Avec la publication du rapport Draghi, que le Grand Continent a accompagné dans les différentes langues de la revue, l’Union se prépare à entrer dans une nouvelle phase. À partir d’aujourd’hui, nous donnons la parole à des chercheurs, économistes, ministres et industriels pour réagir à l’une des plus ambitieuses propositions de transformation de l’Union. Si vous appréciez nos travaux et que vous en avez les moyens, nous vous demandons de penser à vous abonner au Grand Continent

La transformation du régime militaro-industriel européen actuel pourrait représenter une réponse politique adaptée vis-à-vis des enjeux géo-économiques auxquels l’Union et ses États membres doivent faire face  : montée en puissance de la Chine, accélération du désengagement des États-Unis en Europe, guerre en Ukraine, attaques hybrides contre des infrastructures industrielles critiques. Le régime militaro-industriel européen est défini comme l’organisation politique et les instruments politiques utilisés par les acteurs de l’Union et ses États membres pour gouverner l’industrie de la défense. Ce nouveau régime nécessite l’activation de quatre changements politico-institutionnels  : la supranationalisation de la gouvernance de l’industrie de la défense au sein de l’Union, le renforcement des instruments interventionnistes vis-à-vis du marché, l’intégration de la Base industrielle technologique et de défense à l’échelle européenne (BITD-E) et l’autonomisation des capacités d’action de l’Europe face aux acteurs étrangers. 

Jusqu’ici, et malgré certaines adaptations politico-institutionnelles enclenchées en particulier depuis 2022, les États membres de l’Union n’ont pas favorisé la transformation structurelle du régime militaro-industriel européen qui est à l’œuvre depuis le début du XXIe siècle et que l’on peut définir comme intergouvernemental (une capacité d’action faible de l’Union), libéral (une intervention limitée de l’Union vis-à-vis du marché), fragmenté (peu de champions industriels européens) et transatlantique (une dépendance forte des États européens vis-à-vis des États-Unis et de leurs entreprises).

Comment réussir cette transformation ?

État des lieux du régime militaro-industriel européen

Premièrement, la gouvernance de l’industrie de la défense est intergouvernementale au sein de l’Union. Les décisions les plus stratégiques sont prises à l’unanimité par les chefs d’État et de gouvernement au sein du Conseil européen et par les ministres au sein du Conseil informel de la Défense. Prolongeant l’institutionnalisation de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) initiée en 2001, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de créer l’Agence européenne de la défense (AED) en 2004. Organe intergouvernemental qui relève de l’autorité du Conseil, l’AED a pour mission d’identifier les besoins capacitaires partagés entre les États européens afin de rationaliser et d’européaniser la demande1. Le Danemark a intégré la PSDC et donc l’AED en 2022 à la suite d’un référendum organisé dans le contexte de la guerre en Ukraine, 67 % des votants ayant fait le choix de lever son « opt-out ». Par ailleurs, la coopération structurée permanente (CSP) créée par le traité de Lisbonne en 2009 a été activée en 2017 : l’ensemble des États membres de l’Union y participent à l’exception de Malte. En 2024, la CSP comptait 68 projets militaro-industriels dont le drone européen (RPAS), programme auquel la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne prennent part. 

En outre, une supranationalisation de la gouvernance de l’industrie de la défense a émergé en 2019. Si la Commission avait commencé à mettre la politique industrielle de la défense à son agenda dès les années 19902, elle en est devenue un acteur à part entière au début des années 2010, générant des rivalités institutionnelles avec les acteurs intergouvernementaux comme l’AED3. Pour la première fois de l’histoire de l’Union, la Commission européenne a intégré les enjeux industriels de la défense au portefeuille du Commissaire en charge du marché intérieur, le Français Thierry Breton, et a créé une nouvelle direction générale « Industrie de défense et espace » (DG DEFIS). En juin 2024, Thierry Breton avait reçu la confirmation du soutien de la France par le chef de l’État français, Emmanuel Macron, dans le contexte du Conseil européen. Alors qu’un portefeuille élargi intitulé « Industry, Strategic Autonomy » lui avait été proposé pour un second mandat (2024-2029), il annonçait le lundi 16 septembre sur X, sa démission insistant sur ses désaccords interpersonnels avec la présidente de la Commission européenne et ce, alors que cette dernière devait annoncer la composition du collège des commissaires avant que les auditions au Parlement européen ne débutent. En plus de cette instabilité politique inattendue à la tête de l’exécutif européen, il s’agit de rappeler que la DG DEFIS ne peut ambitionner de jouer un rôle de « game changer », et reste cantonnée à un rôle de « gap feeder » — selon la formule d’un fonctionnaire européen — dans la mesure où la DG DEFIS ne dispose que d’un contingent réduit de fonctionnaires et d’un budget faible. 

Les États membres de l’Union n’ont pas favorisé la transformation structurelle du régime militaro-industriel européen. 

