © AP Photo/Evan Vucci
Lors d’une longue conférence de presse (presque une heure trente) marquée par l’anniversaire de la tentative insurrectionnelle du 6 janvier 2021, Donald Trump — refusant systématiquement de répondre aux questions sur l’assaut du Capitole — a étonnamment mis l’accent sur les affaires étrangères et précisé son intention de façonner son deuxième mandat comme celui d’un « président impérial ».
À l’opposé de l’image isolationniste qu’il avait pu donner même auprès de ses propres électeurs, Trump envisage de redéfinir les équilibres géopolitiques mondiaux, en allant jusqu’à bouleverser les alliances et tracer de nouvelles frontières pour une Grande Amérique.
Au-delà d’une justification des velléités américaines sur Panama et le Groenland, ce long discours, décousu, n’aborde pas de front la question pourtant la plus structurante de la politique étrangère américaine depuis une décennie — la rivalité avec la Chine. Trump avait la veille déclaré « bien s’entendre » avec Xi Jinping et être déjà entré en communication avec lui par leurs conseillers respectifs.
Nous avons réuni les moments clefs qui définissent une rupture, notamment vis-à-vis de l’Europe.
L’hypothèse d’une coercition militaire au Groenland et à Panama
« Non, dans les deux cas [le Groenland et Panama], je ne peux pas assurer [que les États-Unis n’utiliseront pas la force armée] »
C’est sans doute le moment le plus troublant de la conférence de presse. Interrogé sur la possibilité d’ordonner à l’armée de forcer le Panama à céder le canal — en violation des traités et accords conclus sous l’administration Carter — ou de faire de même avec le Groenland, il a répondu : « Non, dans les cas, je ne peux pas vous l’assurer. »
Il s’agit d’un changement rhétorique majeur. Depuis le président William McKinley, qui a mené la guerre hispano-américaine à la fin du XIXe siècle et obtenu le contrôle des Philippines, de Guam et de Porto Rico, c’est la première fois qu’un président élu américain n’avait menacé aussi ouvertement de recourir à la force pour étendre les frontières territoriales du pays — en l’occurrence dans le cas danois sous le contrôle d’un allié particulièrement fidèle.
Cette rhétorique impériale — très présente dans une partie vocale de la sphère trumpiste sur X et fondamentalement impossible à distinguer de celle de Vladimir Poutine — est depuis reprise par plusieurs présentateurs télévisés.
À titre d’exemple l’un des plus influents présentateur de Fox News, Jesse Watters, a déclaré hier en direct à la télévision : « Si j’étais citoyen d’un autre pays et voisin des États-Unis, je considérerais comme un privilège d’être annexé par les États-Unis d’Amérique » ou encore : « le fait que les Canadiens ne veulent pas que nous les envahissions me donne envie de le faire. Je veux étancher ma soif impérialiste ».
Les arguments de Trump : espace « vital » et la sécurité nationale
« Nous avons besoin du Groenland pour des raisons de sécurité nationale. Il y a environ 45 000 personnes qui y vivent. On ne sait même pas si le Danemark a réellement un droit légal sur ce territoire. Mais si c’est le cas, ils devraient le céder, car nous en avons besoin pour la sécurité nationale. C’est essentiel pour protéger le Monde Libre. (…) Les gens vont probablement voter pour l’indépendance ou pour rejoindre les États-Unis. Mais si cela arrivait, si cela arrivait vraiment, alors j’imposerais des tarifs très élevés au Danemark. »
Au-delà des menaces d’un usage de la force militaire qui selon l’ancienne ambassadrice française à l’OTAN pourrait justifier le déclenchement de l’article 4 de l’OTAN (« Les parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée. »), Trump a menacé d’imposer « des tarifs douaniers très élevés au Danemark » si le pays ne renonçait pas au contrôle du Groenland.
Le Danemark est l’un des alliés les plus fidèles des États-Unis : il a participé à la guerre en Afghanistan et dépense plus de 2 % de son PIB dans la défense. Le Danemark et le Groenland ont depuis longtemps autorisé la présence de bases américaines sur leur territoire.
« Le canal de Panama est vital pour notre pays. Il est actuellement exploité par la Chine. Nous avons donné le canal au Panama, pas à la Chine. »
Lors de la conférence de presse, Donald Trump a revendiqué à plusieurs reprises le sacrifice américain dans la construction du canal de Panama, accusant la Chine de l’exploiter aujourd’hui.
