Alors que le Kremlin déclare que « la guerre informationnelle avec l’Occident ne se terminera jamais », nous publions une enquête approfondie sur la face moins visibles des opérations d’influence russe à l’extérieur : le muselage méthodique d’une société par la censure et les discours officiel. Pour soutenir ce travail de fond, abonnez-vous à la première revue européenne indépendante

Un aller-retour en Alaska et une conférence de presse bien ficelée : le monde a eu droit à sa séquence diplomatique haletante — sans autre effet que celui de faire gagner du temps à Vladimir Poutine. Le ministre des Affaires étrangères Lavrov annonce déjà que la Russie est revenue au point de départ : elle n’acceptera aucun schéma offrant des garanties de sécurité à l’Ukraine sans participation, et même droit de veto du Kremlin. Rien n’a changé : aux yeux des responsables russes, l’Ukraine n’a jamais été et ne sera jamais qu’un État fantoche, incapable et indigne d’exercer sa propre souveraineté sans l’aval de la « superpuissance » voisine. 

Militairement, après une semaine de ralentissement de la progression russe, le ministère des Armées indique avoir conquis un premier village dans la région de Dnipropetrovs’k — une région que la Russie ne revendique pas officiellement. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les forces russes ont attaqué l’Ukraine avec 574 drones et 40 missiles, dont quatre missiles balistiques Kinžal et deux Iskander. Les frappes ont notamment visé l’Ukraine de l’Est, de L’viv à Lutsk, ainsi que Mukačevo en Transcarpatie, où une usine de la société américaine Flex a été touchée. 

Nous sommes sortis de la temporalité spectaculaire des pourparlers pour retomber dans celle d’une guerre longue, dont le versant militaire s’accompagne d’une transformation de fond de l’État russe, de ses capacités de nuisance, de contrôle et de répression. À l’intérieur des frontières de la Fédération, on n’ignore pas que la Russie s’efforce depuis longtemps de créer une sorte de réalité alternative qui semble avoir son efficacité idéologique malgré son caractère rudimentaire et grossier. De fait, la vision du monde proposée par Vladimir Poutine et les idéologues du régime présente un caractère contradictoire et caricatural. Même les objectifs de guerre de la Russie restent obscurs. Vladimir Poutine, Sergej Lavrov et Sergej Šojgu les ont définis tour à tour comme : la protection du Donbass, celle de la Russie elle-même ou de ses « valeurs traditionnelles », la reconnaissance de l’annexion de la Crimée, la « dénazification » de l’Ukraine, sa démilitarisation ou la garantie de son statut non nucléaire, voire le réordonnancement général de l’architecture mondiale de sécurité 1. De même, on a récemment relevé les contradictions dans lesquelles s’empêtrait la propagande russe dans le contexte des manifestations en Ukraine relatives aux organes indépendants de lutte contre la corruption que Volodymyr Zelensky menaçait de supprimer. Les propagandistes russes n’ont ainsi pas hésité à développer à propos de cet événement deux lectures logiquement intenables : d’un côté, il ne pourrait exister aucune mobilisation autonome en Ukraine, car sa population serait dénuée de conscience politique et tous ses manifestants payés par l’Occident ; de l’autre, ces manifestations massives et enthousiastes représenteraient un véritable sursaut populaire face au régime autoritaire d’un président illégitime 2.

En définitive, la crédibilité de cette « réalité alternative » importe peu. 

Ce flou n’empêche pas la majorité des Russes de soutenir activement ou mollement la guerre en Ukraine, tant qu’ils ont le sentiment de la gagner ou de pouvoir le faire. Ces incohérences n’empêchent pas davantage le nationalisme d’exploser en Russie, puisque la majorité du pays déclare qu’elle préfère que son pays soit avant tout une « grande puissance, crainte et respectée », plutôt qu’une puissance de second rang avec un meilleur niveau de vie — ce qui est l’exact inverse de la tendance que montraient les sondages au cours des vingt années passées 3. Peut-être est-il donc temps de s’intéresser moins au « narratif du Kremlin » qu’à la manière dont il ancre concrètement dans les esprits une poignée de représentations du monde, peut-être vagues et détachées de la vie réelle, mais génératrices de croyances et d’action — ou d’inaction — bien réelles.

Nous sommes sortis de la temporalité spectaculaire des pourparlers pour retomber dans celle d’une guerre longue, dont le versant militaire s’accompagne d’une transformation de fond de l’État russe, de ses capacités de nuisance, de contrôle et de répression.

Guillaume Lancereau

La voix de Moscou 

Lorsque l’on évoque la « désinformation russe », on a le plus souvent à l’esprit la manière dont les organes de propagande de la Russie contemporaine répandent à l’échelle planétaire des « fausses nouvelles de la guerre » ainsi que des informations erronées, délibérément tronquées ou déformées, sur l’état social, politique ou économique du pays et du monde en général.

La Russie multiplie de fait depuis une dizaine d’années les opérations de désinformation et de déstabilisation politique, tantôt en amont, tantôt au cœur même de ses opérations militaires. Il est ainsi établi que les opérations russes dans le Donbass et en Crimée, en 2014-2015, se sont largement appuyées sur le « contrôle réflexif », c’est-à-dire sur des éléments relevant de la guerre de l’information, et tendant à faire adopter certaines positions à l’adversaire en modifiant sa perception de la réalité du terrain. En masquant la présence de ses troupes en Ukraine, avec des soldats envoyés en uniformes sans insigne, en voilant ses objectifs et ses intentions, en maintenant un vernis de légalité à chaque nouvelle étape franchie, en multipliant les menaces à l’attention de l’Occident et en sapant la légitimité de l’Ukraine en tant que nation dans les médias russes et occidentaux, la Fédération de Russie est parvenue à ses fins : obtenir de l’Europe et des États-Unis qu’ils la laissent démanteler un État souverain — supposément pour éviter une guerre de grande ampleur, avec le succès que l’on sait 4.

Depuis 2022, la Russie poursuit sur cette ligne, en jouant essentiellement sur les affects de la population européenne — surtout sur cet affect primordial qu’est la peur — en vue d’éroder le soutien militaire à l’Ukraine. Le procédé consiste à laisser planer le risque d’une Troisième Guerre mondiale avec la Russie tout en instillant l’idée que les responsables de l’Union européenne et des États-membres seraient prêts, par russophobie congénitale, militarisme débridé et atlantisme béat, à importer sur le continent une guerre lointaine qui ne le concerne en rien. Cette tactique suppose l’existence d’un point de bascule politique au-delà duquel il ne serait plus rentable électoralement de promouvoir le soutien à l’Ukraine — et donc l’existence d’une démocratie représentative fonctionnelle en Europe, ce qui reste à démontrer. 