Samuel B. H. Faure

Deuxièmement, la politique industrielle de la défense mise en place au sein de l’Union est libérale dans la mesure où l’intervention de la puissance publique européenne vis-à-vis du marché est limitée. Faisant suite à une proposition formulée par la Commission, deux directives connues sous le nom de « paquet défense » ont été votées en 2009 par le Parlement et le Conseil4. La Commission européenne ambitionnait de limiter les usages répétés de l’article 346 TFUE par les États membres afin de faire émerger un marché intérieur de l’armement et de consolider la BITD-E. L’objectif était donc de valoriser la compétitivité des entreprises et l’efficacité du marché par la dérégulation des normes nationales (logique du « market making ») plutôt que de préférer une politique interventionniste visant à organiser et à réguler le marché européen (logique du « market correcting »)5. Cependant, un tournant politique a été pris en 2017 quand la Commission européenne a créé le Fonds européen de la défense (FED). Pour la première fois de son histoire, l’Union a obtenu un budget propre pour financer des projets industriels dans le secteur de la défense. Intégré au budget pluriannuel 2021-2027 (huit milliards d’euros sur cette période), le FED qui est géré par la DG DEFIS, finance la phase de recherche et de développement des programmes d’armement menés en coopération européenne. 

Troisièmement, la BITD-E demeure largement fragmentée autour de champions nationaux tels que Dassault Aviation, Leonardo, Rheinmetall, Saab, Safran et Thales qui dominent l’industrie de la défense en Europe6. La liste des projets de consortiums européens qui ont échoué est longue, de la tentative avortée de rapprochement entre EADS et BAe Systems en 2012 au blocage de la reprise de l’entreprise française STX par Fincantieri en 2021. Cependant, des consolidations industrielles ont abouti à la création de MBDA dans le secteur des missiles et d’EADS dans celui de l’aéronautique au début des années 2000 et à la transformation d’EADS en Airbus en 2014. Dans le secteur terrestre, un rapprochement s’est opéré en 2015 entre Nexter et Krauss-Maffei au sein du consortium franco-allemand KNDS qui demeure faiblement intégré7. Dans le secteur naval, le consortium Naviris réunit l’entreprise française Naval Group et l’entreprise italienne Fincantieri depuis 2020. 

Quatrièmement, les États européens produisent et acquièrent des armements par des coopérations interétatiques ad hoc à l’extérieur de l’Union, comme les programmes d’armement qui sont actuellement en négociations autour de l’avion de combat SCAF (Allemagne, France, Espagne) et du char d’assaut MGCS (Allemagne, France), quand ils ne choisissent pas d’importer des équipements militaires américains ou de privilégier une production nationale8. En 2022, l’autarcie demeurait l’option politique principale (52 %) retenue par les États européens pour s’armer alors que les armements issus de coopération européenne ne représentaient que 18 % des cas (AED, 2023), loin de l’objectif de 35 % formulé dans la Stratégie industrielle européenne de défense (EDIS) publiée en mars 2024 par la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE). 

Un tournant politique a été pris en 2017 quand la Commission européenne a créé le Fonds européen de la défense (FED). 

Samuel B. H. Faure

L’inadaptation du régime militaro-industriel européen aux défis géo-économiques  

La guerre en Ukraine a révélé l’inadaptation du régime militaro-industriel européen actuel pour relever les défis géo-économiques posés à l’Union et à ses États membres dans les années 2020. 

À l’échelle des États, il aura fallu deux années de guerre ayant causé la mort de plusieurs centaines de milliers d’individus civils et militaires sur le sol européen pour qu’une majorité d’États membres de l’Union atteignent la cible des 2 % du PIB de dépenses militaires. 

Cet objectif politique avait été formulé au sein de l’OTAN une décennie plus tôt, à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie de Vladimir Poutine en 2014. Toutefois, ce « réarmement de l’Europe » est une réalité en trompe l’œil pour plusieurs raisons. 

Premièrement, un quart des États n’a toujours pas atteint cette cible — à savoir la Belgique, la Croatie, l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg, le Portugal et la Slovénie dans l’Union, mais aussi le Canada. Deuxièmement, un État qui consacre 2 % de son PIB à son budget militaire est insuffisant dans un contexte de guerre de haute intensité qui dure dans le temps. Un tel niveau d’engagement budgétaire ne correspond pas à une « économie de guerre », un cadrage discursif choisi, entre autres, par le Président français, Emmanuel Macron en 2024. À titre de comparaison, l’Ukraine dépensait 35 % de son PIB pour ses dépenses militaires dès 20229. Troisièmement, ces investissements budgétaires ont été réalisés par les États européens sans qu’ils se coordonnent politiquement au préalable. L’hypothèse d’un réarmement national des États engendrant un accroissement de la concurrence industrielle en Europe et un affaiblissement des capacités d’action partagées de l’Union n’est pas à écarter10. Quatrièmement, les budgets militaires nationaux des États demeurent fragiles et incertains à moyen terme du fait du taux de croissance faible dans l’ensemble de la zone euro qui accentue le « décrochage économique » de l’Europe vis-à-vis des États-Unis. Cinquièmement, les politiques de rigueur dans le secteur de la défense11 sont de retour dans certains États européens : l’enjeu des comptes publics est le cadrage de politique générale choisie par le Premier ministre français, Michel Barnier, nommé début septembre 2024 par Emmanuel Macron, près de deux mois après la dissolution inattendue de l’Assemblée nationale décidée par le chef de l’État.

