1 — Déclassement
Le ralentissement de la croissance de la productivité a été associé à un ralentissement de la croissance des revenus et à un affaiblissement de la demande intérieure en Europe : par habitant, le revenu disponible réel a augmenté presque deux fois plus aux États-Unis que dans l’Union depuis 2000.
- L’écart entre l’Union et les États-Unis en ce qui concerne le niveau du PIB aux prix de 2015 est passé d’un peu plus de 15 % en 2002 à 30 % en 2023.
- L’écart s’est moins creusé par habitant car les États-Unis ont connu une croissance démographique plus rapide, mais il reste important : en termes de parité de pouvoir d’achat, il est passé de 31 % en 2002 à 34 % aujourd’hui.
2 — Capitalisation boursière
Aucune entreprise créée dans l’Union européenne ayant une capitalisation boursière supérieure à 100 milliards d’euros n’a été créée de toutes pièces — en tant que nouvelle entité, plutôt que par le biais de fusions, d’acquisitions ou d’essaimages d’entreprises établies — au cours des 50 dernières années. À l’inverse, les six entreprises américaines évaluées à plus de 1 000 milliards de dollars ont été créées au cours de cette période : Apple, Microsoft, Nvidia, Amazon, Alphabet, Meta.
- En matière d’intelligence artificielle notamment, selon le projet universitaire Top500 les pays de l’Union concentrent près d’un quart de la puissance mondiale de calcul, loin devant la Chine (5,8 %) mais également loin derrière les États-Unis (53 %).
- Si l’Union dispose de programmes, d’infrastructures, d’investissements ainsi que de talents pour devenir un acteur majeur de l’IA, elle est cependant entièrement dépendante des États-Unis pour les processeurs nécessaires à l’entraînement de ses modèles d’IA : sur les 11 modèles avancés développés par des entreprises européennes (françaises, britanniques, finlandaise et allemande) depuis 2017, tous ont utilisé des processeurs développés par des Américains (Nvidia, AMD, Google).
3 — Licornes
Entre 2008 et 2021, 147 « licornes » ont été fondées en Europe — des entreprises dont la valeur a dépassé le milliard de dollars.
- Au total, 40 d’entre elles ont transféré leur siège social à l’étranger, la grande majorité aux États-Unis.
- Si les start-ups fondées en Europe disposent d’un important vivier de talents, pour la plupart formés dans des universités ou écoles européennes, ces dernières préfèrent rechercher des financements auprès de sociétés de capital-risque américaines et se développer sur le marché américain, où elles peuvent plus facilement atteindre un large marché et être rentables plus rapidement.
4 — Aviation civile
Les États membres détiennent collectivement plus de la moitié du marché mondial des avions civils — 23 milliards d’euros d’excédent commercial annuel, la Chine étant sa principale destination d’exportation.
- En outre, l’Union accueille quatre des dix plus grands aéroports du monde en termes de volume de passagers internationaux (Amsterdam, Paris, Francfort et Madrid), et ses exploitants d’aéronefs se classent au premier rang mondial en termes de nombre de départs quotidiens.
5 — Dépenses de défense
Entre juin 2022 et juin 2023, 78 % des dépenses européennes d’approvisionnement en materiel de défense ont été confiées à des fournisseurs non-européens, dont 63 % aux États-Unis.
- Selon le SIPRI, les importations d’armes des États européens étaient 94 % plus élevées en 2019-2023 qu’en 2014-2018. Au total, 55 % des importations européennes d’armes provenaient des États-Unis en 2019-2023, contre 35 % en 2014-2018.
- La part des importations des pays européennes d’armements en provenance des États-Unis a augmenté en parallèle d’une augmentation substantielle de leurs dépenses de défense.
- En 2024, 18 États sur les 31 membres de l’OTAN atteindront leur objectif de 2 % du PIB pour les dépenses de défense — contre seulement 3 en 2014 et 11 en 2023.
6 — Opérations transfrontalières
Seulement 1 % des opérations transfrontalières dans l’Union peuvent être effectuées de manière entièrement numérique, c’est-à-dire sans nécessiter de document physique à un stade ou un autre du processus de transport, ce qui entrave fortement la collaboration entre les entreprises.
- Pour les navires faisant escale dans des ports européens ou pour le fret terrestre, les procédures sont soit basées sur le papier, soit sur plusieurs systèmes et solutions informatiques qui ne sont pas toujours interopérables.
7 — Transition énergétique
L’Union doit faire face à des coûts plus élevés lors de la construction de nouvelles installations de production énergétique.
- Les installations des pays membres et des États-Unis sont 70 % à 130 % plus chères par unité de capacité de production que celles de la Chine pour la fabrication de panneaux solaires photovoltaïques, d’éoliennes et de batteries.
- Les pays de l’Union souffrent notamment du coût plus élevé des matières premières par rapport à d’autres pays, comme la Chine. Les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et les électrolyseurs dépendent fortement d’intrants dont la part de l’Union dans la production mondiale est systématiquement inférieure à 5 %.
- Pour l’énergie éolienne, la part de l’Union dans la production des matières premières nécessaires n’est que de 2 % — contre 43 % pour la Chine.
8 — Réserves de lithium
Les ressources européennes en lithium, qui s’élèvent actuellement à environ 20 millions de tonnes de Li2O, sont 60 fois plus importantes que la demande annuelle totale de lithium prévue pour 2050.
- Ainsi, l’épuisement des mines de lithium nationales est peu probable à court ou moyen terme.
- Bien qu’il n’y ait actuellement presque aucune exploitation active de minéraux de lithium dans l’Union, plusieurs projets sont en cours de développement ou à un stade avancé d’investigation, et cinq à dix mines devraient ouvrir d’ici 2030.
- Un accord de coopération avec la Serbie (qui n’est pas membre de l’Union européenne) sur l’importation de minéraux critiques, dont le lithium, a notamment été signé en juillet 2024.
9 — Coût administratif
En 2014, le groupe Stoiber a estimé la charge administrative de l’Union à 150 milliards d’euros, soit 1,3 % du PIB annuel.
- Le coût d’opportunité d’un manque d’harmonisation à l’échelle européenne atteint 200 milliards d’euros par an, en prenant en compte la suppression des procédures complexes, des exigences nationales excessives et des normes d’étiquetage non harmonisées.
- Le rapport identifie notamment la complexité et le volume de la réglementation européenne comme étant un obstacle à l’amélioration de la gouvernance nécessaire pour relever les défis auxquels l’Union doit faire face.
- Environ 3 500 textes législatifs et 2 000 résolutions ont été adoptés par le Congrès américain entre 2019 et 2024 — contre 13 000 actes au niveau européen au cours de la même période.
10 — Coût des recommandations
Le rapport, qui fait près de 400 pages, contient 170 recommandations réparties dans 10 secteurs. Mario Draghi estime que la mise en œuvre de celles-ci nécessiterait entre 750 et 800 milliards d’euros d’investissements par an d’ici 2030, soit environ 4,5 % du PIB européen. Par comparaison, le Plan Marshall avait coûté de 1 à 2 % du PIB de l’époque.
- Cette somme correspond ainsi au PIB annuel (2023, en prix courant) de 10 États membres : Malte, Chypre, Estonie, Lettonie, Slovénie, Lituanie, Croatie, Bulgarie, Slovaquie et Hongrie (754,55 milliards d’euro).