En Pologne, la population est ainsi la cible d’un flot permanent de propagande russe, mettant en scène des assassinats de faux soldats russes par l’armée ukrainienne ou des prisonniers ukrainiens psychologiquement détruits, appelant — sous la menace de leurs geôliers — leurs compatriotes à se rendre 5. Il s’agit surtout de laisser entendre aux Polonais que leur propre sécurité est en jeu et qu’ils doivent à tout prix résister aux appels des va-t-en-guerre européens prêts à les envoyer mourir au front. Une rhétorique anti-ukrainienne du même ordre est désormais en usage en Hongrie, où Viktor Orbán veut faire croire à la population que voter pour lui, c’est voter contre l’Europe, une Europe qui rêve de plonger le continent dans la guerre. En somme, voter Orbán, ce serait voter pour la paix 6

L’une des dernières campagnes en date a été la diffusion sur X de vidéos d’une trentaine de secondes, en anglais, réalisées grâce à de l’IA, à destination du public allemand. On y voit s’afficher les résultats de pseudo-sondages et des déclarations de supposés responsables et d’experts allemands, exploitant les craintes et les divisions de la population allemande à l’égard de la Russie et de la guerre en Ukraine. L’une de ces vidéos affirme qu’une étude du « Austrian Center for Intelligence, Propaganda and Security Studies » aurait révélé la manière dont la télévision allemande prépare systématiquement la population à la guerre contre la Russie, en déshumanisant les Russes et en attisant la haine des Allemands à leur égard 7. Cet ACIPSS a bien une page Internet, mais on ne trouve aucune trace de cette étude. De même, la vidéo présente une photographie du psychologue allemand Rainer K. Silbereisen en lui attribuant la déclaration suivante : « Si on parvient à convaincre de nouveau les Allemands de la nécessité de combattre la Russie, à la fin, il ne restera plus rien de l’Allemagne. Les Allemands semblent avoir oublié que la Russie les a vaincus il y a 80 ans. Si le gouvernement allemand entend se lancer dans une guerre revanchiste, il commet une erreur. À l’époque, la Russie a fait preuve de clémence. Mais au XXIe siècle, elle effacera l’Allemagne de la surface de la Terre et dispersera les Allemands encore vivants dans le monde entier. » S’il existe bel et bien un psychologue allemand portant ce nom, il n’a jamais, semble-t-il, pris la parole sur la Russie.

On le sait : l’un des traits remarquables de la guerre informationnelle russe est sa capacité à adapter son discours et ses pratiques aux différents espaces visés. 

En direction de ce qu’elle appelle le « Sud global » — de Cuba au Mali en passant par la Centrafrique, la Syrie et le Venezuela — la propagande russe exploite le filon anti-impérial, dont elle maîtrise toute la rhétorique depuis la Guerre froide et dont les conséquences géopolitiques sont déroulées à longueur d’antenne sur la chaîne « TV BRICS ». Là où elle est en mesure de le faire, la Russie s’appuie sur d’autres réseaux, à commencer par ceux de l’Église orthodoxe, comme c’est notamment le cas en Serbie. Le Kremlin s’efforce en parallèle de peser dans les processus électoraux et législatifs des pays de l’ex-espace soviétique, comme on l’a vu en Roumanie, en Moldavie ou en Serbie, mais aussi en Géorgie et au Kirghizstan qui ont adopté une loi relative aux « agents de l’étranger » calquée sur le modèle russe.

Les ingérences russes en matière électorale ne se limitent cependant pas à son espace proche. En juillet 2024, un rapport de la Direction du Renseignement national des États-Unis désignait la Russie comme « la principale menace pesant sur les élections » présidentielles à venir 8. Enfin, la Russie a su construire des relais médiatiques suffisamment efficaces pour que Russia Today ait pu passer auprès de certains intellectuels et militants européens pour un support de « pensée critique ».

Dans le discours stratégique russe, la « guerre hybride » désigne une opération dont la Russie serait victime, et non responsable.

« Guerre hybride » et « guerre contre-hybride »

On assigne d’ordinaire à cette politique russe l’appellation de « guerre hybride » — une guerre que l’on ne conduirait pas seulement sur le terrain militaire mais dans toutes les dimensions possibles de l’existence, en mobilisant l’intégralité des moyens disponibles.

Cette notion n’est pas sans poser problème : s’il suffit de mener conjointement des manœuvres militaires et des opérations psychologiques pour parler de « guerre hybride », alors la Première Guerre mondiale, avec ses flots de propagande, fut une guerre hybride ; alors, les guerres de la Révolution furent aussi une « guerre hybride », puisque les Français répandirent des milliers et des milliers de libelles en territoire ennemi, appelant les soldats prussiens et autrichiens à cesser de lutter contre leurs frères en humanité, déposer les armes et s’établir en France, patrie de la liberté. 

Vasilji Mikrjukov, l’une des références de la nouvelle pensée stratégique russe, le soulignait dans un article de 2013 : déjà, Gengis Khan, Tamerlan, César ou Pompée et, avant eux, Sylla ou Alexandre le Grand, s’étaient appliqués à manipuler les populations et les troupes adverses par des menaces de destruction et des promesses de vie meilleure, des pots-de-vin et du chantage, tout en semant la désorganisation dans l’armée et l’administration 9. De même, pour laver la Russie de toute accusation d’avoir pratiqué une « guerre hybride » en Ukraine en 2014-2015, Ruslan Pukhov, directeur du Centre d’analyse des stratégies et technologies, comparait les combats en Ukraine à la guerre américano-mexicaine de 1846-1848 ou aux stratégies de l’irrédentisme italien 10.

Surtout, dans le discours stratégique russe, la « guerre hybride » désigne une opération dont la Russie serait victime, et non responsable. 

Le régime russe perçoit son territoire numérique et informationnel comme une forteresse assiégée. Sergej Kirienko, directeur adjoint de l’Administration présidentielle de la Fédération de Russie, qui faisait partie de la délégation russe en Alaska, ne disait pas autre chose il y a quelques jours en inaugurant le « Festival des nouveaux médias ». À ses yeux, le XXIe siècle s’annonce comme un temps de guerre informationnelle sans fin : 

« Une guerre informationnelle est en cours. Nous avons dit à plusieurs reprises que la guerre chaude finira — bientôt, nous l’espérons. Mais la guerre informationnelle, elle, ne finira jamais. Déjà, parce que la cible ou la victime, dans cette guerre informationnelle, ce sont nos enfants, la génération suivante. Et aussi parce qu’il n’y a rien de plus important, pour chaque individu, pour chaque famille et pour chaque pays, que d’être en mesure de préserver ses enfants de la guerre informationnelle et de leur transmettre ses convictions, sa foi, son rêve ».

De ce langage typique de la propagande russe, y compris lorsqu’elle sort de la bouche des représentants les plus autorisés de son versant technocratique, il faut retenir deux choses : la reprise du thème du « rêve » russe, cher à Sergej Karaganov, et, plus fondamentalement, le fait que, du point de vue du Kremlin, la Russie ne ferait que se défendre face aux attaques informationnelles de l’Occident — menant, en somme, une « guerre contre-hybride » face à la « guerre hybride ».

[À propos du «rêve russe», nous publierons dans quelques jours une traduction commentée ligne à ligne du rapport de près 150 000 signes sur l’idéologie russe au XXIe siècle par Karaganov. Pour recevoir cette publication, abonnez-vous au Grand Continent]

Cette thèse a été alimentée depuis des années par un flot de publications russes qui adoptent volontiers une tournure d’esprit complotiste. 

En 2016, le politiste Igor’ Panarin, de l’Académie des sciences militaires de la Fédération de Russie, avait ainsi publié un ouvrage au titre éloquent : La guerre hybride contre la Russie (1816-2016). À ses yeux, tous les événements historiques ayant conduit à un déchirement ou à un affaiblissement de la Russie auraient été le résultat de manœuvres souterraines de l’Occident : la Révolution de février 1917 fut l’œuvre hybride des maçons, des libéraux et des nationaux-traîtres russes ; Staline vint heureusement développer un projet de « guerre contre-hybride » ; Rockefeller, Reagan, l’OTAN, les « révolutions de couleur » ne furent qu’autant de jalons de la modernisation de la « guerre hybride » contre la Russie — l’auteur allant jusqu’à dépeindre l’État islamique en « gladiateurs de la guerre hybride de l’Occident ».

