Le cours du Brent a franchi début avril la barre des 90 dollars le baril pour la première fois depuis l’automne 2023, soit une hausse de 16 % des prix depuis le début de l’année.

Pourquoi ?

  • La récente variation à la hausse semble corrélée aux inquiétudes grandissantes au sujet d’une possible réponse iranienne à l’attaque israélienne contre son ambassade à Damas qui a tué sept officiers des gardiens de la révolution dont le puissant Mohammad Reza Zahedi.
  • Le prix du pétrole pourrait continuer à augmenter en dépassant les 100 dollars dans les prochains mois. Morgan Stanley a publié une note ce lundi revoyant à la hausse ses prévisions en raison de « l’augmentation récente du risque géopolitique dans les principales régions productrices de pétrole ».
  • Selon Bank of America 1, le Brent devrait culminer à 95 dollars au cours de l’été avant de baisser — un niveau qui pourrait commencer à perturber la course à la réélection du président Biden.

L’instabilité au Moyen-Orient n’est toutefois pas le seul facteur géopolitique à prendre en compte. On observe une dynamique plus large liée à la guerre en Ukraine et au rôle de la Russie au sein de l’OPEP+.

  • Le 2 avril 2023, à l’initiative de la Russie et de l’Arabie saoudite, les pays membres de l’OPEP+ coordonnaient une politique de réduction de leur production de pétrole
  • Ils n’ont toutefois pas atteint l’objectif escompté : les prix n’ont pas connu de hausse substantielle en 2023.

Comment expliquer cela ?

  • Les marchés avaient misé sur deux facteurs : l’absence de discipline au sein de l’OPEP+ et l’offre croissante de leurs concurrents.
  • La production américaine a en effet continué à augmenter : elle représente désormais un huitième de la production globale. Les États-Unis produisent aujourd’hui plus de pétrole que n’importe quel autre pays au cours de l’histoire.

Toutefois, les baisses de production annoncées par l’OPEP+ ont continué.

  • L’organisation annonçait le 30 novembre qu’elle allait continuer sa politique en réduisant sa production de 900 000 barils par jour au cours du premier trimestre 2024 dans un effort visant à enrayer la baisse des prix.
  • L’OPEP+ s’est félicitée la semaine dernière des niveaux élevés des prix en annonçant le maintien de sa politique de réductions volontaires jusqu’au mois de juillet.
  • Selon plusieurs sources proches du dossier, l’OPEP+ ne souhaite pas créer un choc inflationniste et se tient prête à relancer la production dans le cas où le prix dépasserait les 100 dollars le baril. Il est possible toutefois que cette hausse ait un impact sur les décisions à venir des banques centrales, alors que des baisses des taux sont attendues dans les grandes économies d’ici le début de l’été. 
  • Selon Ben Hoff, responsable mondial de la stratégie matières premières à la Société Générale, MBS fait ainsi planer sur les marchés « une épée de Damoclès ».

Est-ce pour autant une preuve de la force de la Russie au sein de l’OPEP+ ?

  • Remarquons d’abord qu’il y a une absence de convergence politique au sein de l’OPEP+.
  • Les sept États qui ont félicité Vladimir Poutine pour sa réélection sont soit des pays très proches de la Russie (Kazakhstan, Azerbaïdjan, Iran), soit des pays non-alignés anti-occidentaux (Algérie, Venezuela).
  • La plupart des États n’a pas réagi officiellement le lendemain de la réélection de Vladimir Poutine : l’Irak, le Brésil et le Mexique par exemple ne l’ont pas publiquement félicité.
  • L’Arabie saoudite a attendu la déclaration des Émirats arabes unis pour prendre position.
  • Par ailleurs, il faut remarquer qu’une partie de la baisse de production est subie par la Russie. Selon des sources otaniennes, les frappes ukrainiennes sur les infrastructures russes ont contribué à la réduction d’environ 15 % de la production. Les sanctions forcent également la Russie à baisser ses prix.
  • Face au risque de recrudescence des attaques ukrainiennes de drones sur ses raffineries, Moscou a demandé cette semaine au Kazakhstan de « se tenir prêt à lui fournir 100 000 tonnes d’essence en cas de pénurie » 2.

La hausse du prix du Brent semble ainsi liée à une double dynamique : l’expansion de l’économie mondiale encore fortement dépendante du pétrole et une reconfiguration de la mondialisation par la sécurité et les risques.

  • D’un côté, il est probable que la dynamique positive des économies américaine et chinoise ait produit une demande accrue, dépassant les attentes.
  • De l’autre, les perturbations en Mer rouge provoquées par les attaques houthistes contribuent à accélérer une reconfiguration des chaînes de valeurs en fonction des risques géopolitiques.
  • Notons également le cas du Mexique. Andrés Manuel López Obrador, au cœur d’une campagne électorale qui devra décider de sa succession, a décidé de limiter les exportations pour privilégier les raffineries nationales.