Le ministre des Affaires étrangères du Panama, Javier Martínez-Acha, a déclaré mardi aux journalistes que son pays ne céderait jamais le canal de Panama à aucun autre État. « La souveraineté de notre canal est non négociable et fait partie de notre histoire de lutte et d’une conquête irréversible ». « Les seules mains qui contrôlent le canal sont panaméennes et le resteront. »
Dans les deux cas de figure, en utilisant l’adjectif « vital », Donald Trump réactive la notion clef de l’impérialisme allemand, le Lebensraum, dont l’usage par Hitler a mené à la Seconde Guerre mondiale. Pour justifier une prise de territoire, son argument s’appuie sur une considération simple — depuis relayée par une bonne partie des influenceurs — : « Panama est [un espace] vital pour notre pays » ou « nous avons besoin [du Groenland] pour notre sécurité économique ».
De sources proches du dossier, il est facile d’imaginer qu’Elon Musk — dont les Tesla exportées empruntent le canal — aurait pu convaincre Trump en appuyant sur l’argument chinois pour expliquer l’augmentation des coûts du transport. En réalité, celle-ci s’explique essentiellement par les conditions météorologiques consécutives au phénomène El Niño : la sécheresse provoquant un tirant d’eau plus faible, les bâteaux passent plus lentement. Comme le rappelait dans nos pages Jean-Michel Valantin : « Depuis l’été 2023, la chute des précipitations de 41 % par rapport à la normale, induite par l’emballement du changement climatique, notamment sous la pression du cycle El Niño 2023, entraîne une baisse drastique du niveau du canal de Panama, au point d’en réduire le trafic de 50 % depuis novembre 2023. Pour s’assurer d’avoir le tirant d’eau nécessaire pour traverser les écluses du canal, de très nombreux cargos doivent débarquer une partie de leur cargaison. »
Un « 51e État » : la méthode Trump pour prendre le Canada
« Avec le Canada nous n’allons pas [employer la force militaire], mais la force économique. Le Canada et les États-Unis, ce serait vraiment quelque chose : n’oubliez pas, nous protégeons essentiellement le Canada. Mais voici le problème avec le Canada — j’adore les Canadiens. Ils sont formidables. Mais nous dépensons des centaines de milliards par an pour les protéger. Nous sommes perdants dans les déficits commerciaux ; nous perdons des montants colossaux. Nous n’avons pas besoin de leurs voitures. Vous savez, ils fabriquent 20 % de nos voitures. Nous n’en avons pas besoin. Je préfère les fabriquer à Detroit. Nous n’avons pas besoin de leur bois. Nous avons d’immenses champs de bois (sic). Nous n’en avons pas besoin. Nous n’avons besoin de rien de ce qu’ils ont. Nous n’avons pas besoin de leurs produits laitiers. Alors pourquoi perdons-nous 200 milliards de dollars ou plus par an pour protéger le Canada ? Trudeau a dit que le Canada s’effondrerait. Le Canada ne pourrait pas fonctionner si nous ne prenions pas leurs 20 % de notre marché automobile. »
Comme le rappelle Frédéric Mérand, « le Groenland et le Canada ont des formes de dépendance majeure vis-à-vis des États-Unis : 75 % du commerce international du Canada se fait avec son voisin du sud. Les menaces formulées par Donald Trump ont, dans le meilleur des cas, une fonction illocutoire : il ne menace pas seulement un pays mais oblige une démocratie à prendre des décisions radicalement différentes de celles que la population aurait souhaité adopter, car la menace est bien réelle. »
Un récent sondage montrait que 13 % des Canadiens seraient favorables à ce que leur pays devienne le « 51e » État des États-Unis — selon la formule que ne cesse de répéter Trump.
Si cela peut sembler marginal à l’échelle du pays, Frédéric Mérand attire l’attention, au-delà de ce chiffre, sur la profonde métamorphose « trumpiste » du parti conservateur de Pierre Poilievre qui devrait remporter les prochaines élections après la démission de Justin Trudeau : « Bien qu’il ne prône pas spécifiquement l’intégration aux États-Unis, il adopte un courant idéologique favorable à Trump. Parmi les partisans du Parti conservateur, le taux d’approbation pour l’idée d’adhésion aux États-Unis est ainsi nettement plus élevé. Et l’idée selon laquelle le Canada devrait se conformer à la politique de Donald Trump, notamment en matière énergétique et économique, est partagée par bien plus que 13 % de la population chez les conservateurs. »
Le golfe du Mexique devient Golfe d’Amérique
« Nous allons changer le nom du golfe du Mexique en golfe d’Amérique, un nom magnifique qui englobe un vaste territoire. Le golfe d’Amérique — quel beau nom ! Et c’est approprié. »
L’effort impérial de conquête territoriale s’articule souvent avec la recherche de transformation des toponymes.
