Comment le pouvoir de Mohammed Ben Salmane (MBS) se structure-t-il en Arabie saoudite ?
Le système est autoritaire, avec un pouvoir absolu détenu par le roi, qui a délégué ses pouvoirs à son fils, désormais Premier ministre et prince héritier, MBS. Ce dernier est une personnalité clef, prenant pratiquement toutes les décisions, bien qu’il soit entouré de conseillers et consultants étrangers et saoudiens. MBS a consolidé et centralisé le pouvoir. Contrairement à autrefois, il n’y a plus d’autres princes pour gérer les institutions gouvernementales, et éventuellement s’opposer à son programme.
La clef de voûte idéologique de MBS est un nationalisme « Saudi First », proche de la conception nationaliste de Donald Trump aux États-Unis. On considère souvent que MBS est motivé par l’enrichissement personnel ou la recherche du pouvoir. Ses motivations me semblent en réalité tout autres. Il contrôle déjà la trésorerie de l’État : dans les faits, Mohammed Ben Salmane est l’homme le plus riche du monde. En outre, il détient déjà l’intégralité du pouvoir. Aujourd’hui, MBS est animé par le désir d’être reconnu comme l’un des grands rois de l’histoire, et considère qu’il faut pour cela se consacrer à la transformation du royaume.
Il a déjà réussi à susciter des transformations sociales. La principale difficulté à laquelle il fait face est le passage d’une dépendance quasi totale au pétrole et aux énergies fossiles à une économie diversifiée.
Cela nécessite un changement de mentalité et le développement de nouvelles capacités humaines. Les femmes en Arabie saoudite sont souvent mieux éduquées et plus disciplinées que les hommes. L’État doit donc les mobiliser pour la transformation économique du pays. La libéralisation du pays et l’augmentation du nombre de femmes actives ne sont donc nullement le résultat du féminisme des dirigeants : elles répondent à une nécessité économique.
La clef de voûte idéologique de MBS est un nationalisme « Saudi First », proche de la conception nationaliste de Donald Trump aux États-Unis.
Bernard Haykel
Concrètement, comment ce pouvoir fonctionne-t-il ? Dans la République islamique d’Iran, il existe le Bureau du guide, une administration parallèle à l’État démocratique, avec une structure bureaucratique développée et des milliers de fonctionnaires. En Arabie saoudite, comment la relation entre les consultants étrangers et les Saoudiens s’articule-t-elle ?
Dans le cas iranien, il existe une double structure : une structure républicaine et une structure religieuse sous l’autorité du guide suprême. En Arabie saoudite, cette double structure n’existe pas. Il y a le palais royal et son administration, le Diwan, auxquels tous les ministères et ministres sont liés. Il n’y a donc qu’une seule structure de gouvernance. Les consultants sont employés par le Diwan, la cour royale, ainsi que par les ministères.
En Arabie saoudite, la double structure ne se retrouve pas dans le domaine de la gouvernance, mais dans celui de l’économie. Un fonds souverain, le Fonds d’investissement public (PIF), est devenu le principal véhicule pour les investissements visant à transformer l’économie. Un ministère des Finances et le Fonds d’investissement public existent donc en parallèle.

Vous avez mentionné que MBS a progressivement centralisé tout le pouvoir. Cela a commencé avec l’éviction de Mohammed ben Nayef en 2017. Aujourd’hui, les autres princes de la famille royale sont-ils complètement neutralisés ? Y a-t-il encore des conseillers influents qui pourraient avoir un certain poids ?
Tout pouvoir est désormais délégué par MBS et par le roi. Il n’existe plus de prince ou de ministre ayant une base de pouvoir indépendante dans le pays. Auparavant, des princes âgés contrôlaient des ministères et diverses structures dans le pays — créant une situation similaire à celle de l’Union soviétique à la fin des années 1980, où quelques figures influentes devaient s’accorder pour développer une politique nationale.
Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il n’y a plus de pôle d’opposition à MBS.
Dans les faits, Mohammed Ben Salmane est l’homme le plus riche du monde.
Bernard Haykel
Vous avez mentionné le projet nationaliste porté par MBS, qui rappelle effectivement la centralisation du pouvoir observée sous Trump. Al-Charaa en Syrie a également adopté un programme nationaliste, s’inspirant de modèles comme Singapour et l’Arabie saoudite, qui allient conservatisme social et développement économique. Concrètement, comment le nationalisme s’associe-t-il avec l’islam dans ce contexte ?
