L’Union chrétienne-démocrate

La CDU de Friedrich Merz fait largement la course en tête depuis le début de la campagne. Alors que la chancellerie lui semblait assurée, Merz a fait le choix de rompre avec les usages politiques allemands. Le mercredi 29 janvier, il a accepté les voix de l’AfD pour faire voter au Bundestag une motion appelant à un durcissement de la politique migratoire. Le vendredi suivant, une proposition de loi allant dans le même sens a échoué à quelques voix près. Merz s’était engagé en novembre dernier à éviter un tel scénario.

  • S’il répète toujours qu’il rejette catégoriquement toute coalition de gouvernement avec l’AfD, Merz a jeté le flou sur ses intentions. 
  • Sa démarche a polarisé la compétition avec le centre-gauche, dont une partie de l’électorat est descendue dans la rue pour protester contre la rupture du cordon sanitaire. 
  • Merz pourrait tenter, par cette manœuvre, de renforcer encore la position dominante de son parti. En se montrant dur sur les questions d’immigration et en rendant pensable l’idée d’une alternative à l’extrême droite, il estime sans doute aller dans le sens de l’opinion et augmenter ses marges de négociation vis-à-vis des sociaux-démocrates. Mais si le SPD rejette catégoriquement un chancelier Merz, cette stratégie pourrait bien se retourner contre lui, causant a minima une longue période d’instabilité gouvernementale, voire poussant la CDU dans les bras de l’AfD.

L’Union chrétienne-sociale en Bavière

La CSU bavaroise et son leader Markus Söder se sont surtout distingués dans cette campagne par leurs attaques répétées contre les Verts, avec lesquels Söder a exclu toute coalition. 

  • Si cette attitude devait s’imposer, le SPD serait probablement le seul partenaire envisageable à l’issue du vote, ramenant l’Allemagne à la « Grande coalition » qu’elle avait connue jusqu’en 2021.

L’Alternative pour l’Allemagne

L’AfD peut espérer un score historique au-delà des 20 %. S’il semble exclu à ce stade qu’il entre au gouvernement, le parti a bénéficié dans la campagne des interventions très médiatisées d’Elon Musk qui ont propulsé la cheffe du parti, Alice Weidel, sur la scène internationale. 

  • Le contraste est frappant avec l’ambiance qui prévalait dans l’opinion après la révélation, début 2024, d’une réunion confidentielle de l’extrême droite allemande portant sur des plans de « remigration » massive de populations d’origine étrangère.
  • L’AfD, jugée trop extrémiste, s’était alors exclue de fait de la galaxie des extrêmes-droites européennes. 
  • Un an plus tard et la vague trumpiste aidant, l’AfD apparaît en voie de normalisation partielle dans l’espace public — une dynamique portée par la communication modernisée de Weidel et la publicité globale que lui a donné Elon Musk, mais aussi par les éditorialistes de certains médias conservateurs. 
  • L’idée d’une coalition CDU-AfD progresse dans les sondages d’opinion, bénéficiant de l’impopularité de la coalition sortante. Alice Weidel, quasiment certaine de diriger bientôt le premier parti d’opposition au Bundestag, prépare désormais ouvertement le scrutin de 2029. Elle se projette déjà vers la chancellerie.

Le Parti social-démocrate

Le SPD du chancelier sortant Olaf Scholz rêve toujours d’une victoire — du moins si l’on en croit Olaf Scholz, qui semble seul à imaginer une telle issue.

  • Les sociaux-démocrates sont donnés troisièmes, à 15 % environ, soit la moitié du score de la CDU/CSU. 
  • Une potentielle coalition noire-rouge avec les conservateurs apparaît probable, mais le SPD y entrerait affaibli. 
  • Si le parti compte pourtant dans ses rangs quelques figures très populaires, dont le ministre de la défense Boris Pistorius, sa base électorale est en recul et repose de manière croissante sur les générations les plus âgées. 
  • Scholz a démontré une performance honorable dans les débats l’opposant à Merz, mais sans jamais retourner la dynamique en sa faveur. Le parti devrait désormais tenter de diminuer ses pertes, avant de s’engager dans une nouvelle législature à haut risque.

Alliance 90/Les Verts

Les Verts et leur tête de liste, le vice-chancelier Robert Habeck, n’ont pas réussi à s’introduire dans le duel entre CDU et SPD pour le contrôle du centre. 

  • Dépasser les sociaux-démocrates constituerait une victoire importante pour le parti, qui peine à s’imposer au-delà de sa solide base urbaine et diplômée. Auprès de cette base, le parti peut faire valoir son rôle actif dans la coalition sortante. 
  • En dehors de cette base, et du fait notamment de la polarisation qui entoure leur politique environnementale et économique, les Verts sont en difficulté. Ils constitueraient pour la CDU un partenaire d’emblée plus difficile et plus exigeant et se préparent donc à une probable législature dans l’opposition. Cette situation leur permet de mener une campagne plus directe sur leurs propres thèmes, tout en demeurant dans les faits assez au centre sur un grand nombre de questions.

Le Parti libéral-démocrate

Le FDP de Christian Lindner se bat pour atteindre les 5 % des voix nécessaires à l’entrée au Bundestag — il avait obtenu 11 % des voix en 2021.

  • Le maintien de la direction actuelle, largement tenue responsable de la chute de la coalition sortante, en dépend. Le parti a tenté de se présenter comme le remède à une nouvelle coalition avec le centre-gauche, faisant miroiter l’hypothèse d’une majorité entre libéraux et conservateurs — qui n’apparaît toutefois pas crédible à ce stade. 

La Gauche

La Linke a connu une remontée inattendue dans les sondages ces dernières semaines, profitant vraisemblablement d’une bonne dynamique parmi les jeunes des centres urbains. 

  • Le parti est l’un des seuls à avoir pris de manière franche le contrepied des discours hostiles à la migration dans l’espace public. 
  • Il a mené une campagne très à gauche, centrée sur les inégalités et la lutte contre les rentes et les discriminations. Après le départ de Sahra Wagenknecht, Die Linke semble connaître un renouvellement générationnel important dans son électorat.

L’Alliance Sahra Wagenknecht – Pour la raison et la justice

Le BSW est principalement populaire à l’Est du pays, où son électorat empreinte à celui de l’ancienne Linke, du SPD, de la CDU et de l’AfD. 

  • Après une phase d’enthousiasme initial et plusieurs succès régionaux, le parti nationaliste de gauche semble aujourd’hui plus en difficulté. 
  • Faute d’atteindre les 5 % des voix, il pourrait connaître un affaiblissement critique à ce stade de son développement. 
  • Sa campagne vise donc principalement à atteindre ce seuil, en se concentrant sur ses fondamentaux : attaques contre la coalition sortante, défense de la « paix » par un rapprochement avec la Russie, mise en valeur de la personnalité de sa fondatrice. Alors que l’AfD s’établit à des niveaux très élevés, la clientèle potentielle du parti apparaît cependant réduite.