Points clefs
  • Après trois ans de guerre à haute intensité, la moitié des pays du monde (101) reconnaissent la Russie comme étant responsable de la guerre
  • 74 États ne reconnaissent pas directement le rôle joué par Moscou et/ou considèrent que les deux pays sont responsables.
  • 16 accusent directement l’Ukraine d’être la principale responsable de l’invasion russe, aux côtés de l’OTAN et des pays occidentaux
  • Le revirement de Donald Trump produit un changement massif.
  • Les pays considérant que la Russie est responsable de la guerre représentent 35,6 % du PIB mondial, 29,7 % ceux considérant que l’Ukraine est responsable, et 34,6 % pour les pays dont la position est volontairement floue.
  • En termes de population mondiale, cette dernière catégorie est la plus importante : 71,3 % refuse de se prononcer quant au responsable de la guerre, 17,3 % accuse la Russie et 10,3 % accuse l’Ukraine.

1 — Disruption Trump : la fin de l’unité transatlantique et le revirement d’une alliance

À la suite des propos de Donald Trump, qui a affirmé la semaine dernière que Kiev n’aurait « jamais dû commencer la guerre », les États-Unis font désormais partie du groupe d’une quinzaine de pays attribuant la responsabilité de la guerre à l’Ukraine elle-même et à son président.

Le retour au pouvoir de Donald Trump a fait voler en éclats l’unité transatlantique qui prévalait jusqu’alors, reconnaissant la responsabilité de Vladimir Poutine dans le lancement de la guerre en Ukraine et des centaines de milliers de morts et de blessés que celle-ci a provoqué.

  • Mardi 18 février, le président américain a déclaré que Volodymyr Zelensky n’aurait « jamais dû commencer la guerre », devenant le premier dirigeant d’une grande puissance occidentale à affirmer que l’Ukraine était responsable de l’invasion de son territoire par l’armée russe 1.
  • Quelques jours plus tard, l’envoyé de Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, déclarait que la guerre en Ukraine, « quelle que soit la personne qui l’a déclenchée, doit prendre fin » — laissant entendre que la Russie n’était pas responsable de l’invasion 2.
  • Cette position est également tenue par le secrétaire à la Défense de Trump, Pete Hegseth, qui a déclaré sur Fox News dimanche 23 février après une question portant sur la responsabilité de la Russie dans le lancement de la guerre : « c’est une situation très compliquée » 3.

La position des États-Unis de Donald Trump n’est pas isolée à l’échelle globale. Selon notre recension, 16 pays (dont la Russie, la Corée du Nord, l’Iran ou bien le Venezuela) considèrent que l’Ukraine est responsable de l’invasion de son territoire par l’armée russe, tandis que 74 pays refusent de se prononcer sur la question. Une majorité de pays (101) considère cependant que la Russie est le responsable de la guerre qui dure depuis 2022.

  • L’Europe, au-delà des seules frontières de l’Union européenne, demeure le principal bloc reconnaissant la responsabilité russe dans l’invasion de l’Ukraine.
  • En déclarant à la Conservative Political Action Conference du 21 février, à Washington, que Zelensky avait « besoin de la guerre », laissant entendre que le président ukrainien l’avait volontairement déclenchée afin de « rester au pouvoir », le Premier ministre slovaque Robert Fico est devenu le premier dirigeant européen à faire écho aux déclarations de Trump.

2 — Comment changent les positionnements ?

En comparant les votes des pays sur les résolutions des Nations unies du 2 mars 2022 (condamnant l’invasion russe de l’Ukraine) et du 24 février 2025 (demandant la fin du conflit en Ukraine), le nombre de pays soutenant ouvertement la Russie a plus que triplé en trois ans, passant de 5 à 18.

  • Les pays ayant changé leur vote sont majoritairement des États africains, dont certains dirigés par des juntes militaires (Mali, Burkina Faso et Niger).
  • Israël a également modifié son vote pour s’opposer à la résolution, tandis que le pays avait voté en faveur de la condamnation de l’invasion russe en 2022.
  • La Syrie est le seul pays ayant voté contre il y a trois ans qui a modifié son vote aujourd’hui pour s’abstenir.

Le basculement le plus important entre les deux votes vient des États-Unis, qui avaient voté pour la condamnation de l’invasion en 2022 sous Joe Biden et ont voté contre aujourd’hui, un mois après le retour de Trump. La Hongrie est quant à elle devenue le seul État membre de l’Union à s’opposer à la résolution du 24 février, alors que le pays avait voté pour en 2022.