L’analogie avec la Syrie ne fonctionne pas, car Ahmad Al-Charaa est un islamiste et un ancien djihadiste, ce qui n’est pas le cas de MBS . En Arabie saoudite, comme aux Émirats, le nationalisme se définit en partie par une opposition féroce à l’islamisme.
Pour MBS, l’islam en tant que religion et système de valeurs est crucial et fait partie intégrante de l’identité saoudienne. Cependant, l’islam ne structure pas la politique ou l’administration du pays. MBS considère l’islamisme non pas comme une expression authentique de l’islam, mais comme un mouvement idéologique moderne, voire fasciste, avec des accents de justice sociale et de communisme. Il voit l’islamisme comme une menace pour son régime et sa manière de gouverner.
Ainsi, MBS est anti-islamiste. Une des raisons pour lesquelles Mohammed ben Nayef, l’ancien prince héritier, a été écarté est qu’il était pro-islamiste et entouré d’islamistes. Pour MBS, l’islam fait partie du nationalisme, mais il est inacceptable que l’islam devienne une idéologie politique.
MBS est anti-islamiste.
Bernard Haykel
Quelles sont les caractéristiques principales et les mesures prises pour favoriser le nationalisme dans la population en tant que structure politique ?
L’idée nationaliste en Arabie saoudite ne date pas de l’arrivée au pouvoir de MBS. Ce mouvement a des racines dans l’histoire moderne saoudienne. MBS est l’héritier d’un nationalisme socialement libéral, mais pas politiquement libéral. Il s’agit notamment d’accorder plus de droits aux femmes et d’imposer une tolérance par le haut.
Le nationalisme se manifeste dans la société de plusieurs façons. Il y a des réformes de l’éducation et un nouveau discours sur l’histoire de l’Arabie, mettant l’accent sur la famille royale plutôt que sur le mouvement wahhabite — un mouvement réformiste qui s’était allié à la famille royale au XVIIIe siècle pour créer le premier État.
Ainsi, le discours actuel met en avant la famille royale et l’ordre plutôt que la religion.
L’ouvrage collectif que vous avez dirigé il y a dix ans identifiait les premières étapes des transformations sociales en Arabie saoudite. Quels sont les principaux bouleversements qu’a connus la société saoudienne au cours de ces dix dernières années ?
Lorsque nous avons publié ce livre, nous n’aurions jamais imaginé une rupture totale entre l’État saoudien et l’islamisme, ni que le nationalisme remplacerait l’islamisme comme discours officiel du régime. Nous n’avions pas envisagé qu’une seule personne puisse arriver au pouvoir, secouer le régime de cette manière, puis consolider le pouvoir et écarter tous les autres pôles de la famille royale.
Nous n’aurions pas cru possible une transformation sociale du pays, notamment en ce qui concerne le rôle des femmes dans le domaine public, sans que cela ne déclenche une réaction violente ou militante. Pourtant, cela s’est produit sans grande opposition. Ce que nous n’avions pas suffisamment apprécié, c’est le rôle qu’une seule personnalité, avec sa force et sa détermination, pouvait jouer dans la transformation du pays.

Comment expliquez-vous le succès de MBS à concentrer le pouvoir, étant donnée votre connaissance approfondie de la personne et du pays ?
MBS a réussi à concentrer le pouvoir grâce à plusieurs facteurs, à commencer par le soutien total de son père, qui est un monarque absolu. Il a ensuite su manipuler le système de l’intérieur et jouer de son intelligence, mais aussi de sa férocité, pour écarter ses rivaux. Il a également eu beaucoup de chance. En effet, ses rivaux politiques n’étaient pas à la hauteur, et il a bénéficié de circonstances favorables, notamment d’un surplus de fonds dans la trésorerie après le deuxième boom économique saoudien (2003-2014).