À l’inverse, lorsque les théoriciens russes devisent de leur propre stratégie, le terme privilégié est celui de « guerre de nouvelle génération » 11

En 2013, le colonel Sergej Čekinov et le général Sergej Bogdanov, tous les deux issus du Centre d’études militaires stratégiques de l’État-major général des forces armées russes, publiaient dans la revue Voennaja Mysl’ un article à ce propos, affirmant que le facteur essentiel dans les combats à venir allait être la « guerre informationnelle et psychologique, capable de garantir une supériorité dans le contrôle des troupes et des armements tout en démoralisant les troupes et la population adverses au niveau moral et psychologique » 12.

La même année, le colonel Jurij Gorbačëv, ancien directeur du service de guerre radioélectrique de l’État-major russe, annonçait : « La cyberguerre est déjà en cours ». Il soulignait que les actions de combat dans le domaine de l’information pouvaient influencer, parfois de manière décisive, le cours des opérations purement militaires, inciter l’adversaire au déclenchement, à la poursuite ou à l’arrêt des hostilités et créer des conditions favorables à la réalisation des objectifs militaires et politiques fixés par l’État, en exerçant une influence cognitive déterminée sur les soldats, l’état-major et le personnel politique du camp adverse 13. La pseudo-« doctrine Gerasimov », que l’on cite généralement comme l’origine de la notion de « guerre hybride », affirmait une thèse tout à fait similaire.

Lorsque les théoriciens russes devisent de leur propre stratégie, le terme privilégié est celui de « guerre de nouvelle génération ».

Guillaume Lancereau

Désinformation à l’extérieur, isolement cognitif à l’intérieur

Les autorités russes entretiennent donc des relations pour le moins intenses avec une grande partie des citoyens de la planète, mais dans un cadre bien particulier : celui de contacts à sens unique avec l’extérieur, qui prennent de plus en plus exclusivement la forme de campagnes de désinformation.

À l’inverse, le Kremlin met désormais tout en œuvre pour que les citoyens russes eux-mêmes évoluent dans un espace informationnel toujours plus isolé du reste du monde, s’appuyant à cette fin sur son Roskomnadzor, ou « Service fédéral de supervision des communications, technologies de l’information et médias de masse ».

Cette tendance s’est récemment confirmée dans le domaine scientifique. Comme au tournant des années 1920-1930, après l’adoption de la logique « classe contre classe » au VIe Congrès du Komintern, les contacts des scientifiques russes avec l’étranger tendent à devenir, en soi, une source de suspicion 14. Voilà des années que le régime s’efforce de contrôler les rapports internationaux des scientifiques russes : dès 2015, l’Université d’État de Moscou (MGU) avait institué un contrôle préalable par le Service fédéral de sécurité (FSB) des publications avec des chercheurs étrangers — conséquence directe de l’élargissement, en mai 2015, de la législation sur les secrets d’État, en lien avec la première phase de l’invasion militaire de l’Ukraine. Depuis dix ans, la présence physique et la pression politique des agents en uniforme au sein des laboratoires de recherche n’ont cessé de s’accroître. En projet depuis 2018 et confirmée en 2021, la liste des « États inamicaux » comprend désormais une cinquantaine de pays — dont tous les membres de l’OTAN et de l’Union européenne — avec lesquels les citoyens russes ont interdiction d’entretenir certains rapports commerciaux et financiers, mais aussi scientifiques. 

Le dernier épisode marquant a été l’adoption par la Douma d’État, le 10 juin dernier, d’une loi autorisant le gouvernement russe à dresser une liste de domaines scientifiques dans lesquels la coopération des chercheurs russes avec leurs homologues internationaux aura lieu sous le contrôle direct du FSB. D’après ce texte, les universités, instituts de recherche et autres institutions scientifiques privées ou publiques devront transmettre aux services de sécurité les « travaux de recherche prévus » qui impliqueraient des citoyens ou organisations étrangers, même en l’absence d’engagements financiers pour les établissements en Russie. Toutes ces données devront être centralisées dans le « Système gouvernemental unifié d’information pour l’enregistrement des travaux de recherche scientifique, de développement expérimental et de technologie à usage civil » (EGISU NIOKTR), d’où les agents du FSB pourront évaluer et valider ou interdire les contacts scientifiques internationaux planifiés, au vu des menaces potentielles à la sécurité nationale.

Si les échanges scientifiques ne concernent qu’une partie réduite de la population russe, il en va tout autrement des principaux moyens de communication qui permettent aux personnes résidant en Russie d’accéder aux informations produites à l’extérieur du pays et d’échanger avec leurs proches ou leurs contacts à l’étranger. Or ces dernières semaines ont été marquées par de nombreuses coupures des applications de messagerie.

Conformément à une annonce du Roskomnadzor le 13 août dernier, les autorités russes ont mis en place un blocage complet des appels depuis la Russie par WhatsApp, propriété de Meta, dont les activités ont été qualifiées d’« extrémistes » et interdites à ce titre en Russie. Des problèmes similaires ont été observés sur Telegram, le principal outil de communication dans l’espace post-soviétique. D’après un communiqué du FSB, ces blocages visaient avant tout à empêcher l’activité des services secrets ukrainiens, accusés d’utiliser WhatsApp et Telegram pour impliquer des citoyens russes dans des actions de sabotage et des attentats terroristes 15.

Mais l’objectif réel des autorités russes consiste surtout à contraindre les utilisateurs à privilégier l’application MAX, créée en 2025 par l’entreprise VK, propriété de Vladimir Kirienko, fils du technocrate du Kremlin Sergej Kirienko. MAX n’étant pas chiffrée, il est à craindre que les services de sécurité l’utilisent à des fins de surveillance à grande échelle de la population. Il suffit d’ouvrir la moindre page Internet pour prendre la mesure de la dangerosité de cet usage, mais celui-ci pourrait, à l’avenir, être rendu obligatoire pour accéder à certains services publics électroniques, vérifier son identité numérique et effectuer certains paiements. Le gouvernement a même annoncé que MAX et la boutique d’applications RuStore seraient désormais préinstallées par défaut sur tous les appareils vendus en Russie. Les écoles de certaines régions, dont le Tatarstan, devraient inaugurer, à titre expérimental, le transfert de tous les chats scolaires sur l’application MAX 16. Dans l’ensemble, la population voit d’un très mauvais œil ces restrictions d’usage des applications de communication — mais la protestation d’une vingtaine de personnes rassemblées à Novosibirsk par la section locale du Parti communiste ce 19 août a peu de chances de faire pression sur le pouvoir 17.

Le 13 août dernier, les autorités russes ont mis en place un blocage complet des appels depuis la Russie par WhatsApp, propriété de Meta, dont les activités ont été qualifiées d’« extrémistes » et interdites à ce titre en Russie.

Guillaume Lancereau

En parallèle, les autorités s’appliquent depuis de nombreuses années à concurrencer et éliminer YouTube, qui reste la principale plateforme de partage et de consommation de contenus vidéo en Russie, avec un nombre de visiteurs mensuels russes estimé à 96 millions au second semestre de l’année 2024. 

Certains reportages et campagnes d’information de l’opposition russe, dont les enquêtes de Navalny, ont circulé exclusivement sur cette plateforme, engrangeant des dizaines de millions de vues.