Le golfe du Mexique est bordé par les États-Unis au nord et à l’est-nord-est, par Cuba à l’est-sud-est, et par le Mexique au sud et au sud-ouest. Historiquement, c’est par ce golfe que commence l’exploration et la conquête du continent américain : Amerigo Vespucci l’explore dès 1497 ; Cortès conquiert Hispaniola et Cuba en 1506. C’est également par là que passeront les Français presque deux siècles plus tard pour coloniser la Louisiane. On trouve le nom de « Golfe du Mexique » sur une carte royale de 1782 produite par l’officier de marine français François Pagès.
Les modifications de toponymes sont généralement approuvées par le United States Board on Geographic Names (USBGN), qui est chargé de normaliser les noms géographiques utilisés par le gouvernement fédéral. Il dépend du Département de l’Intérieur des États-Unis. Le président peut donc influencer directement ou indirectement un changement, par exemple en exerçant une pression politique ou en signant des décrets qui peuvent inciter à adopter de nouvelles terminologies dans des contextes spécifiques — par exemple, des usages militaires ou diplomatiques. Si ces changements ne s’appliqueraient pas automatiquement aux cartes officielles ni à l’usage général, il y a fort à parier que ce changement imposé par le haut ne rencontrerait guère plus qu’une résistance marginale.
L’OTAN et le spectre des 5 %
« Personne ne connaît l’OTAN mieux que moi. C’est moi qui les ai poussés à payer 2 %. Si nous ne payons pas nos factures, les États-Unis nous protégeront-ils de la Russie ? Si vous êtes en défaut, nous ne vous protégerons pas. (…) Vous ne pouvez pas vous contenter de 2 %. Chaque pays — si vous voulez avoir une armée régulière, vous devez être à 4 %. Ils [l’Union européenne] sont dans une situation dangereuse — je pense qu’ils devraient être à 5 %, pas à 2 %. »
C’est la première fois que Trump suggère explicitement ce que quelques conseillers avaient laissé entendre aux dirigeants européens en décembre : le président-élu souhaite que les Européens consacrent 5 % de leur PIB à l’effort de défense.
Si cette cible était atteinte, les Européens dépenseraient 915 milliards d’euros par an pour leur défense — contre 345 milliards actuellement.
Sur les 32 membres de l’OTAN, seulement 8 ont consacré en 2024 moins de 2 % de leur PIB pour leur défense : Italie, Espagne, Slovénie, Luxembourg, Belgique, Canada, Italie, Portugal et Croatie. Selon nos calculs, les membres de l’OTAN devraient dépenser 265 milliards d’euros de plus par an pour arriver à 3 % du PIB consacré à la défense, dont 186,95 milliards incomberaient uniquement aux États membres de l’Union. Pour arriver à 5 %, un effort supplémentaire de 544 milliards d’euros devrait être fourni par les membres de l’Union européenne qui sont également membres de l’OTAN (tous à l’exception de l’Autriche, Malte, Chypre et l’Irlande).
Dans un contexte budgétaire fragile, c’est l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la France qui devraient fournir le plus d’efforts budgétaires en volume pour atteindre le nouvel objectif. L’Italie devrait dépenser 35,7 milliards d’euros par an de plus pour atteindre 3 % de son PIB dédié à la défense, et 82,9 milliards en plus pour atteindre 5 %. Cela représente plus que le budget consacré à l’éducation et presque autant que le budget de la santé, soit un total de 122,9 milliards par an. Pour la France, il s’agirait de 92,7 milliards d’euros par an en plus, alors que, sans budget voté, le pays risque d’avoir en 2025 un déficit budgétaire identique à celui de cette année — soit 6,1 %. L’Allemagne, qui avait adopté en 2022 un fonds spécial consacré à la défense de 100 milliards d’euros pour moderniser son armée à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, devrait dépenser 136,1 milliards d’euros par an de plus si elle se fixait un objectif de 5 %, pour un budget total dédié à la défense de 236,2 milliards (contre 93,66 en 2024).
Le soutien à l’Ukraine
« Vous engagez-vous à continuer de soutenir les Ukrainiens pendant les négociations ? » — « Eh bien, je ne vous le dirais pas si on me le demandait. »
Demain, jeudi 9 janvier, aura lieu la dernière réunion du groupe de contact sur la défense de l’Ukraine (aussi appelé format Ramstein) sous présidence Biden. Depuis le lancement de l’invasion de l’Ukraine de février 2022, les États-Unis ont fourni l’équivalent de 61,4 milliards de dollars d’assistance militaire à Kiev.
