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Key Points
- L’avancée progressive des forces russes à Marioupol – 19e DM à l’Ouest, 150e DM à l’Est, 810e brigade d’infanterie navale au Nord – se poursuit. Il pourrait leur falloir encore une semaine pour prendre la ville.
- La proportion de généraux parmi les Russes tués au combat est d’un pour mille. C’est un chiffre élevé mais aussi une donnée difficile à interpréter.
- Malgré des ordres pour augmenter la production, et compte tenu que les forces russes doivent conserver un stock minimal de précaution, la campagne des missiles russes pourra difficilement persister à ce rythme au-delà de quelques semaines.
La mise à jour précédente est disponible ici. L’archive des analyses quotidiennes de Michel Goya est disponible à ce lien.
Situation générale
La guerre traverse une période d’immobilisation générale et de combats fragmentés. L’effort offensif russe est limité à la zone Yzium-Severodonetsk (nord Donbass) et surtout à Marioupol. Le harcèlement et les contre-attaques ukrainiennes sont notables dans de nombreux secteurs, avec une progression significative à Mykolaev.
Va-t-on vers une rigidification durable des fronts avec une situation inédite de forces imbriquées dans le nord-est du pays ?
Va-t-on voir au contraire émerger un effet stratégique avec l’effondrement d’une partie importante des forces d’un des deux camps – russes du Nord-Est ou ukrainiennes du Donbass ?
Ces deux options sont pour l’instant ouvertes.
Situations par zone
Zone Ouest
La menace d’une attaque terrestre ou aéromobile russe et biélorusse à partir de Brest est toujours présente, mais elle est désormais peu probable à court terme. Les forces biélorusses sont très réticentes et les forces russes trop modestes. La campagne de frappes aériennes sur les objectifs militaires (site de maintenance aérienne de Lviv) et les axes d’approvisionnement de la région se poursuit.
Zone Nord
Au Nord et à l’Est la 41e Armée, la 2e AG, et la 1ère ABG sont toujours bloquées dans leur avance vers Kiev par les poches de résistance ukrainiennes et le harcèlement des axes de communication. La 2e division motorisée est toujours en attente en position défensive en périphérie Est de Kiev. À l’ouest de Kiev, les 35e et 36e Armées sont également en position d’attente, avec de nombreux indices de retranchements. Les combats opposent surtout les VDV-45e brigade FS, 79e division aéroportée, 31e brigade d’assaut aérien et les forces ukrainiennes dans la zone Irpin-Dimy. On note également un harcèlement sur les arrières – par drones notamment – des forces russes.
Donbass
On enregistre à l’Est des combats dans les régions d’Yzium avec une contre-attaque ukrainienne importante (2 brigades aéromobiles) et de Severodonetsk en cours d’encerclement par la 3e division motorisée russe et le 2e corps d’armée (LPR). L’avancée progressive des forces russes à Marioupol – 19e DM à l’Ouest, 150e DM à l’Est, 810e brigade d’infanterie navale au Nord – se poursuit. Il pourrait leur falloir encore une semaine pour prendre la ville.
Après reconstitution/recomplètement, ces forces russes seront disponibles – peut-être dans deux semaines – pour attaquer ailleurs : axe Donetsk-Zaporajjia ou Kherson-Mykolaev.
Zone Sud-Ouest
La 7e division aéroportée russe a été repoussée de Voznesensk et est en position défensive au Nord de Mykolaev. 20e DM – 58e Armée – visiblement de faible valeur tactique, stoppée à Mykolaev et même repoussée par contre-attaque ukrainienne importante sur l’axe Mykolaev-Kherson. La flotte de la mer Noire maintient la pression sur la côte par des bombardements et la possibilité d’une opération amphibie – impossible cependant sans conjonction avec une offensive terrestre.
Front arrière
Le commandement des opérations spéciales organise le Centre de résistance nationale afin d’aider à l’organisation de la défense civile et de la guérilla en zone occupée, avec la création d’un site Internet de conseils et échanges de renseignements.
Perspectives
Le général Mordvichev, commandant de la 8e Armée, aurait été tué. C’est le plus haut gradé des cinq généraux russes tués dans cette guerre en trois semaines. C’est une proportion très importante – on compte 1 général sur 1 000 morts russes environ – mais aussi une donnée difficile à interpréter. Comment ces généraux ont-ils été tués : un problème de commandement imposant une présence des généraux au plus près de la ligne de contact ? Cela ne correspondrait pas à l’habitude russe. Le ciblage ukrainien a également pu s’avérer efficace.
Du côté russe, les indices d’un refus de combattre sont de plus en plus nombreux.
La campagne des missiles
La Russie dispose d’un arsenal d’environ 1 500 missiles balistiques ou de croisière utilisables depuis le ciel (KH-101, 555, 59MK2, Kh-47М2 Kinjal hypersonique), le sol (9M723 Iskander, OTR-21 Totchka plus anciens) ou les bâtiments de la mer Noire (3M14 Kalibr). Cet arsenal de plusieurs milliards d’euros constitue une redoutable force pouvant frapper avec une bonne précision jusqu’à 2 000 km, puissante avec des charges de plusieurs centaines de kilos d’explosif, et plutôt difficilement interceptable. C’est un atout stratégique contre les puissances occidentales, d’autant plus qu’ils peuvent quasiment tous porter aussi une charge nucléaire.
Cet arsenal est très utilisé par les forces russes, en grande partie parce que la campagne initiale de neutralisation des défense anti-aériennes a échoué et que le ciel reste encore dangereux pour les avions russes – 13 appareils abattus – qui ont par ailleurs du mal à effectuer des frappes de précision. Les missiles sont donc préférentiellement utilisés pour la campagne de frappes dans la profondeur. Ils sont utilisés également contre des objectifs civils, des grands bâtiments, à l’intérieur des villes assiégés.
Cela a plusieurs conséquences.
La campagne de frappes russes agit surtout sur de grands objectifs fixes mais assez peu sur des objectifs mobiles.
En trois semaines, la moitié du stock de missiles a déjà été consommé en Ukraine. Malgré des ordres pour augmenter la production, et compte tenu que les forces russes doivent conserver un stock minimal de précaution, la campagne des missiles russes pourra difficilement persister à ce rythme au-delà de quelques semaines.