Son ascension suit une chronologie complexe. En 2015, dès son arrivée, MBS a été chargé de gérer l’économie et de réorganiser le gouvernement. Il a dirigé l’un des deux comités créés pour superviser la transformation économique du pays. Il a ensuite rapidement lancé la guerre au Yémen, qui a mobilisé le nationalisme saoudien, renforçant sa position et son image publique. Puis en 2016, il a tenté d’accroître sa stature internationale avec le projet 2030 et de nombreuses visites en Occident pour promouvoir cette vision, ce qui a renforcé sa légitimité. En 2017, il a réussi à remplacer Mohammed ben Nayef comme prince héritier. Avec les arrestations au Ritz-Carlton, il a envoyé un message clair à l’élite économique, en arrêtant des figures influentes pour corruption, transformant ainsi les relations entre les princes et le gouvernement. Certes, l’affaire Khashoggi en 2018 a été un revers majeur, mais il a réussi à rebondir.
Enfin, MBS a démontré au cours de la pandémie de Covid-19 son efficacité dans la gestion de la crise sanitaire, renforçant sa légitimité par sa capacité à livrer des résultats concrets. Ces dernières années, il a également transformé la politique régionale, en adoptant une approche plus conciliante avec les pays voisins, notamment en facilitant un accord de détente avec l’Iran grâce à la médiation chinoise. Enfin, il a réussi à positionner l’Arabie saoudite comme lieu de négociation de la paix en Ukraine, ce qui constitue un succès symbolique majeur pour son pays et lui-même.
MBS a réussi à concentrer le pouvoir.
Bernard Haykel
En ce qui concerne ces négociations, pourriez-vous nous expliquer comment l’Arabie saoudite est-elle devenue le lieu de leur organisation ? Le rôle de l’Arabie saoudite est-il celui d’un simple hôte, comme cela pourrait être le cas en Suisse, à Genève ou à Oman pour d’autres négociations ?
Je crois que l’Arabie saoudite joue plutôt le rôle d’hôte. Les Saoudiens entretiennent de bonnes relations à la fois avec les Ukrainiens, les Russes, les Chinois et les Américains. Ils peuvent ainsi jouer un rôle d’intermédiaire neutre dans le cadre de nombreux conflits mondiaux.
Cette position s’inscrit dans la vision qu’a MBS de l’Arabie saoudite comme un pôle de stabilité. Selon lui, pour développer et moderniser le pays, l’Arabie saoudite a besoin de paix dans la région. Il considère le pays comme un lieu central et crucial entre l’Asie, l’Afrique, l’Europe et l’Occident.
Comment cette politique se décline-t-elle à l’échelle régionale ?
L’Arabie saoudite voit la région en termes de cercles concentriques, priorisant la stabilité des pays voisins comme le Yémen, l’Irak, la Jordanie et le Soudan. Dans cette approche, la Syrie et le Liban sont moins prioritaires, à cause de leur éloignement géographique. En revanche, le soutien aux Palestiniens reste une préoccupation majeure, en raison de la sensibilité du peuple saoudien à leur cause.
Riyad adopte une position complexe vis-à-vis de l’Iran et des mouvements islamistes dans la région. Les Saoudiens voient d’un bon œil l’affaiblissement du Hamas et du Hezbollah, qu’ils considèrent comme des mouvements terroristes. De même, la perte d’influence iranienne en Syrie est perçue positivement, car elle réduit la menace d’un corridor stratégique entre l’Iran et la Méditerranée.
Cependant, malgré cet affaiblissement, l’Iran reste aux yeux de MBS une puissance redoutable, notamment dans le Golfe persique, où les missiles et drones iraniens pourraient cibler les infrastructures pétrolières saoudiennes. La proximité géographique entre l’Iran et l’Arabie saoudite, séparés par le golfe Persique, rend toute attaque iranienne particulièrement dangereuse.
Les Saoudiens cherchent donc à éviter un conflit direct avec l’Iran. Ils souhaitent que le régime iranien modifie sa politique, cesse ses efforts révolutionnaires et mette fin à ses relations avec des acteurs non Étatiques. Cependant, les Saoudiens ne veulent pas d’un changement de régime violent en Iran, craignant tout autant une réplique iranienne dans le Golfe qu’une guerre civile en Iran qui perturberait la région.
Vous avez mentionné l’importance du soutien de la population saoudienne à la cause palestinienne. Comment celui-ci évolue-t-il ?
Le soutien à la cause palestinienne est particulièrement fort chez les jeunes Saoudiens, dont une partie importante s’est politisée après la guerre de Gaza. La population saoudienne dans sa majorité défend la création d’un État palestinien viable, sans pour autant avoir une vision concrète de ce que cet État devrait être. Ils ne sont pas prêts à normaliser les relations avec Israël sans l’existence d’un État palestinien, malgré les accords avec les États-Unis qui les pousseraient à le faire.
