Cela fait plus de trois semaines que le Premier ministre Ariel Henry a démissionné. La Communauté caribéenne (CARICOM), réunie le même jour en Jamaïque avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken, avait annoncé la formation d’un « conseil présidentiel de transition ».

  • Ce nouveau conseil n’a toujours pas officiellement pris ses fonctions. Il a cependant annoncé dans un communiqué la semaine dernière qu’il s’engageait à restaurer « l’ordre public et démocratique » — dans un pays qui n’a pas voté depuis 2016.
  • Il devrait être composé de neuf membres, dont sept ont le droit de vote, représentant les principaux mouvements politiques du pays, la société civile et le secteur privé. Dès sa mise en place, il aura pour tâche de nommer un nouveau Premier ministre de transition.
  • L’une des principales attentes de la population haïtienne vis-à-vis des autorités de transition et des futurs dirigeants politiques après la séquence Ariel Henry est l’endiguement de la violence endémique qui sévit dans le pays.

Les gangs, dont les violences se sont renforcées et repandu sur le territoire haïtien depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, contrôlent désormais 80 % de la capitale Port-au-Prince.

  • Le chef de la principale coalition de gangs, G9, Jimmy Cherizier, alias Barbecue, avait menacé Haïti le mois dernier d’une « guerre civile conduisant à un génocide » si Ariel Henry ne démissionnait pas.
  • L’armée française a procédé la semaine dernière à l’évacuation en Martinique de « plus 170 ressortissants français, près de 70 européens et ressortissants d’État tiers » vulnérables1. Une trentaine de citoyens américains ont également été évacués le 17 mars.

Les Nations unies décrivent la situation sur la partie ouest de l’île de « cataclysme », ajoutant que la corruption, l’impunité et l’augmentation de la violence des gangs avaient « érodé l’État de droit ». 

  • Au cours des mois de janvier de février, l’ONU estime que la violence a provoqué au moins 1 436 victimes hors des membres de gangs — 686 morts, 371 blessés et 379 kidnappés2.
  • Sur l’année 2023, au moins 4 451 personnes ont été tuées et au moins 1 962 kidnappées.

La situation a poussé de nombreux Haïtiens à tenter d’atteindre la République dominicaine, qui accueille déjà environ 700 000 Haïtiens. La frontière est officiellement fermée depuis septembre 2023 et le gouvernement dominicain y construit un mur depuis 2022. 

  • Le président dominicain Abinader a déclaré le 24 mars qu’il « ne stopperait pas les expulsions d’Haïtiens », appelant les Nations unies à « agir davantage« et ajoutant qu’elles « ne pouvaient pas demander à la République dominicaine de régler le problème d’Haïti »3
  • L’écart continue de creuser entre les deux voisins : entre 2000 à 2023, le PIB par habitant (à prix constants) de Haïti a diminué de 9 %, alors que celui de la République dominicaine a augmenté de 59 %.

La majorité des Haïtiens qui fuient la violence de la zone de Port-au-Prince se déplacent cependant à l’intérieur du pays — 96 % des déplacés au mois de mars selon la dernière enquête de l’OIM, tandis que 3 % déclaraient se rendre en République dominicaine et 0,4 % aux États-Unis. En mars, au moins 53 000 Haïtiens ont quitté la région de Port-au-Prince4

La Mission multilatérale de soutien aux forces de sécurité haïtienne — dont la mise en place a été décidée en octobre par le Conseil de Sécurité de l’ONU — a vu son déploiement retardé. Elle devrait être dirigée par des forces kényanes.

  • Blinken a annoncé lundi 11 mars 100 millions de dollars supplémentaires pour la mission multinationale de soutien à la sécurité, portant la participation américaine totale à 300 millions de dollars.
  • Le Canada s’est engagé à fournir 80,5 millions de dollars canadiens (environ 60 millions de dollars américains) pour la mission.