Face à cette popularité croissante, les autorités russes ont privilégié deux options : d’une part, un ralentissement délibéré du fonctionnement de YouTube, jusqu’à rendre la plateforme impraticable ; d’autre part, une politique de substitution au moyen de projets concurrents. On retrouve à la manœuvre l’entreprise VK, avec son service de streaming VK Video, qui peine encore à s’imposer face à YouTube, mais a les capacités techniques et financières, ainsi que les ressources politiques, de mener une lutte de longue haleine et de conquérir des parts plus importantes du marché russe 18. La Russie n’en est pas encore au niveau de fermeture de l’Internet chinois. On voit néanmoins que ces deux pays poursuivent un objectif commun : celui d’un « Internet souverain ». Leurs efforts diplomatiques en ce sens ont conduit en 2024 à l’adoption de la Convention des Nations Unies contre la cybercriminalité, dans laquelle de nombreux observateurs ont vu un blanc-seing accordé aux régimes autoritaires soucieux de verrouiller encore davantage — et en toute légalité — leur espace informationnel à toute production venue d’Occident. 

Pour l’heure, le principal effet de ces mesures est surtout une multiplication des VPN, qui permettent d’isoler sa connexion du reste du trafic Internet : des médias d’opposition comme The Insider Russia, Astra et Mediazona proposent désormais leurs propres services de réseaux privés virtuels permettant aux personnes résidant en Russie d’accéder aux informations bloquées par le régime. 

En mai dernier, Vladimir Poutine déclarait à propos des VPN : « il faut les étrangler, je suis prêt à l’affirmer sans aucune gêne ». De fait, une nouvelle loi signée le 31 juillet durcissait les sanctions encourues pour promotion de services VPN permettant de contourner les blocages de l’État russe, avec un système gradué d’amendes allant de 500 euros pour les particuliers à 5 000 euros pour les personnes morales.

La croisade répressive russe 

Pendant ce temps, la Russie poursuit sa croisade répressive, armée d’un nouvel arsenal juridique.

Dès mars 2022, deux lois fédérales russes ont complété le Code pénal de la Fédération de Russie en précisant les contours des délits de « discréditation des forces armées et de leur usage » et de « diffusion de fausses informations » à propos des forces armées et de leurs opérations. Ces délits sont punis de peines allant, respectivement, jusqu’à cinq et quinze ans de prison (articles 280.3 et 207.3).

Depuis, il se passe rarement une semaine sans annonce d’un nouveau procès dramatique. L’un des derniers en date a été celui d’Irina Nikol’skaja, professeure d’histoire en Tchouvachie, accusée de « discréditer l’armée ». Après s’être vu infliger une amende de 30 000 roubles pour ses critiques des bombardements de Mariupol’, cette enseignante née en 1961 — à une époque, rappelait-elle où les murs étaient recouverts d’affiches appelant à « la paix dans le monde » (« miry — mir ! ») — était jugée en ce mois d’août 2025 à Kazan’ pour diverses publications sur le réseau social VKontakte, qualifiant les actions des autorités russes de « criminelles » et exprimant l’espoir que « la Russie, une fois de plus, saurait se diriger vers la lumière » 19.

La peine n’a pas encore été prononcée, mais des affaires du même ordre ont déjà valu aux Russes inculpés des peines de deux à sept ans de prison ferme.

Ce 21 août, un autre tribunal jugeait la retraitée Anastasija Gordienko, 71 ans, résidente d’un village de la région d’Omsk, pour la publication en ligne de ce message : « Ne tuez pas, non à la guerre ! » Pour ces quelques mots, elle a écopé de deux ans de prison avec sursis. La retraitée sibérienne n’en a pas moins profité pour déclarer au tribunal : « J’aime mon pays, mais je déteste mon gouvernement. Nous sommes tous frères et sœurs. Pourquoi faire la guerre, pourquoi annihiler les autres ? » 20

En mai dernier, Vladimir Poutine déclarait à propos des VPN : « il faut les étrangler, je suis prêt à l’affirmer sans aucune gêne ».

Guillaume Lancereau

Ces procès s’inscrivent dans une dynamique longue de censure systématique qui vise à la fois les opinions divergentes et les écarts à la norme des « valeurs traditionnelles » activement promues par le pouvoir.

Depuis 2007, il existe en Russie une « liste fédérale des matériaux extrémistes », établie par le ministère de la Justice de la Russie. Avant de se hâter à établir un parallèle avec l’Index librorum prohibitorum, il faut souligner que cette liste a longtemps suivi un principe assez similaire à celui de nombreux pays d’Europe : interdire les incitations à la haine, les contenus pédopornographiques et le négationnisme. En consultant les 5 466 « contenus extrémistes » interdits par la Fédération de Russie, on rencontre des albums musicaux faisant la promotion du suprémacisme blanc, des plaidoyers pour le « national-socialisme russe », des textes islamistes suspectés de faire l’apologie du terrorisme, des appels à la violence contre la police, ou encore des ouvrages d’Oleg Platonov, ultranationaliste et négationniste, aux titres évocateurs tels que Judaïsme et maçonnerie 21.

De nouvelles thématiques, propres cette fois-ci à la Fédération de Russie, ont néanmoins fait leur apparition depuis 2022 : on voit désormais figurer dans la liste des appels au soulèvement de Kursk contre la Russie, des ouvrages historiques en langue ukrainienne sur L’occupation russe et la désoccupation de l’Ukraine ou encore des chansons interprétées par le « Corps des volontaires russes » — une unité paramilitaire d’extrême-droite combattant, du côté de l’Ukraine, contre l’armée régulière de Vladimir Poutine.

Enfin, un nouveau pas vient d’être franchi par la Russie avec la loi fédérale n°281-FZ, adoptée par la Douma le 22 juillet et signée par Vladimir Poutine le 31 juillet. Cette loi est venue ajouter une nouvelle dimension à l’Index russe en modifiant le Code des infractions administratives pour créer le délit de « recherche intentionnelle » de contenus « extrémistes » en ligne. 

Cette nouvelle disposition a fait l’objet de critiques, y compris des plus proches soutiens du Kremlin, qui l’ont vue pour ce qu’elle est : une absurdité. Margarita Simonian, rédactrice en chef de Russia Today, a même déclaré à cette occasion : « Et comment allons-nous désormais enquêter sur les activités et révéler publiquement les extrémistes du genre ‘Fonds de lutte contre la corruption’ si nous ne sommes même plus autorisés à les lire ? ».

Soumettre la littérature 

Pour rendre compte des pratiques de censure et répression de l’État russe contemporain, on ne saurait se contenter de lister les œuvres mises à l’index par les juridictions ou le Roskomnadzor : il faut aussi prêter attention aux inflexions concrètes de cette politique, à ses évolutions et à ses soubresauts.

Les opérations de police qui ont frappé le milieu de l’édition nous en offrent un exemple criant 22.

Le 14 mai dernier, les forces de l’ordre ont arrêté à Moscou onze cadres, employés et anciens collaborateurs du plus grand groupe éditorial russe, EKSMO, et en particulier de deux maisons d’édition en sa possession : d’une part, Popcorn Books, éditeur spécialisé dans la littérature pour « jeunes adultes », avec un catalogue de romances fantastiques ou de fanfictions mettent en récit l’expérience de l’entre à l’âge adulte et de la construction de soi ; de l’autre, Individuum, éditeur de figures politiques comme Oleg Navalny, frère du défunt Alexeï, recherché par la police russe, et le journaliste Andrej Zakharov, de BBC News Russia, « agent de l’étranger », désormais installé à Londres. Des perquisitions au sein même des locaux des maisons d’édition ont donné lieu à des saisies d’ouvrages. Cette instruction a été ouverte conformément à l’article 282.2 du Code pénal russe concernant les activités des « organisations extrémistes », un délit puni de peines allant jusqu’à 12 ans d’emprisonnement. Après ces arrestations, les librairies du pays ont reçu de la part d’EKSMO une liste de 48 livres à détruire, essentiellement édités par Popcorn Books, sauf un, d’Individuum : celui de l’historien Rustam Alexander sur la vie des homosexuels en URSS. 