Ces accords avec les États-Unis incluent : un traité de défense mutuelle ; un accord sur le nucléaire — incluant l’enrichissement de l’uranium, car l’Arabie saoudite considère posséder d’importantes mines d’uranium que le pays souhaite valoriser ; un accord de libre-échange entre les deux pays ; un accord pour faciliter les livraisons d’armes américaines, similaire à celui que le Royaume-Uni a avec les États-Unis ; un accord sur les investissements dans l’intelligence artificielle.
L’Iran reste aux yeux de MBS une puissance redoutable.
Bernard Haykel
Les États-Unis conditionnent ces différents accords à une normalisation des relations avec Israël, tandis que les Saoudiens insistent pour que cette normalisation soit accompagnée de concessions israéliennes envers les Palestiniens.
Actuellement, l’Organisation de la coopération islamique examine un plan de reconstruction de Gaza proposé par l’Égypte et adopté par la Ligue arabe, que l’Arabie saoudite est susceptible de soutenir. Les Saoudiens rejettent en effet le plan de Trump, qui propose de déplacer les Palestiniens de Gaza. Ils prennent Trump au sérieux, mais pas littéralement, considérant que sa proposition est plutôt une incitation à trouver une solution arabe au problème du Hamas. La priorité de Trump et d’Israël est le bannissement du Hamas de Gaza et des territoires palestiniens. De ce point de vue là, la brutalité du plan immobilier de Trump « Gaza Inc. » est une manière d’obliger les pays arabes à proposer un plan alternatif.
Comment l’Arabie saoudite voit-elle la position des pays européens dans l’ensemble des équilibres mondiaux ?
L’Arabie saoudite voit le XXIème siècle comme une période dominée économiquement par la Chine, l’Inde et les États-Unis. L’Europe est perçue comme un acteur faible et peu dynamique sur le plan économique, davantage associé au tourisme et à la culture. Les Saoudiens ne voient pas de grandes entreprises d’intelligence artificielle ou de technologies de pointe en Europe, ni de capacités militaires impressionnantes. Ils considèrent que les Européens ne sont pas à la hauteur et doivent mobiliser leurs capacités économiques et militaires pour gagner en respect sur la scène internationale.
MBS estime que l’humiliation que les Européens subissent actuellement sous l’administration Trump est le reflet de cette perception négative. Pour être respectés, les Européens doivent changer de cap et renforcer leurs positions économiques et militaires.
Pourquoi l’Inde joue-t-elle un rôle si important dans la vision du monde de l’Arabie saoudite ?
L’Arabie saoudite perçoit l’Inde comme un partenaire économique important, malgré le nationalisme ethnique et anti-musulman de ce pays. Les Saoudiens respectent la souveraineté des autres nations et évitent de s’immiscer dans leurs affaires internes, même lorsque cela concerne des questions sensibles comme la persécution des musulmans. Les intérêts économiques convergents entre les deux pays priment sur toute autre considération.
La relation économique entre l’Arabie saoudite et l’Inde est structurée autour de partenariats stratégiques. L’Inde, avec sa population importante et ses besoins énergétiques, et l’Arabie saoudite, riche en ressources énergétiques, trouvent des intérêts communs qui renforcent leur coopération.
Le soutien à la cause palestinienne est particulièrement fort chez les jeunes Saoudiens, dont une partie importante s’est politisée après la guerre de Gaza.
Bernard Haykel
L’Arabie saoudite et l’Inde collaborent sur divers projets, notamment dans les domaines de l’énergie, de la technologie, des télécommunications et de la pétrochimie. Des investissements saoudiens significatifs sont réalisés en Inde, et des accords entre les deux pays renforcent ces partenariats. Des relations étroites existent également entre les grandes maisons de finance et d’industrie des deux pays, comme les familles Adani et Ambani.
La question de l’IA semble essentielle dans le discours des dirigeants saoudiens.
La question de l’intelligence artificielle (IA) est centrale pour l’Arabie saoudite, notamment dans le cadre de la concentration du pouvoir et de l’accélération des réformes. L’IA est perçue comme un moyen de contourner la bureaucratie et est considérée comme la technologie de l’avenir.
