La relation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky s’est davantage tendue ces dernières heures, après que le président ukrainien a déclaré mardi 18 février que Trump vivait dans un « espace de désinformation ». En retour, le président américain a accusé aujourd’hui, mercredi 19 février, sur Truth Social son homologue d’être un « comédien au succès modeste » coupable d’avoir détourné la moitié de l’assistance américaine et refusant d’organiser des élections. Il a également repris ses fausses déclarations sur le montant de l’aide européenne. 

Message publié par Trump sur Truth Social, le 19 février 2025 

Pensez-y, un comédien au succès modeste, Volodymyr Zelensky, a convaincu les États-Unis de dépenser 350 milliards de dollars pour entrer dans une guerre qui ne pouvait être gagnée, qui n’avait jamais dû commencer, mais une guerre qu’il ne pourra jamais terminer sans les États-Unis et « TRUMP ». Les États-Unis ont dépensé 200 milliards de dollars de plus que l’Europe, et l’argent de l’Europe est garanti, tandis que les États-Unis ne récupéreront rien. Pourquoi Joe Biden n’a-t-il pas exigé une péréquation, dans la mesure où cette guerre est bien plus importante pour l’Europe que pour nous — nous avons un grand et magnifique océan pour nous séparer. En plus de cela, Zelensky admet que la moitié de l’argent que nous lui avons envoyé a « DISPARU ». Il refuse d’organiser des élections, est très bas dans les sondages ukrainiens, et la seule chose pour laquelle il était doué était de manipuler habilement Biden. Un dictateur sans élections, Zelensky ferait mieux d’agir vite ou il n’aura plus de pays. En attendant, nous négocions avec succès la fin de la guerre avec la Russie, ce que tout le monde admet que seul « TRUMP » et l’administration Trump peuvent faire. Biden n’a jamais essayé, l’Europe n’a pas réussi à ramener la paix et Zelensky veut probablement continuer à profiter de la situation. J’aime l’Ukraine, mais Zelensky a fait un travail épouvantable, son pays est en ruines et des MILLIONS de personnes sont mortes inutilement — et cela continue…

Cet épisode est le dernier en date — et certainement le plus violent — de la relation houleuse qu’entretiennent les deux chefs d’État.

  • C’est lors d’un appel téléphonique en juillet 2019 que Trump avait demandé à Volodymyr Zelensky d’ouvrir une enquête sur Joe Biden et son fils, Hunter, alors que celui-ci était en campagne pour sa réélection face au candidat démocrate. Trump avait été visé par une première tentative de destitution à la suite de cet appel pour abus de pouvoir et obstruction au Congrès.
  • Depuis l’invasion russe de 2022, le président ukrainien a pris soin de ne pas trop s’immiscer publiquement dans la vie politique américaine. En amont de sa visite aux États-Unis en septembre 2024, Zelensky semblait avoir mis fin à cette retenue en attaquant directement Trump et son colistier J.D. Vance lors d’un entretien donné à la revue The New Yorker.
  • Le président ukrainien avait notamment déclaré : « j’ai le sentiment que Trump ne sait pas vraiment comment arrêter la guerre, même s’il pense le savoir », et avait qualifié Vance de « trop radical ».

Trump avait répondu lors d’un meeting de campagne en qualifiant le président ukrainien de « meilleur vendeur sur Terre : chaque fois qu’il vient dans le pays, il repart avec 60 milliards de dollars. Il veut tellement qu’ils [les Démocrates] gagnent cette élection. Mais je ferai les choses différemment. Je vais travailler à la paix ».

Lors d’une conférence de presse donnée mardi 18 février, Trump a fait plusieurs remarques qui reprennent explicitement la propagande du Kremlin :

  • La Russie, qui a « perdu de nombreux soldats » en Ukraine, se serait « battue pour ces terres » et devrait en conséquence pouvoir les « garder ».
  • Zelensky aurait lui-même commencé la guerre et refuserait de tenir des élections.
  • Il aurait une cote de popularité à 4 % — en réalité, 57 % selon la dernière enquête d’opinion de l’Institut international de sociologie de Kiev (KIIS). Aux États-Unis, celle de Trump est de 46,6 % selon l’agrégateur de FiveThirtyEight.

Cette ligne pourrait pointer dans une direction : l’insistance par la partie russe dans ses négociations avec les États-Unis d’exiger le départ de Zelensky, en prélude à une possible tentative d’instrumentaliser les institutions ukrainiennes.

  • L’élection présidentielle ukrainienne aurait dû avoir lieu le 31 mars 2024. Elle a été reportée en raison de la loi martiale instaurée en réponse à l’invasion du pays par la Russie en février 2022. 
  • Poutine a décrit à plusieurs reprises Zelensky comme « illégitime » et a dit en mai 2023 qu’il ne reconnaissait que la légitimité du parlement ukrainien, avant de déclarer en janvier qu’il ne négocierait pas directement avec Zelensky car son mandat avait expiré l’an dernier 1.
  • Le Kremlin est en partie revenu sur ses déclarations et a indiqué le 18 février que le président russe Vladimir Poutine était prêt à discuter avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, mais que les « aspects juridiques liés à sa légitimité » doivent être pris en compte 2.

Jusqu’à présent, la position des alliés de Kiev a été de dire que des élections devaient avoir lieu lorsque les conditions permettraient une organisation normale.

  • Début février, Keith Kellogg, l’envoyé spécial du président américain pour l’Ukraine et la Russie, avait déclaré que les États-Unis souhaitaient « que l’Ukraine organise des élections, potentiellement d’ici la fin de l’année, surtout si Kiev parvient à conclure une trêve avec la Russie dans les mois à venir » 3.
  • En Russie, Vladimir Poutine a été réélu en 2024 dans une élection fabriquée avec 87 % des voix — une étude de la corrélation entre le taux de participation et le score obtenu par le président dans chaque bureau de vote suggère qu’il se serait artificiellement attribué plus de 20 millions de voix.
  • Trump a déclaré le 18 février qu’il rencontrerait probablement Poutine avant la fin du  mois. 

Donald Trump et Elon Musk se sont alignés à plusieurs reprises sur le discours officiel du Kremlin depuis leur arrivée au pouvoir. 

  • En dénonçant l’USAID comme étant une « organisation criminelle » dirigée par des « illuminés radicaux », Trump et Musk se sont attirés les grâces du Kremlin et ont donné du grain à moudre à la propagande russe. 
  • À Moscou comme à Washington, les élites dirigeantes des deux pays utilisent désormais le même langage pour dénoncer le supposé financement via l’USAID de « laboratoires biologiques américains dans le monde ».
Sources
  1. « Putin Says Ukraine Peace Talks Possible, But Not With Zelensky », The The Moscow Times, 29 janvier 2025.
  2. Kateryna Hodunova, « Putin ready for talks with Zelensky, Kremlin says, repeats false ‘legitimacy’ claims », The Kyiv Independent, 18 février 2025.
  3. Erin Banco et Jonathan Landay, « Exclusive : U.S. wants Ukraine to hold elections following a ceasefire, says Trump envoy », Reuters, 1er février 2025.