Désormais, plusieurs opérations de police frappent le milieu de l’édition.

Guillaume Lancereau

Le comité d’enquête accuse les suspects d’avoir « publié et vendu des livres faisant la promotion du mouvement LGBT dans un but lucratif ». Dès 2013, la première loi interdisant la « propagande » des « relations sexuelles non-traditionnelles » a été adoptée en Russie à l’échelle fédérale. En 2022, une nouvelle loi a interdit la diffusion de tout contenu pouvant « faire la propagande des relations sexuelles non-traditionnelles, de la pédophilie et du changement de sexe ». Enfin, le 30 novembre 2023, la Cour suprême de Russie a reconnu comme « organisation extrémiste » un mouvement inexistant, le « mouvement social international LGBT ». Dans l’affaire de ce mois de mai 2025, les enquêteurs ont affirmé que la lecture de certains ouvrages publiés par les maisons concernées avait « converti » de jeunes lectrices et lecteurs à la cause du « mouvement LGBT ». 

L’argumentaire citait ainsi dix livres, centrés sur l’identité, l’amitié et les expériences adolescentes, dont le roman à succès Un été en foulard rouge de Katerina Silvanova et Elena Malisova. Ce livre, qui raconte une histoire d’amour homosexuelle entre un pionnier adolescent, Jura, et un moniteur, Volodija, a été l’une des meilleures ventes de l’année 2021. Tiré à plus de 250 000 exemplaires, il était la deuxième vente indiquée par l’Union russe du livre à la fin de 2022, à tel point que les autrices ont immédiatement publié une suite : Ce que tait l’hirondelle. Ces publications ont indigné les autorités : le Roskomnadzor a exigé que la vente soit restreinte, des députés ont déposé des dénonciations au ministère de l’Intérieur et exigé que les autrices reçoivent des amendes. Les autrices et les anciens éditeurs d’Individuum ont depuis lors été reconnus par les autorités comme agents de l’étranger.

Censure a priori et censure rétrospective 

L’accusation porte donc sur le fait d’avoir publié et vendu des ouvrages, notamment à des mineurs, après le mois de novembre 2023, en toute connaissance du fait qu’ils tombaient désormais sous le coup de la loi sur l’extrémisme. La liste des livres mentionnés dans l’affaire pénale montre que tous ces ouvrages ont été édités entre 2019 et 2022, soit avant l’interdiction du « mouvement LGBT » comme « organisation extrémiste ». Il est probable que les enquêteurs cherchent à établir que ces livres ont continué à être diffusés après l’interdiction, confirmant la thèse de la participation des éditeurs à une « organisation extrémiste ».

Dans le monde du livre, la question du « retour de la censure » a été vivement discutée il y a un an, avec la création d’un conseil d’experts au sein du Syndicat du livre russe, en charge de contrôler la conformité des livres proposés à la publication avec les lois russes existantes, sous prétexte d’assister les éditeurs dans leur travail. Dans les faits, il s’agit bien de réinstituer un contrôle a priori sur le marché littéraire, à travers l’avis « expert » de représentants du Roskomnadzor, de plusieurs confessions monothéistes, de l’Académie russe de l’enseignement et de la Société russe d’histoire militaire dirigée par Vladimir Medinskij.

Toutefois, ce climat de censure ne pourrait exister s’il n’était soutenu, au sein de cet espace, par un certain nombre de loyalistes. 

L’affaire la plus révélatrice à ce titre a été l’arrêt de la vente, le 22 avril 2024, du roman L’héritage de Vladimir Sorokin —  sans doute le dernier écrivain russe considéré comme un « classique » — qui réside à Berlin depuis ses prises de position hostiles à l’invasion de l’Ukraine. L’un des motifs du retrait de l’ouvrage, au nom de sa promotion supposée des « valeurs non-traditionnelles » (en l’espèce, de l’homosexualité), a été l’intense campagne médiatique et politique déchaînée à son encontre par l’écrivaine Ol’ga Uskova, qui écrivait le 21 avril 2024 sur sa chaîne Telegram, suivie par 116 000 abonnés :  

« Nous avons maintenant en mains un rapport d’expertise, officiel et complet, à propos du cas Sorokin. Une enquête administrative est à l’étude, ainsi qu’une enquête pénale distincte. Un large groupe est à l’origine de cette initiative. […] Le monde du livre russe doit désormais faire son choix : il est soit avec Moscou, soit avec Berlin. La situation politique extérieure s’est tellement aggravée au cours des six derniers mois qu’il n’y a plus de compromis possible ». 

C’est la première fois qu’une procédure pénale vise directement des éditeurs, et les autorités entendent bien faire de cette affaire un cas exemplaire, un avertissement adressé à l’ensemble du monde du livre — conformément à une pratique éprouvée, qui consiste à frapper un grand coup en un point de l’espace pour sidérer et désarmer le reste des acteurs de cet espace, les dissuadant de toute action ou réaction. La question qui traverse le monde de la culture russe est claire : qui sont les prochains sur la liste ? 

Vladimir Poutine vient de signer une loi interdisant la diffusion de films susceptibles de discréditer « les valeurs spirituelles traditionnelles et morales russes »

Guillaume Lancereau

On pouvait craindre, il y a quelques mois, que le cinéma soit pris pour cible. On sait notamment que les deux séries The Young Pope et The New Pope, qui ont connu un regain d’intérêt avec la mort du pape François, ont été présentées au public russe avec 45 minutes en moins. Dans la première d’entre elles, la représentation hermaphrodite qui figure dans le tableau La femme à barbe de José de Ribera (1631) a été escamotée. De même, dans une longue diatribe du « jeune pape », interprété par Jude Law, depuis la place Saint-Pierre, tout le passage au cours duquel il se déclare favorable à la fornication et à la contraception, au mariage des homosexuels et des prêtres, au divorce et à la tolérance du suicide, a été supprimé de la version russe.

Ces craintes quant à l’avenir du cinéma en Russie viennent d’être confirmées. 

Ce 31 juillet, Vladimir Poutine vient de signer une loi interdisant la diffusion de films susceptibles de discréditer « les valeurs spirituelles traditionnelles et morales russes » ou de faire la promotion de leur discréditation. Cette loi a, de surcroît, un effet rétroactif : les autorisations de diffusion en Russie délivrées par le ministère de la Culture pourront être retirées des plateformes de cinéma en ligne en cas d’identification de contenus tombant sous le coup de cette loi. Enfin, cette loi fait obligation aux propriétaires des principaux réseaux sociaux de surveiller ces contenus audiovisuels 23.

La guerre sur le front culturel

L’État moderne ne saurait toutefois se contenter de pratiques répressives sans leur faire correspondre de politiques incitatives favorisant l’adhésion et la loyauté. 

La guerre moderne, en particulier, produit nécessairement ses propagandistes (et ses adversaires), puisqu’elle entend être autre chose qu’un pur fait du prince. Dans un régime d’opinion et d’idéologie, la guerre doit se trouver des partisans au lieu de simples mercenaires, et donc se donner des motifs, qui demandent à être explicités, diffusés, justifiés. Telle est la besogne dont se chargent, en Russie, une série d’auteurs à succès relevant de la « Z-littérature » 24.

