La défaite démocrate aux États-Unis, l’affaissement de la coalition électorale d’Emmanuel Macron en France ou la défaite des Conservateurs au Royaume-Uni ont fait naître le sentiment, largement relayé et amplifié dans les médias, que les partis au pouvoir connaissaient une année noire marquée par un taux élevé de défaites dans les urnes.

Si cette observation se vérifie en Occident — et notamment en Europe —, elle ne s’applique pas au reste du monde.

  • Sur les 84 élections qui se sont tenues depuis le début de l’année, les partis vainqueurs lors du précédent scrutin ont terminé premier dans près de 70 % des élections.
  • En Inde, la coalition de Narendra Modi dispose toujours d’une majorité à la Lok Sabha ; au Mexique, le parti de l’ex-président Andrés Manuel López Obrador a conservé le contrôle des deux chambres et la présidence ; en Uruguay, le parti du nouveau président Yamandú Orsi a gagné des sièges au Sénat et à la Chambre des représentants par rapport à 2019…

Les élections irlandaises ne devraient pas conduire à un renversement de la politique du pays. Le paysage électoral est dominé par des partis centristes, tandis que la faible demande des électeurs n’a conduit à la création d’aucun parti majeur populiste ou d’extrême-droite. Depuis plus d’un siècle, seulement deux partis ont produit des Taoiseach : Fianna Fáil et Fine Gael.

  • Les précédentes élections législatives de 2020 avaient placé le Sinn Féin (GUE), partisan de la réunification de l’Irlande, en tête. Une coalition tripartite de gouvernement entre le Fianna Fáil (RE), le Fine Gael (PPE) et le Parti vert avait finalement été formée.
  • Les 3 partis se sont mis d’accord pour anticiper les élections initialement prévues pour mars 2025. Ce nouveau scrutin permettra d’élire pour la première fois 174 députés (contre 160 actuellement).

Les derniers sondages d’intention de vote montrent une chute importante du Sinn Féin au profit du centre-droit incarné par le Fine Gael du Premier ministre actuel, Simon Harris, et du Fianna Fáil. Cela pourrait aboutir à une coalition de gouvernement entre les deux partis, qui n’auraient plus à s’appuyer sur leur partenaire écologiste.

  • Parmi les grands sujets de campagne, s’est imposée l’utilisation proposée des revenus issus d’un remboursement de 13 milliards d’euros que la CJUE a imposé à Apple (12 % des dépenses de l’État), au profit des finances publiques irlandaises — l’une des dernières grandes victoires de la commissaire à la Concurrence Vestager. 
  • Le logement est également apparu comme l’un des principaux sujets de la campagne : entre 2012 et 2022, le prix des logements à l’achat a augmenté de 75 %. Cette hausse est notamment due à l’arrivée de près de 100 000 personnes entre avril 2023 et 2024, ainsi que d’un nombre important de réfugiés ukrainiens depuis 2022 1.
  • L’Irlande serait par ailleurs l’un des États membres les plus impactés par des tarifs douaniers américains, Dublin étant le troisième exportateur européen de biens vers les États-Unis, derrière l’Allemagne et l’Italie.

Malgré l’absence de grand parti d’extrême-droite, l’immigration s’est invitée dans le débat public, accentuée par les émeutes de novembre 2023 déclenchées suite à une attaque au couteau menée par un Dublinois d’origine algérienne. La concentration de l’offre politique vers le centre-libéral continue cependant à faire de l’Irlande une exception en Europe, qui ne devrait pas être renversée par le résultat des élections qui prennent place aujourd’hui.

Sources
  1. Population and Migration Estimates, April 2024, Central Statistics Office, 27 août 2024.