Depuis 2015, le fils aîné de Donald Trump, Don Jr., est l’une des voix les plus agressives de la constellation MAGA qui a porté au pouvoir Trump pour la première fois en 2017. À la fin de la campagne présidentielle de 2016, lorsque le néo-candidat d’alors s’efforçait d’atténuer ses propos racistes, misogynes et conspirationnistes, Don Jr. prenait le relais de son père en relayant sur Twitter des images et fausses informations avec deux objectifs : invectiver les démocrates et attiser la base MAGA.

  • En septembre 2016, il partageait une image comparant des réfugiés syriens à un bol rempli de Skittles avec ce slogan : « Si j’avais un bol de Skittles et que je vous disais que trois vous tueraient. En prendriez-vous une poignée ? C’est notre problème avec les réfugiés syriens ».
Publication de Donald Trump Jr. sur Twitter, le 19 septembre 2016.
  • Quelques jours plus tard, il partageait un article du média conservateur Breitbart, dirigé jusqu’en 2016 par l’ancien directeur exécutif de la première campagne de Trump, Steve Bannon, relayant de fausses statistiques sur les viols dans les grandes villes européennes qui seraient quasi-exclusivement commis par des « migrants non-occidentaux » 1.
  • Bien avant son père, en 2019, il s’attaque à Kamala Harris en partageant une publication accusant la future vice-présidente de ne pas être « réellement » afro-américaine — avant de la supprimer 2. On retrouve aujourd’hui le partage de ce genre de contenus par un autre allié de Donald Trump, le désormais propriétaire du site X (Twitter), Elon Musk.

Né du mariage de Trump avec Ivana, sa première femme, Don Jr. est, comme son père, né à New York City. Il a étudié lui aussi à la Wharton School de la prestigieuse Université de Pennsylvanie. Après ses études, il passe la majeure partie de sa carrière à travailler dans l’empire construit par son père au sein de la Trump Organization. On le voit également apparaître à l’écran dans l’émission télé The Apprentice aux côtés de son frère Eric et de sa sœur Ivanka, tous les trois ayant siégé comme juges dans la boardroom de la Trump Tower.

À l’inverse de ses frères et sœurs — et par ailleurs de son père —, Don Jr. s’intéresse très tôt à la politique. Lorsque Trump se présente pour la première fois à la Maison-Blanche, il s’engage dans la campagne et tient des meetings aux quatre coins du pays. N’ayant jamais occupé de poste dans l’organigramme, Don Jr. s’en tient à un rôle de « proche conseiller politique ».

  • C’est avec ce titre qu’il prend activement part aux campagnes de 2016 puis de 2020, soufflant à son père ses préférences de nomination à certains postes au sein de son administration, comme le secrétaire à l’Intérieur Ryan Zinke.
  • Lors de la première campagne présidentielle de Trump, il entretient des contacts avec des intermédiaires russes ayant affirmé détenir des informations susceptibles de nuire à la campagne d’Hillary Clinton.
  • Le 6 janvier 2021, Don Jr. fait partie des speakers ayant pris la parole devant la foule de manifestants trumpistes à l’Ellipse lors de l’événement ayant débouché sur l’invasion du Capitole.

Ce n’est qu’après les élections de mi-mandat de 2022 et la semi-défaite républicaine que l’aîné de Donald Trump devient l’une des principales figures du mouvement MAGA.

Lorsque Trump annonce sa troisième candidature une semaine après le scrutin de novembre 2022, de nombreux républicains ainsi qu’une part importante de l’électorat du GOP est sceptique vis-à-vis de ses chances. Il est perçu alors comme l’homme du 6 janvier et le président ayant perdu face à Joe Biden. Les candidats qu’il a soutenus pour siéger au Congrès et des postes de gouverneur ont massivement perdu contre leurs opposants démocrates, un bon nombre étant vus comme trop radicaux.

Quelques mois après le lancement de sa campagne, alors que l’élection est toujours lointaine, l’un des premiers signes d’un changement vient de son fils, Don Jr.

  • En janvier 2023, celui-ci vient de signer un contrat avec la plateforme conservatrice Rumble pour la production et la diffusion d’un podcast sur une durée de plusieurs années. Le format audio est l’un des secteurs médiatiques les plus en vogue aux États-Unis, particulièrement pour des émissions politiques : le podcast pro-démocrate Pod Save America, lancé en 2017, est un succès majeur chez le public progressiste, et les conservateurs sont des millions à écouter The Joe Rogan Experience, diffusé depuis 2020 sur Spotify.
  • Avec Triggered, nommé après le titre de son premier livre sorti en 2019, Don Jr. se fait progressivement un nom parmi la communauté conservatrice, apprécié pour son style agressif et légitimité par son nom de famille. En avril, c’est sur Triggered que le sénateur du Montana et chairman du National Republican Senatorial Committee, chargé des collectes de fonds pour les campagnes du GOP, Steve Daines, annonce soutenir Donald Trump pour l’élection de novembre 2024. 