L’Ukraine dépensait 35 % de son PIB pour ses dépenses militaires dès 2022.

Samuel B. H. Faure

À l’échelle de l’industrie de la défense, les entreprises font face à un double problème dans le contexte d’une guerre interétatique sur le continent européen. D’une part, elles ne disposent pas de débouchés commerciaux suffisants auprès de leur État-client : les marchés sont trop petits du côté de la demande. D’autre part, leur appareil productif n’est pas suffisamment performant pour répondre à une demande croissante : le rendement productif est trop faible et trop lent du côté de l’offre ce qui a pour effet des coûts de production élevés12 et l’incapacité d’atteindre les objectifs fixés par l’Union. En 2024, l’industrie de la défense n’a pu transférer que la moitié du million de munitions de 150mm qui avait été promis à Kiev par l’Union un an plus tôt13. Par ailleurs, cette fragmentation de l’industrie de la défense en Europe pose un problème de standardisation et d’interopérabilité des équipements militaires. Comme le rappelle Mario Draghi14 dans le récent portant sur la compétitivité européenne remis à la Commission européenne : « Pour la seule artillerie de 155 mm, les États membres de l’Union ont fourni à l’Ukraine dix types différents d’obusiers provenant de leurs stocks, et certains ont même été livrés dans des variantes différentes, ce qui a créé de sérieuses difficultés logistiques pour les forces armées ukrainiennes ». 

À l’échelle de l’Union, le volontarisme politique des acteurs européens est incarné par l’apparition de notions politiques telles que la « souveraineté européenne »15, l’« autonomie stratégique »16 et la « Commission géopolitique »17 qui étaient, il y a dix ans seulement, étrangères à leurs pratiques discursives. Cette évolution du cadrage politique est qualifiée de « tournant géo-économique » au sein de l’Union18 : la politique d’armement n’est plus façonnée seulement comme un problème de compétitivité économique incarnée par le « paquet défense » visant à libéraliser les marchés nationaux de sécurité et de défense, mais comme un problème politico-militaire nécessitant la mise en place d’une politique industrielle. Ce changement de cadrage politique a eu pour effet de mettre les enjeux industriels de la défense à l’agenda européen. Il est vrai qu’il n’y a jamais eu autant de Conseils européens lors desquels la politique de défense de l’Union, et en particulier sa dimension industrielle, ait été abordé que depuis 2022. En ont découlé plusieurs décisions politiques qui n’auraient pas été prises ou pas aussi vite par les chefs d’État et de gouvernement, ainsi que par les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne19

En 2023, le Conseil et le Parlement ont voté en faveur des règlements ASAP (500 millions d’euros pour augmenter la production de munitions et de missiles des entreprises européennes) et EDIRPA (300 millions d’euros pour soutenir des acquisitions conjointes par les États européens). En 2024, quelques mois avant les élections européennes, la Commission européenne et le SEAE ont prolongé ce travail en publiant l’EDIS et une proposition de règlement (EDIP), comptant un budget d’un milliard d’euros et actuellement en négociations au Parlement et au Conseil. La même année, les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’Union, y compris le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, ont décidé de porter à 18 milliards d’euros le budget de la Facilité européenne pour la paix (FEP). La FEP est un instrument financier qui avait été créé en 2021 avec un budget de seulement cinq milliards d’euros, et qui a permis de livrer des armements aux forces armées ukrainiennes depuis le début de la guerre. 

L’ensemble de ces ressources budgétaires dont dispose l’Union pour agir dans le secteur de la défense a atteint 30 milliards d’euros en 202420. Ce volume d’engagement budgétaire paraissait impensable il y a seulement cinq ans, au début du premier mandat d’Ursula von der Leyen en 2019. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les chefs d’État et de gouvernement avaient décidé de diminuer le budget du FED de 13 milliards d’euros, objectif formulé au début des négociations européennes, à 8 milliards d’euros, somme que compte finalement le FED sur le budget pluriannuel 2021-2027. Cependant, nombreux sont les experts des questions industrielles de la défense qui considèrent que cette enveloppe budgétaire est largement insuffisante pour soutenir l’Ukraine et pour défendre l’Europe dans le contexte du retour de la guerre sur le continent21. Les acteurs politiques européens ne sont que partiellement parvenus à transformer la mise à l’agenda d’objectifs militaro-industriels en instruments politiques disposant de suffisamment de ressources budgétaires et institutionnelles pour transformer le régime militaro-industriel européen. 