Cette littérature aux accents militaristes et nationalistes a déjà plusieurs années. En décembre 2023, la 25e édition de la Foire du livre non-fiction organisée à Moscou mettait déjà en avant une série d’autrices et d’auteurs au motif de leur soutien explicite à l’action de l’armée russe en Ukraine. Une place de choix était notamment réservée à la poétesse Anna Revjakina, native de Donets’k, invitée à participer à trois présentations différentes. L’œuvre de celle que l’on annonçait comme la « muse du Donbass » était présentée dans les termes suivants : « Dans les poèmes de la poétesse du Donbass, les populations locales font office de véritables héros, sur lesquels repose l’entièreté de la grande civilisation russe, avec son histoire complexe et ses traditions spirituelles supérieures ».

Parmi les œuvres parues depuis l’invasion de l’Ukraine, toutes n’ont pas des prétentions poétiques aussi affichées. 

Si elles ont en commun leur nationalisme exacerbé, plusieurs se distinguent par la violence de leur écriture et de leurs intentions, notamment en dépeignant les populations ukrainiennes sous les traits les plus déshumanisants. Certains romans valorisent des options politiques et militaires désormais dépassées, comme ce Colonel Personne d’Aleksej Sukonkin, sorte d’ode au groupe Wagner. Dans son roman, cette société militaire privée aurait été la seule institution à même de sauver l’offensive russe des incohérences et des erreurs de l’État, dont les services de renseignement assuraient, à tort, que les Ukrainiens allaient accueillir l’armée russe avec des cris de joie et des tombereaux de fleurs. En son temps, Prigojine avait adoubé l’ouvrage, en affirmant qu’il s’agissait à ses yeux d’une description on ne peut plus fidèle des manquements de l’armée régulière sur le terrain.

On ne peut toutefois s’empêcher de souligner, à la lecture des quatrièmes de couverture et des extraits disponibles, que la principale propriété de ces ouvrages est leur platitude littéraire. Dans Le chaudron de Crimée, l’auteur Nikolaj Marčuk décrit un monde dans lequel l’ensemble de la communauté internationale, Corée du Nord exceptée, se serait tournée militairement contre la Russie, qui finirait cependant par redresser l’échine et s’emparer du Capitole. L’intrigue tourne autour d’une sorte de superhéros russe, qui progresse en Crimée, de combat en combat, affrontant des Ukrainiens toujours plus nazis, drogués et pervers. Les éditions AST, l’une des deux principales entreprises du secteur en Russie avec le groupe EKSMO, présentent l’ouvrage dans les termes suivants : 

« La flamme de la Troisième Guerre mondiale s’est élevée, brûlante, pleine d’éclat. L’Occident uni a frappé le premier, déversant un tapis dévastateur de bombes et de missiles sur la Fédération de Russie. Mais la Russie ne s’est pas laissée abattre. Elle a tenu bon. Aujourd’hui, l’heure de la riposte est venue. Une compagnie de volontaires russes part en mission au plus profond des lignes ennemies. Tous savent que c’est un chemin sans retour. Leur mission : détourner l’attention ennemie de l’endroit où doit être porté le coup fatal. Ils ne sont qu’une centaine face à un ennemi mille fois plus nombreux… Mais leur mission sera accomplie ! L’ennemi sera vaincu ! La victoire sera à nous ! ».

Russie unique, passé unique 

La politique russe s’inscrit donc dans le temps long.

Or un pouvoir qui entend s’ancrer dans la durée n’a guère de meilleur moyen de le faire que de modeler le système scolaire à son image — à l’image, du moins, qu’il se fait ou qu’il entend donner de lui.

C’est ainsi qu’il faut interpréter la récente annonce de la généralisation des « Conversations sur l’essentiel » (Razgovory o važnom, littéralement : « conversations sur ce qui est important »). Ce dispositif proche de « l’éducation civique et morale » propose aux élèves russes une série d’activités démontrant l’importance de la famille et de l’amitié, des qualités morales de justice et d’honnêteté, ainsi que la nécessité de l’amour de la patrie et du respect de l’histoire et de la culture de la Russie. Pour l’heure, ce dispositif a été déployé dans une poignée de régions russes et, surtout, dans les territoires occupés de l’Ukraine. À compter du 1er septembre prochain, il doit être étendu aux écoles maternelles (de 3 à 7 ans) de vingt-deux régions, dont celle de Moscou. Il complètera ainsi une pédagogie patriotique en plein essor depuis 2022, qui a notamment pris la forme de distributions de portraits de Vladimir Poutine dans des écoles et de récitations de poèmes à la gloire de « l’opération militaire spéciale » par des vétérans d’Afghanistan.

Tous ces dispositifs ont une portée idéologique évidente. S’il fallait encore le confirmer, le ministère russe de l’Éducation vient de publier un décret annonçant que des cours de « Culture spirituelle et morale de la Russie » seront inaugurés dès 2026, et qu’ils seront l’occasion d’enseigner aux élèves la grandeur du « Monde russe » et de la Russie comme « État-civilisation » 25

Depuis le XIXe siècle, il est communément admis — à tort ou à raison — que les livres d’histoire scolaire sont le ferment par excellence des comportements civiques et de la morale politique des futurs citoyens. Vladimir Poutine s’indignait dès 2013 de l’existence de 65 ouvrages différents dans la liste des manuels d’histoire autorisés dans les écoles. Face à ce qu’il désignait comme une efflorescence désordonnée, le président russe prônait la définition d’une « conception unifiée », qui soulignerait la continuité entre toutes les époques et toutes les générations de l’histoire russe afin d’insuffler « le respect pour chacune des pages de notre passé ». Dès l’année suivante, la Société historique russe, la Société d’histoire militaire et l’Institut d’histoire universelle de l’Académie des sciences de Russie adoptaient un Standard historique et culturel, qui venait définir la nouvelle ligne de l’enseignement à dispenser aux élèves dès l’année suivante 26.

Naturellement, toutes les précautions langagières d’usage ont été préservées. La population russe a conservé une aversion à tout ce qui est « unique » : un manuel, un parti, une pensée. En 2013, Vladimir Poutine se défendait donc de prétendre renouer avec ce passé soviétique et déclarait : « Cela ne signifie absolument pas que nous devons revenir au mode de pensée totalitaire. Il y a d’un côté un canevas général, et de l’autre des opinions différentes : celle-ci, celle-là, une troisième encore ». L’initiative poutinienne de révision de l’histoire scolaire se donnait bien pour ambition de proposer un manuel « unifié » (edinyj) et non pas « unique » (edinstvennyj), aussi unifié que la Russie dans l’appellation du parti présidentiel « Russie unie » (Edinaja Rossia) — tout en proposant, à terme, un manuel aussi factuellement « unique » que l’est ce parti dans la Russie contemporaine.

La première étape de cette mise au pas de l’histoire fut donc le Standard historique et culturel édicté à la demande de Vladimir Poutine. Son orientation signalait d’emblée le tournant opéré depuis une vingtaine d’années dans l’enseignement supérieur, lorsque le nationalisme russe prit la suite du patriotisme soviétique. Le premier objectif assigné aux enseignants consistait à faire acquérir aux élèves « un ensemble de valeurs favorisant le patriotisme, le sens civique et la tolérance entre les nations » — une idée, donc, assez éloignée de l’internationalisme ou de « l’amitié entre les peuples » prônés sous l’URSS. Le point suivant confirmait : « l’approche patriotique adoptée dans l’exposition des faits historiques a pour but de cultiver chez les jeunes générations un sentiment de fierté pour leur pays et pour son rôle dans l’histoire mondiale ».

Cette nouvelle orientation donnée à l’enseignement de l’histoire a directement contribué à préparer les esprits à l’agression de l’Ukraine par la Russie.

