De nombreux médias internationaux relaient depuis dimanche 22 juin une information selon laquelle le Parlement iranien aurait voté une résolution prévoyant la fermeture du détroit d’Ormuz.

  • Toutefois, l’information semble uniquement reposer sur les affirmations d’un membre du Parlement, Ismael Kousari, membre de la Commission de sécurité nationale.
  • Ce dernier a déclaré le 22 : « Le Parlement est parvenu à la conclusion (جمع‌بندی رسیده است) qu’il faudrait fermer le détroit d’Ormuz, même si la décision finale dépend du Conseil suprême de sécurité nationale ». L’agence nationale iranienne Press TV a résumé ses propos en titrant : « Iranian parliament moves to close Strait of Hormuz after US aggression : Lawmaker » 1.
  • La déclaration de Marco Rubio, appelant la Chine à faire pression sur l’Iran pour éviter la fermeture du détroit, lors d’un entretien sur Fox News diffusé hier soir, a donné une grande publicité à cette déclaration et propulsé sa diffusion.
  • Aujourd’hui en début d’après-midi, d’après le quotidien iranien Etemad, un autre député iranien, Ali Keshvari, a déclaré que des députés avaient déposé des propositions de motion sur le retrait du TNP et sur la limitation du trafic maritime dans le détroit d’Ormuz 2.

Le Parlement iranien n’a pourtant aucun rôle décisionnaire en matière de politique de défense et, d’une manière générale, ne dispose que d’un poids politique mineur dans le système politique de la République islamique 3.

  • La décision de bloquer le détroit d’Ormuz dépendrait uniquement du Guide suprême Ali Khamenei. L’article 110 de la Constitution de la République islamique explique que le Guide « commande les forces armées » et « déclare la guerre, la paix, et la mobilisation des forces armées ».
  • Une telle décision serait probablement prise en consultation avec le Conseil suprême de sécurité nationale, les principaux commandants des Gardiens de la Révolution, et le bureau du Guide.
  • Pour l’instant, aucun des acteurs appartenant à ces institutions n’a pris position sur le sujet.
  • En réponse à une question directe d’un journaliste sur le sujet, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a ainsi répondu : « Notre préoccupation majeure est la défense du territoire ». La manière de « défendre le territoire et d’éviter que de tels crimes se produisent à nouveau » dépendrait quant à elle des forces armées iraniennes 4.

Les personnalités ayant appelé à bloquer le détroit d’Ormuz sont exclusivement des journalistes ou des personnalités politiques n’exerçant pas de poste à responsabilité au sein de la République islamique.

  • Un groupe anonyme de membres du gouvernement d’Ibrahim Raisi (président de 2021 à 2024) a publié un communiqué appelant à un grand nombre de mesures de riposte contre les États-Unis, dont la fermeture du détroit d’Ormuz 5.
  • Le rédacteur en chef du journal ultraconservateur Kayhan, qui prend souvent des positions très radicales, Hossein Shariatmadari, a expliqué dans un éditorial qu’il fallait « bombarder les bases américaines, fermer le détroit d’Ormuz aux navires américaines, britanniques, français et allemands, et tuer tous ceux que vous trouvez » 6.
  • Un article publié le 23 juin par l’agence de presse nationale Mehr News s’interroge quant à lui sur la possibilité de fermer le détroit en utilisant « la méthode yéménite » dans le détroit de Bab al-Mandeb. L’article remarque que la fermeture n’a pas été complète, mais consistait à empêcher le passage des navires « qui se rendaient en territoire occupés ».
  • L’article en conclut que la solution idéale serait de bloquer le passage des navires « d’Israël, des États-Unis, peut-être de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, et éventuellement de l’Argentine », ce qui permettrait aux pays du Golfe de « continuer à commercer, et qu’il n’y ait pas de problème pour les pays amis ou neutres, dont la Chine » 7.

De même, la plus importante personnalité politique iranienne qui a évoqué le détroit d’Ormuz depuis hier n’appelle pas à sa fermeture.

  • Ali Akbar Velayati, le conseiller du Guide suprême, ancien ministre des Affaires étrangères, et personnalité souvent chargée de la communication vis-à-vis des pays occidentaux, a fait des déclarations générales sur l’évolution des rapports de force mondiaux : « Le monde et la scène internationale, particulièrement dans cette région très sensible de l’Asie occidentale, traversent des changements fondamentaux, et la balance de pouvoir changer rapidement. Trump a montré que, comme sa marionnette ridicule Netanyahu, il agit sur la scène internationale sans réfléchir, et contre les intérêts de l’Amérique. L’Asie occidentale n’est pas le Groenland, et le détroit d’Ormuz n’est pas le canal de Panama » 8.