Le retour de Trump à la Maison-Blanche menace la continuité de ce soutien vital pour que l’armée ukrainienne défende son territoire face à la progression russe. Malgré l’important soutien européen et la coalition qui s’est formée depuis 2022, l’arrêt des livraisons d’armes et de munitions américaines ainsi que du partage d’informations et d’imagerie satellites avec l’état-major ukrainien compromettrait considérablement les capacités de l’Ukraine à se défendre.
Trump et ses alliés — notamment le futur vice-président J.D. Vance — se sont exprimés à de multiples reprises contre l’assistance à l’Ukraine. La rhétorique trumpiste, au-delà d’une certaine forme de sympathie vis-à-vis du régime de Poutine, consiste à pointer du doigt le manque de capacités de production ainsi que de réserves d’armes permettant à la fois d’assurer la sécurité des États-Unis tout en continuant à envoyer du matériel « aux quatre coins du monde ».
Avec l’expiration à venir du financement des programmes d’aide à l’Ukraine votée au printemps 2024 par le Congrès, il est peu probable que Trump soutienne un renouvellement de l’aide sous sa forme actuelle. Afin de continuer à recevoir du matériel américain pour assurer sa défense tout en se dirigeant progressivement vers l’ouverture de négociations de cessez-le-feu avec Moscou, Zelensky a déclaré en début de semaine avoir « proposé à Trump d’utiliser les 300 milliards d’actifs russes gelés pour que l’Ukraine achète des armes américaines ». Trump n’a pas réagi publiquement à cette proposition, ni profité de cette longue prise de parole depuis Mar-a-Lago pour le faire.
Si Trump et son équipe sont fondamentalement opposés à fournir des « chèques en blanc » à l’Ukraine, il pourrait être ouvert à une alternative permettant à Kiev de continuer d’acheter du matériel américain. Celle-ci pourrait prendre la forme d’un prêt, comme cela a été suggéré par le président-élu en avril 2024. Il s’opposerait cependant vraisemblablement au maintien de la livraison de certains systèmes d’armes à l’Ukraine, comme les missiles ATACMS dont Kiev se sert pour frapper des cibles en territoire russe.
La reprise de la propagande poutinienne en miroir d’une tentation impériale
« La Russie, depuis de nombreuses années, bien avant Poutine, a dit que l’Ukraine ne devait jamais être impliquée dans l’OTAN. Biden a dit : ‘non, ils devraient pouvoir rejoindre l’OTAN’. Ensuite, la Russie a quelqu’un juste à sa porte, et je peux comprendre leur réaction face à cela. (…) Je crois qu’ils avaient un accord, puis Biden l’a rompu. Ils avaient un accord, qui aurait été satisfaisant pour l’Ukraine et tout le monde. Mais ensuite Biden a dit : ‘non, vous devez pouvoir rejoindre l’OTAN’. »
À propos des causes de la guerre en Ukraine, Donald Trump reprend de manière presque littérale le narratif russe.
Dans un jeu d’échos, les soutiens de la guerre menée par Moscou comme l’ancienne éminence grise de Poutine Vladislav Sourkov — le « mage du Kremlin » — ont reconnu dans la rhétorique de Trump sur l’expansion territoriale la marque d’une tendance du retour des empires — à l’imitation de la Russie. Dans un texte récent, traduit et commenté par la revue où il essaye de définir ce qu’il nomme une « retranslatio imperii », Sourkov écrivait :
« Aussi sont-ils toujours plus nombreux, ceux qui ne rêvent que d’imiter notre nation audacieuse, consolidée, guerrière et « sans frontières » : La Turquie intervient en Transcaucasie et en Syrie conformément aux meilleures traditions de la Sublime Porte ; Israël repousse implacablement ses voisins ; la Chine tisse doucement ses « routes de la soie » à travers tous les continents ; les gnomes braillards des pays baltes s’efforcent d’enfourcher une Europe détraquée et de la lancer au combat ; Trump revendique le Groenland, le Canada, le canal de Panama… En somme, la Russie est entourée de sosies et de parodistes, déroulant un véritable défilé de tous les impérialismes possibles et imaginables, en miniature ou grandioses, provinciaux ou globaux, souvent grotesques, mais, plus souvent encore, sérieux. »
Israël, le Hamas et la guerre au Moyen-Orient
« Si [les otages] ne sont pas rentrés avant mon entrée en fonction, l’enfer se déchaînera au Moyen-Orient… Et ce ne sera pas bon pour le Hamas, et franchement, ce ne sera bon pour personne. L’enfer se déchaînera. Je n’ai pas besoin d’en dire plus. C’est ainsi. »
Le président élu a répété cette menace à quatre reprises en suggérant la possibilité d’une escalade régionale. Donald Trump a refusé de donner des détails sur ce qu’il envisage de mettre en œuvre dans les jours précédant l’investiture ou sur ce qu’impliquerait concrètement cette menace.