La politique d’armement n’est plus façonnée seulement comme un problème de compétitivité économique — elle est perçue comme un problème politico-militaire nécessitant la mise en place d’une politique industrielle. 

Samuel B. H. Faure

À l’échelle extra-européenne, les dépendances des États européens vis-à-vis de l’industrie américaine n’ont pas diminué, mais se sont accrues depuis le début de la guerre en Ukraine. En 2023, le volume d’importation de technologies militaires américaines a doublé : 78 % des armements achetés par les États européens ont été importés d’États se situant à l’extérieur des frontières de l’Union, dont près des deux tiers (63 %) des États-Unis22. Dans son rapport sur la compétitivité de l’Union, Mario Draghi rappelle que l’ensemble des avions de combat qui a été produit en Europe — Eurofighter, Rafale, Gripen — ne représente qu’un tiers de la flotte des armées de l’air des États européens qui sont encore occupés pour les deux tiers d’entre elles par des avions produits aux États-Unis tels que le F-3523. Ces données convergent vers ceux qui démontraient l’« illusion » de l’autonomie stratégique de l’Europe avant même le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie24. Cette dépendance transatlantique des États européens aux entreprises et à l’administration américaine est un problème politique dans un contexte de guerre aux frontières de l’Union contre une puissance nucléaire qui accroît la demande industrielle, mais aussi d’instabilité politique aux États-Unis. En effet, Donald J. Trump a de sérieuses chances de l’emporter, deux mois avant l’élection présidentielle de novembre 2024 à laquelle il est candidat à un second mandat. Son retour à la Maison blanche pourrait accélérer le désengagement militaire des États-Unis du continent européen en diminuant la contribution budgétaire américaine aux forces armées ukrainiennes et à l’OTAN. 

Avantages comparatifs du nouveau régime et obstacles à son établissement 

L’inadaptation du régime militaro-industriel européen actuel pose un quadruple enjeu aux acteurs politiques et industriels européens  : la faiblesse du financement et de l’investissement budgétaire des États en faveur de l’industrie de la défense, la capacité insuffisante de production des entreprises en Europe pour faire face aux menaces militaires, le manque de coordination entre les acteurs politico-administratifs au sein de l’Union pour prendre des décisions rapidement dans le contexte d’une crise et la dépendance accrue des États européens vis-à-vis de l’industrie américaine. Face à ces enjeux, le nouveau régime militaro-industriel européen défini en introduction dispose de quatre avantages comparatifs pouvant le rendre désirable à la fois auprès des grandes entreprises et des États.

La supranationalisation de la gouvernance européenne de l’industrie de la défense permettrait aux États de voir leur position politique renforcée.

Samuel B. H. Faure

D’une part, aucun État européen, pas même l’Allemagne ou la France ne dispose des ressources budgétaires suffisantes pour investir suffisamment dans l’industrie de la défense afin d’en faire un secteur compétitif et autonome à l’échelle globale vis-à-vis des entreprises américaines ou chinoises. Pour y parvenir, l’Union pourrait favoriser des investissements budgétaires massifs et coordonnés par la conduite d’une politique industrielle interventionniste afin d’être à la hauteur des défis géo-économiques des années 2020. Une telle politique interventionniste serait désirable pour les grandes entreprises qui demandent depuis des années davantage de crédits publics pour pouvoir engager des ruptures technologiques et mener à bien les grands programmes d’armement en cours de négociations (SCAF, MGCS, RPAS). Ainsi, les grandes entreprises utiliseraient ces ressources budgétaires de l’Union pour faire avancer leurs ambitions technologiques et leurs objectifs commerciaux, tout en valorisant la création d’emplois qualifiés sur le sol européen. De plus, la poursuite de l’agenda politique portant sur l’autonomisation stratégique industrielle et technologique des États européens vis-à-vis de l’industrie de la défense américaine favoriserait les grandes entreprises mais aussi les petites et moyennes entreprises (PME) établies au sein de l’Union25. Une telle « préférence européenne » permettrait d’utiliser les crédits publics européens pour investir dans le tissu industriel européen plutôt que de participer à financer l’industrie américaine, coréenne ou turque en important des équipements militaires à l’extérieur des frontières de l’Union. 