3 — Effets économiques du basculement américain

  • Selon nos calculs, les pays attribuant la responsabilité de la guerre à l’Ukraine représentent 10,3 % de la population et 29,7 % du PIB mondial, en grande partie en raison du poids économique des États-Unis.
  • Lorsqu’on regarde en termes de richesse, le monde est ainsi scindé en trois parts quasi-égales : un tiers considère que la Russie a initié la guerre, un tiers est partagé et/ou ne souhaite pas se prononcer et un tiers pense que la responsabilité incombe à l’Ukraine.

4 — Le rapport de force démographique

Lorsque l’on regarde en termes de population mondiale représentée par les positions de leurs gouvernements, la grande majorité (71 %, soit près de 6 milliards de personnes) n’a pas adopté de position ferme quant à l’attribution de la responsabilité de la guerre. La quinzaine de pays (dont font partie les États-Unis, la Corée du Nord ou l’Iran) considérant que Kiev est responsable représente un peu plus d’un dixième de la population mondiale.

5 — L’alignement Chine-Russie

  • L’analyse par alliance fait quant à elle émerger une certaine cohérence dans la position des États : au sein de l’OPEP, un cartel pétrolier au sein duquel la Russie est un membre semi-intégré, aucun pays ne considère ouvertement que Moscou est responsable de la guerre. La plupart des pays ont toutefois refusé à ce jour de faire valoir une position ferme et définitive.

6 — Les BRICS

  • La situation est similaire au sein de l’alliance des BRICS, où seulement deux États (l’Iran et la Russie) accusent Kiev de porter la responsabilité de la guerre. Les autres membres historiques (Brésil, Chine, Afrique du Sud et Inde) portent quant à eux un discours « conciliant » à l’égard de Moscou, refusant de reconnaître la Russie comme étant le responsable de l’invasion de l’Ukraine.

7 — Le grand écart de l’OTAN 

  • Enfin, si les pays membre de l’Alliance atlantique (OTAN) font savoir en très grande majorité (28 pays sur 32) que la Russie est le seul responsable de la guerre, deux pays (la Hongrie et la Turquie) refusent de reconnaître la seule responsabilité de Moscou, tandis que les États-Unis et la Slovaquie sont les deux seuls pays membres affirmant que l’Ukraine est responsable de l’invasion russe.

Le renversement de la position américaine vis-à-vis de la Russie depuis le retour de Trump pourrait conduire d’autres pays à affirmer plus ouvertement leur soutien au Kremlin et affirmer ainsi à leur tour que l’Ukraine est responsable du viol de sa souveraineté territoriale. 

8 — L’Union à la recherche d’une position commune

Au sein de l’Union européenne, les divisions sont particulièrement visibles sur la position des États membres relative au déploiement de troupes en Ukraine après un accord de cessez-le-feu. 

  • Au 23 février, 13 pays européens (dont le Royaume-Uni) ont signalé être ouverts à la possibilité d’un envoi de leurs troupes en Ukraine. L’Allemagne, la Grèce et l’Espagne, qui disposent d’une armée de plus de 100 000 hommes, y sont néanmoins opposés.
  • La Pologne et l’Allemagne, qui n’ont pas encore publiquement manifesté leur soutien à l’envoi de leurs troupes sur le sol ukrainien pour garantir un accord de paix, pourraient changer de position si les États-Unis fournissaient des garanties de sécurité, une sorte de « backstop ».
  • L’Italie entretient quant à elle une position plus floue, marquée par une ambivalence entre les prises de position de la présidente du Conseil Giorgia Meloni, officiellement opposée à l’envoi de soldats italiens, et de deux de ses ministres, Crosetto (Défense) et Tajani (Affaires étrangères), qui ont publiquement signalé que Rome prendrait part à une mission internationale en Ukraine.
Sources
  1. Peter Baker, « Trump’s Pivot Toward Putin’s Russia Upends Generations of U.S. Policy », The News York Times, 18 février 2025.
  2. « Top Trump negotiator suggests Russia’s invasion of Ukraine was ‘provoked’ », CNN, 23 février 2025.
  3. Howard Kurtz, « Deciphering Donald Trump : How his rhetoric sends different messages », Fox News, 25 février 2025.