Son envoyé spécial dans la région, Steve Witkoff, a pris la parole pendant la conférence de presse en déclarant : « j’ai vraiment bon espoir que d’ici l’investiture, nous aurons de bonnes nouvelles à annoncer au nom du président. »
Witkoff a annoncé son départ pour Doha, où Israël et le Hamas négocient avec l’aide de médiateurs qataris. « Je pense que [les membres du Hamas] l’ont entendu haut et clair : cela doit être réglé avant l’investiture. »
À ce stade, les États-Unis ne semblent disposer d’aucun scénario justifiant l’engagement de leurs forces ni savoir comment faire pression sur le Hamas pour la libération des otages. Si la relation personnelle entre Netanyahou et Donald Trump est particulièrement étroite, il semble improbable qu’il accepte de faire pression pour qu’il accepte les termes d’un accord qui pourrait sembler bénéficier au Hamas.
La Turquie dans le jeu syrien post-Assad
« Le président [Recep Tayyip] Erdogan est mon ami et quelqu’un que je respecte. Je pense qu’il me respecte également. (…) La Turquie est très intelligente. C’est un gars [R. T. Erdogan] intelligent, et il est très tenace. (…) La Turquie a fait une prise de contrôle inamicale sans que beaucoup de vies ne soient perdues. Je peux dire qu’Assad était un boucher. »
À la question de savoir s’il allait retirer les 2 000 soldats américains en Syrie, Trump a répondu : « Je ne vais pas vous le dire parce que cela fait partie d’une stratégie militaire. Mais je peux vous dire qu’il s’agit d’une position avec la Turquie » avant d’ajouter la phrase ci-dessus.
Poutine et la promesse d’un « deal »
« Je sais que Poutine aimerait me rencontrer. Je ne pense pas qu’il soit approprié que je le fasse avant le 20, ce que je déteste parce que, vous savez, chaque jour, de nombreuses, très nombreuses jeunes personnes sont tuées. (…) La Russie a attaqué l’Ukraine parce qu’elle a vu que ces gars-là [les États-Unis] étaient incompétents, qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Mais nous, nous savons ce que nous faisons maintenant, et tout cela va s’arrêter. Nous avons une grande armée. »
La projection de l’image d’une Amérique forte et d’un président fort est une constante dans la vie politique de Trump. Celui-ci rejette toute forme de diplomatie, qu’il considère comme étant l’apanage de dirigeants faibles, et préfère embrasser une attitude parfois belliqueuse qui lui permettrait de d’asseoir à la table de tous les dirigeants — dictateurs compris.
Trump ne parviendra certainement pas à obtenir un cessez-le-feu en Ukraine dès le premier jour de sa présidence. Il se plaît cependant à penser que son retour à la Maison-Blanche enverra un signal à Poutine qu’il est temps de mettre fin à sa guerre, sous peine de faire face à des conséquences qui mettraient la Russie à genoux.
Bien avant une éventuelle rencontre entre Trump et Poutine, le président-élu enverra en Europe — et notamment à Kiev — son envoyé spécial pour l’Ukraine et la Russie, Keith Kellogg, qui a finalement reporté son voyage après l’investiture de Trump, le 20 janvier. Aucune visite de Kellogg à Moscou n’a pour l’heure été annoncée.
Diviser l’Union : la tenaille Trump et le spectre d’un « racket de protection »
« Nous n’allons pas tolérer l’Union européenne non plus. Nous avons un déficit commercial de 350 milliards de dollars. Ils n’acceptent pas nos voitures, ils n’acceptent pas nos produits agricoles, ils n’acceptent rien. Alors, nous n’allons pas continuer comme ça avec eux non plus. »
Comme l’expliquait Olivier Schmitt dans ces pages, en amont même des menaces de Trump sur le Groenland — et donc directement sur la souveraineté du Danemark — qui devrait obliger l’Union à réagir, le président-élu pointe dans sa rhétorique vers une sorte de chantage qui fait planer sur le continent le spectre d’un « racket de protection ».
Face à ce qui est clairement une tentative de division du bloc, « la tentation sera forte pour les États de tenter de négocier des accords de protection bilatéraux avec les États-Unis, conduisant à une course à l’échalote entre Européens eux-mêmes pour s’attirer le plus de faveurs de Washington. »