D’autre part, les États pourraient aussi bénéficier de ce nouveau régime militaro-industriel européen dans la mesure où l’intégration de la BITD-E aboutirait à des dynamiques industrielles d’envergure de fusions/acquisitions dans chaque branche du secteur (terrestre, aéronautique, naval, électronique) et à une division du travail industriel à l’échelle du continent autour de champions européens. Cette réorganisation de l’industrie de la défense en Europe rendrait les entreprises moins nombreuses et plus efficaces par leur spécialisation accrue ce qui induirait une diminution des coûts de production et une productivité renforcée. En outre, la supranationalisation de la gouvernance européenne de l’industrie de la défense permettrait aux États non pas de voir leur position politique affaiblie ou marginalisée, mais au contraire renforcée. En effet, une telle gouvernance supranationale favoriserait la coordination et l’efficacité politique des États à négocier au sein de l’Union sans qu’un État puisse bloquer l’ensemble du système en utilisant son droit de veto, sur le modèle de l’intégration européenne de la politique monétaire dans les années 199026. D’ailleurs, depuis le Brexit, aucun responsable politique « populiste » ne défend la sortie de la zone euro du pays qu’il ou elle gouverne ou ambitionne de gouverner. 

Malgré les avantages comparatifs que le nouveau régime militaro-industriel européen comptent sur le régime actuel pour relever les défis géo-économiques qui se posent dans le secteur de l’armement, plusieurs groupes d’acteurs défendent le statu quo politico-institutionnel et s’opposent à l’émergence d’un nouveau régime pour des motifs différents.

D’abord, les acteurs politiques nationaux qui défendent une vision souverainiste de l’industrie de la défense tels que les Conservateurs polonais du PiS, Viktor Orbán en Hongrie ou le Rassemblement national (RN) en France s’opposent à toute remise en question du paradigme intergouvernemental et libéral du régime militaro-industriel européen actuel, au nom de la protection de la souveraineté nationale en cohérence avec leur préférence pour une Europe des nations plus autonome des États-Unis. L’ordre intergouvernemental serait indépassable dans la mesure où les États sont les seuls acteurs politiques de l’Union à disposer d’une légitimité politique résultant de la souveraineté nationale pour gouverner un « core state power » tel que la politique d’armement. Cette ligne politique se retrouve au Parlement européen au sein des groupes d’extrême droite, les Patriotes (PfE) et les Conservateurs et Réformistes européens (ECR), mais aussi d’une majorité de parlementaires conservateurs du Parti populaire européen (PPE). C’est le cas de l’eurodéputé français, François-Xavier Bellamy, qui a été nommé en septembre 2024 rapporteur du programme EDIP au Parlement européen.

La dépendance transatlantique des États européens aux entreprises et à l’administration américaine est un problème politique dans un contexte de guerre aux frontières de l’Union

Samuel B. H. Faure

Pourtant, le statu quo politique en faveur d’une gouvernance intergouvernementale fait porter le risque d’un blocage de l’Union, c’est-à-dire d’une crise institutionnelle, en plus de la lenteur décisionnelle et du piège du plus petit dénominateur commun qui sont intrinsèques au principe du vote à l’unanimité — problèmes qui se sont posés à maintes reprises par le passé. En effet, les conservateurs du PiS à la tête du gouvernement polonais jusqu’à l’autonome 2023 et Viktor Orbán, Premier ministre hongrois depuis 2010, se sont toujours retrouvés en minorité à la table des négociations du Conseil européen les conduisant à accepter les propositions formulées par la majorité des autres États membres en faveur d’un soutien à l’Ukraine. Cependant, le rapport de force au Conseil européen pourrait être différent si davantage de partis politiques nationaux « populistes » parvenaient à la tête d’autres gouvernements, de surcroît, de grands États comme en France avec le RN de Marine Le Pen et de Jordan Bardella.

Ensuite, les acteurs civils et militaires des ministères de la Défense au sein de chaque État membre travaillent à conserver leur position bureaucratique dominante dans la gouvernance européenne de l’industrie de la défense ce qui les conduit à s’opposer à de nouveaux transferts de compétences ou de ressources en faveur de l’Union. Par exemple, les fonctionnaires français du ministère de la Défense perçoivent bien souvent la supranationalisation du régime politique de l’Union comme une perte de prérogatives techniques et administratives qu’ils défendent au nom de la souveraineté nationale dont ils seraient les garants. En Allemagne ou aux Pays-Bas, les acteurs administratifs sont réticents à des mécanismes d’intervention publique plus dirigistes de la part des institutions de l’Union par un attachement à des pratiques bureaucratiques plus rigoristes sur le plus budgétaire au sein de l’État et plus libérales vis-à-vis du marché. Au Danemark ou en Italie, mais aussi en Lettonie ou en Roumanie, la perspective de l’autonomie stratégique européenne est perçue par les acteurs bureaucratiques — et parfois à rebours des responsables politiques de ces pays — comme une menace d’un désengagement accéléré des États-Unis plutôt que d’une capacité d’action renforcée de l’Union. 

Les fonctionnaires français du ministère de la Défense perçoivent bien souvent la supranationalisation du régime politique de l’Union comme une perte de prérogatives techniques et administratives qu’ils défendent au nom de la souveraineté nationale dont ils seraient les garants.