C’est, du moins, ce qui ressort de l’examen des manuels d’histoire des années 2020, à commencer par celui dirigé par Vladimir Medinskij, membre entre 2010 et 2012 de la Commission présidentielle de lutte contre les falsifications de l’histoire, ministre de la Culture de 2012 à 2020 et, conseiller du président de la Fédération de Russie depuis 2020. Au moment de l’invasion russe de 2022, Medinskij avait atteint un statut suffisant pour être placé à la tête de la délégation russe qui rencontra, à la frontière bélarusse, les représentants des autorités ukrainiennes, avant de diriger la délégation russe lors des négociations d’Istanbul.

Il a aussi été le directeur de l’un des manuels scolaires les plus diffusés ces dernières années, depuis sa publication en 2021 par les éditions Prosveščenie. Tandis que les ouvrages des décennies précédentes passaient sous silence le rattachement de la Crimée à l’Ukraine sous Khrouchtchev, en 1954, celui de Medinskij s’attardait au contraire sur cette décision, présentée comme l’une des erreurs majeures du XXe siècle. Le manuel de Medinskij ne se contentait pas de justifier l’annexion illégale de la Crimée, opérée en 2014, par l’union pluriséculaire de cette région avec la Russie et par le caractère arbitraire de sa cession à l’Ukraine par Khrouchtchev : complétant cet argument historique par un argument politique, l’ouvrage soulignait que, par son intervention de 2014, la Russie avait préservé la Crimée des « nationalistes » de Kyïv et respecté la volonté profonde des habitants de la région, conformément au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : 

« Des bataillons de nationalistes armés se sont alors dirigés vers la Crimée. Dans ce contexte, et afin d’éviter un bain de sang, le gouvernement russe a été contraint de mobiliser ses unités stationnées en Crimée. Les soldats russes, aux côtés de volontaires et de la police locale, ont sécurisé les sites stratégiques, arrêté la progression des unités militaires ukrainiennes et empêché la pénétration des hordes de nationalistes dans la péninsule, créant du même coup les conditions nécessaires à ce que les habitants de la Crimée puissent librement exprimer leur volonté quant à l’avenir du territoire ».

Ce 27 janvier 2025, Vladimir Medinskij récidivait en présentant à Moscou un nouveau manuel en trois volumes, consacré cette fois-ci à l’Histoire militaire de la Russie

En Russie, la nouvelle orientation donnée à l’enseignement de l’histoire a directement contribué à préparer les esprits à l’agression de l’Ukraine par la Russie.

Guillaume Lancereau

On y trouve, pour la première fois, un chapitre d’histoire immédiate portant sur « l’opération militaire spéciale » que mène la Russie en Ukraine, couplée à des justifications historiques de l’ensemble de la géostratégie russe de ces dernières décennies. L’ouvrage célèbre tout d’abord le grand retour de la Russie sur la scène internationale après l’effondrement de l’URSS et sa capacité à « proclamer fermement ses intérêts nationaux ». Ce regain de puissance aurait pu se dérouler de manière pacifique si les forces coalisées des États-Unis et de l’OTAN n’étaient venues lui faire obstacle par leur ingérence politique et idéologique :  

« Au début du XXIe siècle, le monde a vu s’ouvrir une nouvelle phase. Convaincus d’avoir remporté la Guerre froide face à l’URSS, les États-Unis ont fait tout leur possible pour étendre leur domination unilatérale sur toute la surface du globe. […] Sous le patronage des États-Unis et de l’OTAN, des idées ouvertement néonazies ont ainsi commencé à se répandre dans les États baltes, en Ukraine et dans une série d’anciennes républiques soviétiques ».

La présentation des événements qui se sont déroulés depuis 2014 est à l’image de ce qui précède, et suit un schéma désormais bien connu : des « nationalistes » et des « nazis » seraient arrivés au pouvoir en Ukraine à la faveur du « coup d’État » de 2014, faisant planer sur la population russophone du pays un « danger mortel ». La Russie serait donc intervenue en Crimée et aurait, « sans tirer un seul coup de feu », empêché l’organisation d’une « opération punitive des forces armées ukrainiennes ». Cette intervention aurait du même coup rendu possible l’organisation du référendum du mois de mars, lequel aurait sauvé les habitants d’un « destin tragique » analogue à celui du Donbass, qui subit la sanglante répression des bataillons ukrainiens Azov et Ajdar. Le paragraphe essentiel est toutefois le suivant, dans lequel les auteurs du manuel affirment les intentions strictement humanitaires de la Russie et légitiment son invasion de l’Ukraine par le seul souhait de prévenir un nouveau bain de sang 27.

Les auteurs d’un nouveau manuel officiel vont jusqu’à affirmer que leurs adversaires, qualifiés tour à tour de « nazis » et de « fascistes », recourraient à des méthodes « terroristes » dans leur guerre contre la Russie — en citant à l’appui la destruction du barrage de la Kakhovka.

Guillaume Lancereau

Il ne s’agirait pas, en somme, d’une volonté active de la part de la Russie, mais d’une simple opération préventive aux massacres qui s’annonçaient. La Russie n’aurait agi qu’à contrecœur, contrainte et forcée, comme l’affirme encore un autre paragraphe, placé au début du chapitre « Professionnalisme, résilience, courage » consacré à la guerre en Ukraine :  

« Tout au long de l’histoire post-soviétique, les États-Unis et l’OTAN ont constamment ignoré les revendications légitimes de la Russie en matière de sécurité. Finalement, le coup d’État fasciste qu’ils ont organisé à Kiev avec le soutien de l’Occident, la transformation de l’Ukraine en un avant-poste anti-russe agressif, ainsi que les assassinats de masse perpétrés par les nationalistes ukrainiens envers ceux qui s’opposaient à la politique des autorités de Kiev, ont contraint la Russie à débuter en février 2022 une opération militaire spéciale visant à protéger le Donbass ».

Ne reculant devant aucune outrance, aucune hypocrisie, les auteurs du manuel vont jusqu’à affirmer que leurs adversaires, qualifiés tour à tour de « nazis » et de « fascistes », recourraient à des méthodes « terroristes » dans leur guerre contre la Russie, en citant à l’appui la destruction du barrage de la Kakhovka — rappelons que l’état des connaissances disponibles à propos de cet épisode a conduit le Parlement européen à adopter une résolution déclarant la Russie coupable de crime de guerre 28.

Enfin, une partie notable du propos de ce nouveau manuel d’histoire militaire relève de la propagande de guerre la plus banale, cherchant à convertir ses lecteurs en matériau humain pour les prochaines opérations — « spéciales » ou non — que Vladimir Poutine déciderait de déployer de par le monde. Les rédacteurs mettent à l’honneur une série de « héros » et d’actes de bravoure patriotique — un encadré d’une demi-page est même consacré au récit des manœuvres entreprises, au péril de leur vie, par le lieutenant-chef Baksikov et le lieutenant Levakov, membre d’équipage du tank Alëša, que l’on voit poser aux côtés de Vladimir Poutine sur une photographie reproduite dans le manuel. Les dernières phrases de l’ouvrage invitent le lecteur à rejoindre les rangs de l’armée et à faire partie, à son tour, de l’histoire pluriséculaire de vaillance et de gloire du soldat russe : « Penses-y. Peut-être que ce soldat, c’est toi ».

Nous sommes donc bien au-delà du Standard historique et culturel de 2014. Si celui-ci insistait bien sur la « fierté » que devait inspirer aux élèves la contemplation des « exploits du peuple » et des exemples de « sacrifice au nom de la patrie », en particulier en 1812 et en 1941-1945, il n’en appelait pas moins à approfondir ces sentiments patriotiques par l’examen des avancées russes dans le domaine scientifique et culturel ou encore la formation d’une société multiculturelle et multiconfessionnelle fondée sur l’entraide, la tolérance et la coexistence religieuse. 