Si Don Jr. pouvait être régulièrement vu à des meetings et aux côtés de son père pendant la campagne, il préfère opérer dans les antichambres. Contrairement à Eric Trump, co-chair honoraire de l’équipe de transition de Trump, sa femme Lara, nommée en mars 2024 à la co-présidence du Comité national républicain, ou bien la fille de Donald Trump Ivanka, directrice de l’Office of Economic Initiatives and Entrepreneurship à la Maison-Blanche durant la première administration Trump, Don Jr. agit en coulisses — en entraîneur plutôt que sur le terrain. En octobre 2024, avant la victoire de son père, il déclare dans le Wall Street Journal vouloir construire un « banc MAGA » — à comprendre : faire évoluer le trumpisme en un réel mouvement capable de survivre après Trump 3.

Au-delà du soutien de Daines, Don Jr. a utilisé son podcast et ses millions d’auditeurs pour pousser à ce qui apparaît aujourd’hui comme sa principale réussite : faire de J. D. Vance, jusqu’alors une figure montant mais relativement inconnue du GOP auprès des électeurs, un républicain d’envergure nationale — qui pourrait potentiellement prendre le relais de Trump en 2029.

  • Sur Triggered et ses réseaux sociaux, Vance était constamment mis en avant et révéré par Don Jr. au cours de la campagne, attirant l’attention de Trump et des cadres du parti de la génération de son père. Vance n’a que 7 ans d’écart avec Don Jr., contre 38 avec Donald Trump.
  • Aux côtés de Tucker Carlson et de Howard Lutnick, l’un des principaux donateurs de Trump désigné pour occuper le poste de secrétaire au Commerce, Don Jr. a mené une opération de lobbying visant à placer Vance sur le ticket présidentiel aux côtés de son père.
  • Toujours dans cette volonté de vouloir construire un « banc MAGA », Don Jr. est également à l’origine de l’ascension de Robert F. Kennedy Jr., Tulsi Gabbard et Matt Gaetz au sein du premier cercle de Donald Trump. Au-delà de postes de cabinet, l’aîné du président-élu a joué un rôle de faiseur de rois pour les élections au Congrès, notamment en soutenant Jim Banks, Tim Sheehy ou Bernie Moreno 4.

Âgé de 47 ans, il est beaucoup plus préoccupé par l’héritage que laissera son père que ne semble l’être Donald Trump lui-même. Dans un entretien accordé au New York Times en juillet, il déclare : « Mon rôle le plus important est de m’assurer que nous avons un programme “America First”, un programme “MAGA” pour l’avenir […]. Pour qu’après le second mandat de mon père, le Parti républicain ne revienne pas au bellicisme néoconservateur que nous avons connu, qu’il ne recommence pas à oublier les Américains de la classe ouvrière » 5.

  • L’exposition médiatique mondiale dont Don Jr. a bénéficié lors de sa « visite » au Groenland, au moment où son père disait ne pas exclure d’utiliser la force pour annexer le territoire danois, est relativement inhabituelle pour le fils aîné du 47e président.
  • À Nuuk, il était notamment accompagné de Charlie Kirk, le fondateur de l’organisation conservatrice Turning Point USA et l’ancien assistant personnel de Don Jr., qui l’avait suivi lors de la campagne de 2016.
  • Kirk fait partie de cette nouvelle génération trumpiste qui a contribué à mobiliser l’électorat blanc, masculin et peu ou pas éduqué ayant porté de nouveau Trump à la présidence, notamment lors de sa tournée des campus intitulée : « You’re Being Brainwashed Tour ».

Comme son père, Don Jr. connaît l’importance de l’exposition médiatique et aime « troller » ses adversaires politiques et les médias traditionnels. Il sait également que les images tiennent une place plus importante que la réalité sur les réseaux sociaux — selon les médias danois, certains protagonistes portant des casquettes MAGA à Nuuk lors de la visite de Don Jr. seraient en réalité des sans-abris et personnes vulnérables à qui un repas aurait été promis en échange de leur apparition aux côtés du fils de Trump 6.

Sources
  1. Publication sur X (Twitter) de Donald Trump Jr., 20 septembre 2016.
  2. Eliza Relman, « Donald Trump Jr. shared a racist tweet about Kamala Harris and then deleted it after it went viral, fanning the flames of a new ‘birther’ conspiracy », Business Insider, 29 juin 2019.
  3. Molly Ball, « How Donald Trump Jr. Became the Crown Prince of MAGA World », The Wall Street Journal, 6 octobre 2024.
  4. Jason Zengerle, « Don Jr. Is Making Plans », The New York Times Magazine, 25 octobre 2024.
  5. Shane Goldmacher, « Donald Trump Jr. Is Building a ‘MAGA Bench.’ J.D. Vance Is Just the Start. », The New York Times, 17 juillet 2024.
  6. Jakob Slyngborg Trolle, « Kilder til DR : Trumps folk ‘bestak’ hjemløse og socialt udsatte med hotelmiddag for at lege Trump-støtter », DR, 9 janvier 2025.