Samuel B. H. Faure

Enfin, les grandes entreprises nationales qui dominent l’industrie de la défense en Europe ambitionnent de conserver la position de quasi-monopole dont elles bénéficient souvent auprès de leur État-client dans le cadre institutionnel national. Ces entreprises ne perçoivent pas leur intérêt au moins à court terme d’ouvrir le marché de la défense à la concurrence européenne, mais plutôt de travailler à conserver leur rente industrielle pour conserver ses débouchés commerciaux. 

Lever les obstacles à la transformation du régime européen : 4 recommandations

Quatre propositions sont formulées pour enclencher la transformation du régime militaro-industriel européen afin que l’Union et ses États membres disposent d’une organisation politique et de ressources institutionnelles et budgétaires plus adaptées pour répondre aux défis géo-économiques et ainsi éviter la « lente agonie » de l’Europe27, sa « provincialisation » voire sa vassalisation à des puissances extra-européennes28 et parce que l’Europe est « plus qu’un marché »29. Les deux premières mesures visent à favoriser l’autonomisation stratégique de l’Europe et la productivité des entreprises en intégrant plus fortement et plus rapidement la BITD-E et l’institutionnalisation d’instruments d’action publique interventionnistes. Les deux recommandations suivantes entendent renforcer la coordination interétatique pour favoriser l’efficacité politique et démocratique du régime européen en soutenant une supranationalisation de la gouvernance de l’industrie de la défense. 

Ces propositions prennent en compte une double contrainte liée à la politique européenne telle qu’elle est façonnée au XXIe siècle. D’une part, les agendas politiques nationaux divergent le plus souvent dans la mesure où les calendriers électoraux sont propres à chaque système politique national  : il ne s’agit pas d’attendre un hypothétique alignement des planètes pour réformer. D’autre part, la « polycrise », caractéristique d’une politique d’interrègne et selon laquelle une urgence politique en chasse une autre rendant la « crise permanente », demeure la configuration politique la plus probable pour les années à venir. 

1 —  Renforcer les instruments budgétaires dont dispose la Commission européenne

  • Dans les prochaines semaines, s’assurer de la ligne budgétaire d’un milliard d’euros prévue par la Commission européenne pour mettre en œuvre EDIP. Un budget supérieur à un milliard d’euros serait un signe encourageant de l’ambition des représentants des États membres et des parlementaires européens. 
  • Dans les prochains mois, faire avancer la proposition d’un plan d’investissement de 100 milliards d’euros dans le secteur de la défense, qui pourrait prendre la forme d’euro-obligations, comme suggérée par Kaja Kallas. Cette idée ambitieuse et innovante devrait être reprise et soutenue par les acteurs institutionnels et politiques qui ambitionnent de rendre le régime militaro-industriel européen plus efficace pour les États et pour les entreprises.
  • Dans les prochaines années, le principal enjeu des représentants du Conseil et des eurodéputés du Parlement européen sera la négociation autour du budget pluriannuel (MFF). Le budget annuel de l’Union correspond actuellement à un peu plus d’1 % du PIB des 27 États membres, autour de 170 milliards d’euros, soit approximativement le budget de l’Autriche. Tripler ce montant en visant une cible de 3 % du PIB des 27 paraît être un objectif à la fois ambitieux et réaliste pour « cranter » des ressources supplémentaires afin d’activer une série de transformations politico-institutionnelles par le truchement, entre autres, du FED. 
  • Les acteurs politiques nationaux ou européens qui s’opposeraient à ces hausses budgétaires au nom de politiques de rigueur, de l’illégitimité de « l’Europe technocratique de Bruxelles », ou pour défendre une vision néo-libérale du marché intérieur dérégulée pourraient être réprouvés par celles et ceux qui défendent un nouveau régime militaro-industriel européen en faisant un usage de la stratégie du « name and shame ». 

Européaniser les carrières professionnelles des fonctionnaires nationaux pourrait être un « game-changer » en faveur d’une culture stratégique européenne partagée. 

Samuel B. H. Faure

2 — Assurer le succès rapide des trois grands programmes d’armement, le SCAF, le MGCS et le RPAS, en cours de négociations entre l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne, en en faisant la première priorité militaro-industrielle au niveau des chefs d’État et de gouvernement

  • Ces programmes d’armement doivent être prioritaires dans l’agenda politique des chefs d’État et de gouvernement, et pas seulement au niveau des ministres de la Défense et de leurs administrations. En l’absence de réunions régulières au plus haut niveau politique des États concernés pour cimenter la prise de décision, l’histoire a montré que l’échec des programmes de coopération européenne peut survenir après plusieurs années de négociations30. Des efforts politiques intenses sont encore nécessaires pour s’assurer que les programmes SCAF, MGCS et RPAS sont « too big to fail ». 
  • Des incitations politiques et économiques beaucoup plus fortes devraient être mises en place pour atteindre l’objectif de l’AED, repris par l’EDIS, de doubler le volume d’armement (de 18 % à 35 %)31 produit en coopération entre plusieurs États du continent européen. La réussite de ces grands programmes constituerait un puissant instrument de consolidation et d’intégration de la BITD, de productivité industrielle et d’excellence technologique militaire pour les décennies à venir, ainsi que d’emplois à haute valeur ajoutée dans les pays concernés32