Les Saoudiens sont prêts à investir massivement dans l’IA, en offrant des terrains et des ressources énergétiques illimitées, solaires, éoliennes, ou issues du gaz et du pétrole. L’Arabie saoudite bénéficie également d’une réglementation minimale, ce qui la rend attractive pour le développement technologique. Aux États-Unis, la réglementation est plus contraignante, les terrains davantage occupés et l’énergie moins abondante. En Chine, la réglementation est minimale, mais peu d’énergie. En Europe, il n’y a ni énergie ni terrain, et énormément de réglementation…

À quel point les réserves d’uranium en Arabie saoudite sont-elles importantes et vérifiées ?
La présence d’uranium en Arabie saoudite est spéculative.
Bien qu’il y ait des réserves, leur importance exacte reste incertaine. Toujours est-il que l’idée d’exporter de l’énergie, qu’elle soit fossile, nucléaire ou solaire, est fondamentale dans l’imaginaire saoudien. Le développement de l’énergie nucléaire s’inscrit dans cette logique, renforçant l’idée d’une diversification énergétique pour le pays.
Les Saoudiens ne voient pas dans la politique de Trump le risque d’un choc des civilisations, mais l’opportunité d’un alignement des visions conservatrice et traditionnelle des sociétés.
Bernard Haykel
Quels sont les formats internationaux privilégiés par l’Arabie saoudite aujourd’hui ?
L’Arabie saoudite s’intéresse au G20 et envisage de s’allier avec les BRICS+ pour faire pression sur l’Occident, notamment sur les États-Unis. Cependant, cette stratégie est surtout un moyen de chantage, car l’Arabie saoudite est financièrement liée au dollar américain et à l’Occident. L’élite saoudienne, formée en Occident, y conduit la majorité de ses investissements.
Les relations avec la Chine et l’Inde se concentrent principalement sur le domaine de l’énergie, plutôt que sur ceux de la finance ou de la technologie. L’Arabie saoudite aspire à figurer parmi les dix premières économies mondiales et collabore souvent avec des pays occidentaux, ainsi qu’avec Singapour et la Corée du Sud.
La vision politique saoudienne s’aligne davantage sur le modèle chinois, qui valorise la performance par rapport à la représentation. L’État saoudien joue un rôle central dans le développement économique et la surveillance, à l’instar de la Chine.
Les Saoudiens ont trouvé la politique étrangère américaine volatile, oscillant entre valeurs et intérêts. Les relations avec l’administration Trump sont moins institutionnelles et plus transactionnelles, ce qui les rend méfiants. Trump a une vision de l’Arabie saoudite d’une époque aujourd’hui révolue, celle qu’il a connue dans sa jeunesse, avec les deux chocs pétroliers et des capacités de financement illimités.
Les relations avec l’administration précédente étaient plus stables, surtout vers la fin du mandat, en raison de l’importance de l’Arabie saoudite pour la stabilité du marché pétrolier, notamment après la guerre en Ukraine. Les Saoudiens étaient satisfaits des relations avec Biden et prêts à signer des accords avant que la situation ne change avec l’arrivée de Trump.
Les relations avec l’administration Trump sont moins institutionnelles et plus transactionnelles, ce qui rend les Saoudiens méfiants.
Bernard Haykel
Comment les Saoudiens perçoivent-ils la dimension occidentaliste et identitaire du projet trumpiste ?
Les Saoudiens acceptent tout à fait le nationalisme porté par quelqu’un comme Steve Bannon car il reflète leur propre vision de la souveraineté et du nationalisme populiste. Ils ne le considèrent pas comme un suprémaciste occidentaliste.
Cette vision est renforcée par des personnalités comme Tucker Carlson, qui, lors de ses visites en Arabie saoudite, met l’accent sur les valeurs familiales traditionnelles et « anti-woke », encourageant les Saoudiens à préserver leur culture traditionnelle face aux influences occidentales. Tucker Carlson voit dans l’islam une tradition religieuse compatible avec un christianisme traditionnel, dans le cadre d’une internationale conservatrice, dont Vladimir Poutine est également un pilier.
Les Saoudiens ne voient pas dans la politique de Trump le risque d’un choc des civilisations — mais plutôt l’opportunité d’un alignement des visions conservatrice et traditionnelle des sociétés.