De ces éléments variés, il ne reste plus, dans la nouvelle Histoire militaire de la Russie, que l’érection des faits d’armes en honneur suprême dans la société russe et de l’esprit militaire en morale civique par excellence.

***

Cet ensemble de lois fédérales et de décisions du Roskomnadzor, de procès et de blocages d’applications, d’initiatives patriotiques et de mises au pilon, confirment que l’État russe est en lutte sur tous les fronts contre un ennemi à deux visages : d’une part, celui de l’Occident corrompu et corrupteur qu’il prétend combattre en terre ukrainienne ; d’autre part, l’ennemi intérieur qui peut se dissimuler en chaque citoyen russe.

Convaincu d’être cerné par des adversaires déclarés, des dissidents et des suspects, ce même État réagit par réflexe et de manière violente dès lors qu’il constate de la part d’un quelconque groupe, d’une quelconque institution, un refus d’allégeance pleine et entière à chaque point de sa politique militariste, autoritaire et traditionaliste.

C’est ce qu’avait bien décrit Georgyj Urušadze, ancien président du prix littéraire russe Bolšaja Kniga et fondateur de la maison d’édition Freedom Letters, lorsqu’il soulignait que cette politique était avant tout la marque d’un pouvoir devenu incapable d’exister sans s’imaginer et s’assigner constamment un nouvel ennemi : 

« Les personnes au pouvoir ont peur des livres et, jusqu’à un certain point, c’est rassurant. Ils ont la trouille et veulent faire disparaître les livres en déchaînant la répression contre des ‘péchés’ rétroactifs. […] Or aucun livre n’a jamais changé l’orientation sexuelle de quelqu’un. Vous le lisez, et alors ? Est-ce que ça change la couleur de vos yeux ? De vos cheveux ? Votre orientation ? Tout ça, c’est un fait de nature, un fait de naissance, et les livres n’y sont pour rien. Il n’en reste pas moins que les autorités ont besoin de créer en permanence une certaine image de l’ennemi et de contrôler par la peur tous ceux qui seraient en mesure d’agir. »

Sources
  1. Samuel Charap, Khrystyna Holynska, Russia’s War Aims in Ukraine : Objective-Setting and the Kremlin’s Use of Force Abroad, Santa Monica, RAND Corporation, 2024.
  2. « Пропаганда про протесты в Украине », Свобода, 28 juin 2025.
  3. Dina Smeltz, Lama El Baz, Denis Volkov, « Three in Four Russians Expect Military Victory over Ukraine », note du Chicago Council on Global Affairs, avec le Centre Levada.
  4. Maria Snegovaya, Putin’s Information Warfare in Ukraine : Soviet origins of Russia’s Hybrid Warfare, Washington, Institute for the Study of War, 2015.
  5. Зоряна Вареня, « Фейки, пропаганда, манипуляции. Как Россия влияет на польское общественное мнение », Новая Польша, 19 mai 2025.
  6. Keno Verseck, « Hungary’s Orban blasts Ukraine to bolster domestic support », DW, 11 mai 2025.
  7. Lien partagé par un internaute sur X.
  8. David R. Shedd, Ivana Stradner, « The Covert War for American Minds : How Russia, China, and Iran Seek to Spread Disinformation and Chaos in the United States » Foreign Affairs, 29 octobre 2024.
  9. Василий Микрюков, « В основе победы в войне лежит победа в идеологической борьбе », Вестник Академии военных наук, vol. 44, n°3, 2013, p. 8-10.
  10. Руслан Пухов, « Миф о “гибридной войне” », Независимое военное обозрение, 29 mai 2015.
  11. Dmitry Adamsky, « From Moscow with coercion : Russian deterrence theory and strategic culture », Journal of Strategic Studies, vol. 41, n°1-2, 2018, p. 33-60.
  12. Сергей Чекинов, Сергей Богданов, « О характере и содержании войны нового поколения », Военная Мысль, n°10, 2013, p. 13-24.
  13. Юрий Горбачев, « Кибервойна уже идет », Независимое военное обозрение, 12 avril 2013.
  14. « ФСБ хочет поставить под контроль все контакты ученых с иностранцами », Медуза, 7 février 2025 ; « ФСБ начнет контролировать международное сотрудничество в вузах — такой закон приняла Госдума », Мемориал, 28 juillet 2025.
  15. « ФСБ : Киев использует Telegram и WhatsApp для вовлечения россиян в диверсии », ТАСС, 23 août 2025.
  16. « Татарстан вошел в число “пилотных” регионов по переводу школьных чатов в мессенджер Max », Idel.Реалии, 22 août 2025.
  17. « Новосибирские коммунисты провели пикет против блокировки звонков в мессенджерах », Интерфакс, 19 août 2025.
  18. Майк Эккель, « “Это угроза для властей”. Россия без YouTube — возможно, но не сейчас », Свобода, 27 juillet 2025.
  19. « “Главная ценность человека — это его жизнь”. В Казани судят 64-летнюю учительницу истории — ее обвиняют в повторной “дискредитации” армии », Idel.Реалии, 11 août 2025.
  20. « Пенсионерку из Омской области условно осудили по второму уголовному делу о дискредитации армии », ОВД-Инфо, 21 août 2025.
  21. Список экстремистских материалов.
  22. Никита Сологуб, « Утилизация книг, арест издателей. Что известно о деле об “ЛГБТ‑экстремизме” в “Эксмо” », Медиазона, 15 mai 2025.
  23. Ольга Александрова, « “Чтобы боялись”. Новый российский закон о цензуре в кино », Свобода, 7 août 2025.
  24. Dans la langue russe contemporaine, les appellations en « Z-quelque chose » viennent de la lettre latine « Z » peinte sur les véhicules militaires russes lors du lancement de l’invasion de l’Ukraine. On y retrouve d’ailleurs une référence jusque dans le titre de l’un des ouvrages relevant de ce genre : le roman de guerre Le Z blanc sur le blindage avant de Mikhaïl Mikheev. Ce Z, première lettre du mot za (« pour ») est devenu le symbole du soutien exprimé à l’armée et à la guerre en cours, alors même que sa principale propriété est, paradoxalement, de révéler la vacuité du projet politique russe. Se dire « pour » sans préciser pour quoi, laissant tout le monde deviner qu’il s’agit bien de « pour la victoire » ou « pour la patrie », est en effet la meilleure illustration du caractère tautologique de la rhétorique propagandiste russe.
  25. « Школьникам начнут рассказывать про “Русский мир” », Агентство, 23 août 2025.
  26. Историко-культурный стандарт, version de 2013.
  27. « Au début de l’année 2022, les forces armées ukrainiennes et les bataillons nationalistes étaient prêts à lancer une violente ‘opération de nettoyage’ dans le Donbass. En parallèle, l’OTAN rejetait les propositions de Moscou appelant à fournir des garanties mutuelles de sécurité. Les choses étaient donc claires : ce n’était plus qu’une question de jours avant que débute une nouvelle opération punitive contre le Donbass. Afin d’empêcher la mort de dizaines de milliers de civils et d’assurer la protection des populations du Donbass contre le génocide que préparaient les autorités de Kiev, le président de la Fédération de Russie, V. V. Poutine, a pris la décision de lancer, le 24 février 2022, une opération militaire spéciale ».
  28. Submerged : Study of the Destruction of the Kakhovka Dam and Its Impacts on Ecosystems, Agrarians, Other Civilians, and International Justice, rapport de Truth Hounds et du projet Expedite Justice, 6 juin 2024.