3 — Créer une onzième configuration formelle du Conseil de l’Union, réunissant les ministres de la Défense, avec le vote à la majorité qualifiée comme principe décisionnel qui serait étendu à l’ensemble des décisions prises au sein de l’AED

  • La volonté politique portée par certains acteurs clés a été limitée dans ses effets, y compris depuis 2022, par l’ordre intergouvernemental de la gouvernance européenne de l’industrie de la défense qui structure le jeu politique. Sans un changement de l’ordre institutionnel européen, les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets à l’avenir et la volonté politique demeurera un ingrédient nécessaire mais insuffisant pour « faire bouger les lignes ». 
  • Pour éviter une telle dynamique favorable au statu quo institutionnel, l’une des priorités politiques doit être non seulement la création d’un Conseil formel des ministres de la Défense, mais d’un fonctionnement à la majorité qualifiée. Le vote à la majorité qualifiée devrait, par ailleurs, être étendu à l’ensemble des décisions prises au sein de l’AED. 
  • Cette proposition vise moins à une révolution institutionnelle qu’à une transformation psychologique en encourageant ceux qui ont des propositions plus ambitieuses qu’un simple consensus à les proposer sans craindre qu’elles soient immédiatement rejetées. Cette proposition pourrait être, entre autres, défendue par Kaja Kallas qui, en tant que Haute Représentante assure la présidence de l’AED.  
  • Pour éviter une campagne d’opposition stérile qui pourrait être conduite par les représentants politiques souverainistes, les chefs d’État et de gouvernement conserveraient leur droit de veto au sein du Conseil européen.

Dans l’administration, à l’exception de certains services spécialisés, l’« Europe » demeure une affaire étrangère, une complication supplémentaire, une externalité à gérer.

Samuel B. H. Faure

4 — Valoriser la circulation européenne des fonctionnaires nationaux en augmentant le nombre d’experts nationaux détachés (END) auprès de l’Union : un game-changer

  • L’un des verrous au passage d’un nouveau régime militaro-industriel européen est la tendance des administrations nationales — dont les ministères des Armées — à s’en tenir à des manières de faire, des réflexes, des procédures, des habitudes professionnelles nationales. À l’exception de certains services spécialisés, l’« Europe » demeure une affaire étrangère, une complication supplémentaire, une externalité à gérer. Si bien qu’une fonctionnaire allemande, par exemple, va avoir une connaissance parcellaire de la manière dont fonctionnent ses homologues française, grecque ou suédoise et vice-versa. Cette distance persistante « dans les têtes » ne se retrouve pas dans la géographie du continent : on fera remarquer que la distance par la route entre Paris et Berlin (1050 kilomètres) est moins longue que celle qui sépare Nice de Lille (1150 kilomètres), Washington D.C de Chicago (1100 kilomètres) ou Pékin de Shanghai (1300 kilomètres).
  • Valoriser la circulation européenne des fonctionnaires nationaux est un levier administratif pour renforcer l’efficacité des coopérations à l’œuvre et la coordination interétatique. Or, les dispositifs de circulation professionnelle des fonctionnaires nationaux dans d’autres États européens ou au sein d’une institution de l’Union en tant qu’expert national détaché (END) sont trop peu nombreux. Il s’agirait d’impulser des propositions comme l’initiative citoyenne européenne proposant un programme d’échange européen de fonctionnaire (CSEP)33. L’enjeu n’est pas seulement d’« exporter » des fonctionnaires nationaux au sein des institutions de l’Union pour une ou plusieurs années. Il est aussi question de valoriser cette expérience professionnelle dans la carrière de l’agent une fois rentrée dans son administration nationale d’origine. Les exemples d’agents nationaux qui ont travaillé plusieurs années à la Commission européenne, et dont les compétences ne sont pas utilisées de retour à Paris sont légion. Ce travail d’adaptation des stratégies des ressources humaines des administrations nationales afin d’européaniser les carrières professionnelles des fonctionnaires nationaux pourrait être un « game-changer » en faveur d’une culture stratégique européenne partagée. 

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Résister aux changements en faveur d’un nouveau régime militaro-industriel européen au nom d’une politique de rigueur, au nom de la protection d’intérêts politiques ou économiques nationaux, ou au nom d’une opposition idéologique à « l’Europe technocratique », c’est en définitive, une facilité : celle de maintenir le régime actuel qui n’est plus adapté pour répondre aux défis géo-économiques posés à l’Union et à ses États membres des années 2020.

