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La tentative d’assassinat de l’ancien président des États-Unis lors d’un meeting à Butler, en Pennsylvanie, s’inscrit dans un contexte de polarisation extrême caractérisée par le retour de la violence politique à gauche et à droite.

Les résultats d’une enquête nationale réalisée en juin 2024 par le Project on Security & Threats de l’Université de Chicago révèlent des données impressionnantes.

  • Le Chicago Project on Security & Threats (CPOST) est un institut de recherche sur les affaires de sécurité internationale basé à l’Université de Chicago, fondé en 2004 et dirigé par le professeur de sciences politiques Robert Pape.
  • Entre le 20 et le 24 juin 2024, l’institut a posé plusieurs questions à un panel représentatif de la population américaine composé de 2 061 citoyens américains directement en lien avec l’élection présidentielle de 2024 et la violence.

Plusieurs traits saillants s’en dégagent qui conduisent à la conclusion inquiétante de l’éditorial du New York Times : « La démocratie exige que les partisans acceptent que le processus soit plus important que les résultats. Même avant les événements de samedi, des signes inquiétants montraient que de nombreux Américains ne réussissaient pas ce test essentiel ».

1 — 10 % des Américains seraient favorables à la violence pour empêcher Donald Trump d’être président

Selon les projections de l’Institut rapportées à l’ensemble de la population américaine, environ 26 millions d’Américains penseraient qu’avoir « recours à la force est justifié pour empêcher Donald Trump de devenir président ».

2 — L’exception américaine : le cocktail explosif mêlant violence politique et détention d’armes

La présence massive d’armes à feu dans la société américaine détermine un contexte singulier. Selon une enquête du Pew Research Center de septembre 2023, 4 adultes américains sur 10 disent vivre dans un foyer où se trouve au moins une arme à feu, tandis que près d’un tiers déclare personnellement détenir une arme1.

L’enquête du CPOST montre que parmi les 26 millions d’Américains qui considèreraient que « le recours à la force est justifié pour empêcher Donald Trump de devenir président », 9 millions possèdent des armes à feu.

3 — 6,9 % des Américains seraient favorables à la violence pour permettre le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche

Bien qu’une proportion moindre des sondés est favorable à l’utilisation de la violence pour réinstaurer Donald Trump à la présidence du pays, 6,9 % déclarent néanmoins y être favorables — soit 18 millions d’Américains, lorsque rapporté à la population.

4 — Le précédent du 6 janvier 2021 : la construction d’une identité politique violente

Parmi les 18 millions d’Américains considérant que « le recours à la force est justifié pour rétablir Donald Trump à la présidence », 7 millions disent que « les personnes qui ont pris d’assaut la capitale étaient des patriotes ».

La poussée insurrectionnelle trumpiste constitue un précédent inquiétant qui configure un récit commun pour ses partisans les plus violents. Sur ces 18 millions, l’équivalent de 7 millions seraient d’accord avec l’affirmation « les assaillants du Capitole sont des patriotes ».

Les sondages réalisés auprès des électeurs républicains témoignent de l’image positive dont jouit toujours l’insurrection du Capitole, trois ans après. En décembre 2023, ils étaient seulement 18 % à considérer que les assaillants étaient « plutôt violents » contre 77 % pour les démocrates.

Aussi, près des trois-quarts (72 %) disaient qu’il est « temps de passer à autre chose » lorsqu’on leur demandait de choisir entre : « la prise d’assaut du Capitole des Etats-Unis le 6 janvier 2021 a été une atteinte à la démocratie qu’il ne faut jamais oublier » et « est-ce qu’on en fait trop avec la prise d’assaut du Capitole ? »2

5 — Entre style paranoïaque et violence

Les États-Unis ont une histoire politique empreinte de violence. Quatre présidents américains ont été assassinés, 16 ont été visés par une tentative d’assassinat, le dernier étant Ronald Reagan en 1981.

Il s’agit de la deuxième tentative d’assassinat ayant visé Donald Trump. Bien que la tentative de Butler du 13 juillet 2024 est celle ayant le plus mis en danger l’ex-président, un britannique de 19 ans, Michael Sandford, avait tenté en juin 2016 de saisir l’arme de service d’un policier lors d’un meeting de Trump à Las Vegas. Quelques jours plus tard, Sandford avait avoué avoir voulu « tuer Trump ».

La tentative de Butler ne sera probablement pas épargnée par les thèses complotistes gravitant autour des assassinats et des actes de violence politique aux États-Unis. En novembre 2023, 60 ans après la mort de John Fitzgerald Kennedy, 65 % des sondés considéraient toujours que Lee Harvey Oswald, l’assassin de JFK, aurait « travaillé de concert avec d’autres personnes ».

Depuis 2013, la part d’Américains considérant que la CIA a été impliquée dans l’assassinat de JFK — ce qui a été réfuté par le Comité restreint de la Chambre des représentants sur les assassinats — a quant à elle plus que doublé, passant de 7 à 16 %. D’une manière générale, les Américains sondés considèrent de plus en plus que le gouvernement américain a joué un rôle dans l’assassinat de JFK (+13 % en dix ans). Donald Trump revient régulièrement lors de ses meetings et déclarations sur « l’état profond », la CIA et les supposés mystères qui obscursissent toujours aujourd’hui l’assassinat de JFK.

Sources
  1. Katherine Schaeffer, Key facts about Americans and guns, Pew Research Center, 13 septembre 2023.
  2. Dec. 14-18, 2023, Washington Post-University of Maryland poll.