En revanche, la constitution d’un nouveau régime militaro-industriel européen contribuerait à démontrer que la provincialisation ou la vassalisation de l’Union n’est pas davantage une fatalité que son manque de productivité industrielle ou de coordination politique.

Sources
  1. Nikolaos Karampekios et Iraklis Oikonomou, The European Defence Agency. Arming Europe, London : Routledge, 2015.
  2. Samuel B. H. Faure, « EU defence industrial policy : From market-making to market-correcting », dans Jean-Christophe Defraigne, Jan Wouters, et Edoardo Travers (Dir.), EU industrial policy in the multipolar economy, London : Edward Elgar, 2022, pp. 382-406.
  3. Daniel Fiott, « The European Commission and the European Defence Agency : A case of rivalry ? », Journal of Common Market Studies 53, no. 3, 2015, pp. 542–557.
  4. Michael Blauberger, et Moritz Weiss,. « ’If you can’t beat me, join me !’ How the Commission pushed and pulled member states into legislating defence procurement », Journal of European Public Policy 20, no. 8, 2013, pp. 1120–1138.
  5. Fritz Scharpf, Governing in Europe : Effective and democratic ?, Oxford : Oxford University Press, 1999.
  6. Samuel B.H. Faure, Thibault Joltreau, et Andy Smith, « The differentiated integration of defence companies in Europe : A sociology of (trans)national economic elites », European Review of International Studies 6, no. 2, 2019, pp. 135–162.
  7. Samuel B. H. Faure, « Dix leviers pour rendre l’Europe de la défense ‘plus forte’ », Le Rubicon, 2024.
  8. Samuel B. H. Faure, Avec ou sans l’Europe. Le dilemme de la politique française d’armement,. Bruxelles : Éditions de l’Université de Bruxelles, 2020.
  9. Renaud Bellais, Martial Foucault, et Jean-Michel Oudot, Économie de la défense, Paris : La Découverte, 2014.
  10. Samuel B. H. Faure, « Dix leviers pour rendre l’Europe de la défense ‘plus forte’ », Le Rubicon, 2024.
  11. Catherine Hoeffler, Jean Joana et Frédéric Mérand, Les Politiques publiques dans la crise. 2008 et ses suites, Presses de Sciences Po, 2021, pp. 201-233.
  12. Carlo Cottarelli et Leoluca Virgadamo, « Defense expenditure in EU countries », IEP@BU Policy Brief, 2024.
  13. Daniel Fiott, « The challenges of defence spending in Europe »,  Intereconomics 59, no. 4, 2024, 189-192.
  14. Mario Draghi, « The future of European competitiveness », European Commission Report, 2024, p. 51.
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  16. Ulrike Franke et Tara Varma, « L’Europe en quête d’autonomie stratégique », ECFR, 2019.
  17. Pierre Haroche, « A ‘geopolitical commission’ : Supranationalism meets global power competition », Journal of Common Market Studies 61, no. 4, 2023, pp. 970–987.
  18. Daniel Fiott, « From liberalisation to industrial policy : Towards a geoeconomic turn in the European defence market ? », Journal of Common Market Studies, 2024.
  19. Stéphanie Hofmann, « European defense expenditure : Does the EU and its member states try harder than we think ? », IEP@BU Policy Brief, 2024.
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  27. Mario Draghi, « The future of European competitiveness », European Commission Report, 2024.
  28. Pierre Haroche, Dans la forge du monde. Comment le choc de puissances façonne l’Europe, Paris, Fayard, 2024.
  29. Enrico Letta, « Much more than a market : Speed, security, solidarity », Conseil européen, 2024.
  30. Ulrich Krotz, Flying Tiger. International relations theory, and the politics of advanced weapons production, Oxford : Oxford University Press, 2011.
  31. Samuel B.H. Faure, Avec ou sans l’Europe. Le dilemme de la politique française d’armement, Bruxelles : Éditions de l’Université de Bruxelles, 2020.
  32. Alice Pannier, Rivals in arms : The rise of UK-France defence relations in the twenty-first century, Montreal : McGill-Queen’s University Press, 2020.
  33. « Programme d’échange européen de fonctionnaire – Civil Servant Exchange Program (CSEP) », Commission Européenne.
Crédits
Ce texte est une version en français d’un chapitre en anglais constitutif d’un rapport coordonné par Donato Di Carlo (LSE) et Dimitri Zurstrassen (LUISS) et portant sur la politique industrielle de l'Union dans un monde multipolaire complexe. Ce rapport y compris le chapitre portant sur la politique industrielle de l'Union dans le secteur de la défense, a été présenté lors d’une conférence organisée le 20 septembre 2024 à la LUISS à Rome, en collaboration avec la faculté d’économie de l’Université Sapienza, la LUISS Institute for European Analysis and Policy (LEAP) et le LUISS Hub for New Industrial Policy and Economic Governance (LUHNIP).