L’extrême-droite est en train de changer. Comment comprendre ses mutations ? De Giovanni Orsina à Olivier Roy en passant par Klaus Welle et Hans Kundnani, nous prolongeons notre dossier sur la transformation en cours avec cette perspective sur l’actualité qui repart d’un mythe ancien. Pour nous suivre, nous accompagner et soutenir notre travail, nous vous demandons de penser à vous abonner.
Il y a quelques mois, la mort d’un jeune homme, Thomas, a sidéré la France. Sans rien connaître des circonstances du drame, l’extrême droite en fit immédiatement une Saint-Barthélémy islamique dirigée contre les « petits blancs de la ruralité ». Deux jours après les faits, Marion Maréchal les analysait ainsi : « Ce n’est que le début, cela va continuer, cela va s’aggraver, cela va se répandre sur l’ensemble du territoire. Une guerre civile commence comme cela. Elle commence quand deux peuples se regardent l’un en face de l’autre, ne se respectent plus, s’affrontent et vont jusqu’à des violences endémiques qui entraînent la mort. »
Un vieux thème de la droite et de l’extrême droite se voyait alors réactivé à grand renfort de choc des civilisations. Ce thème, c’est celui des deux France. Mais son retour s’opère dans une grammaire nouvelle et radicalisée : les deux Peuples. Radicale nouveauté, car le camp de la réaction ne théorise plus seulement Deux France pour un seul Peuple mais Deux Peuples pour une seule France. Une telle offensive conceptuelle contre la République a peu de précédents. Au cœur du système républicain français, règne le peuple souverain, un et indivisible, et l’histoire de la République est celle de l’élargissement du peuple politique au peuple tout entier par l’universalisation progressive du droit de vote. L’article 3 de la Constitution 1 de 1958 porte témoignage de cet héritage unitaire : « La souveraineté nationale appartient au peuple […]. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. » La thèse des deux Peuples en est l’exacte négation. Elle procède à la déconstruction de l’unité du peuple en des entités rivales pour la définition des normes, des mœurs et du contrôle du territoire. Elle ne peut déboucher que sur une concurrence meurtrière pour la domination. Cela n’a même rien à voir avec une certaine idée de transmission d’une civilisation — nous sommes ici au cœur d’une pensée de la survie ontologique et physique.
Parvenir à enrayer cette mécanique mortifère exige un double travail de mémoire : restituer la généalogie des Deux France et saisir comment — et par quelle modalité — la République a défait ceux qui prophétisaient et souhaitaient la guerre civile.
À la source des Deux France
Le mythe d’une France coupée en deux est vieux comme la pensée contre-révolutionnaire.
S’il prend de la force au tournant du XIXe siècle, le camp de la réaction ne le formalise véritablement qu’à partir de 1875, quand la République s’installe durablement. Au-delà des brochures de journaux, une littérature des Deux France voit le jour. Des publicistes se saisissent du sujet à l’instar d’Alexandre de Tayac, auteur tombé dans l’oubli mais dont l’essai France et France 2, sous-titré France Républicaine et Criminelle et France Catholique et Honnête contient toutes les idées réactionnaires de l’époque. La plume de De Tayac ne ménage pas la France républicaine. Il la dépeint comme impie, responsable du chaos moral et puisant ses sources dans les « mauvaises mœurs du XIXe siècle ». Cette fracture des valeurs intellectuelles se retrouverait dans la géographie française et Tayac oppose la France de l’Ouest et la France de l’Est se lançant dans d’improbables décomptes des suicides, des lieux de naissance des principaux auteurs du siècle, des crimes et du nombre de cabarets au sein de chacun des deux espaces identifiés…
Il est intéressant de noter qu’il va chercher dans la statistique et une sociologie rudimentaire les preuves des deux systèmes comme aujourd’hui l’extrême droite instrumentalise les enquêtes sur l’archipel français 3 — notamment les analyses sur les prénoms — pour justifier la déconstruction du peuple politique.
Face à cette rhétorique, les conquêtes républicaines, la disqualification de l’extrême droite — de « la France éternelle » dans le régime de Vichy — puis la domination des questions sociales et la dynamique de modernisation ont permis de conjurer le spectre des deux France.
Les réussites de la République ont, un temps, enterré les critiques existentielles dont elle avait pu faire l’objet. Quelques années après son installation, la loi du 9 décembre 1905 vient poser les bases de « la religion libre dans l’État libre » pour reprendre la formule heureuse de Ferdinand Buisson. L’enjeu pour les partisans de la laïcité et de la liberté de conscience est alors de gagner le duel contre l’Église sans brutaliser ou discriminer les religions, bref de réussir la paix civile et la réconciliation entre la France catholique et la France révolutionnaire. Après la victoire de la Première Guerre mondiale, la critique de la République n’a plus lieu d’être. L’affrontement entre Français n’a alors plus aucun sens. Le feu a fini d’unir les français autour du régime républicain. Le régime de Vichy décrédibilise ensuite durablement les apôtres de la France éternelle face à la France républicaine. Après les horreurs de l’Occupation allemande, après la séparation effective du territoire national et les fractures morales entre les collaborateurs et les résistants, le mythe de la Résistance et sa mémoire sont érigés par De Gaulle comme des priorités pour ressouder la France de la Libération. Si la France reste tiraillée par « un passé qui ne passe pas » 4, l’expérience d’un régime d’extrême droite est associée à l’esprit de défaite et à la compromission avec l’Occupation allemande. Les refrains des Deux France retrouvés dans la Révolution nationale perdent toute forme d’audience sous la IVe puis la Ve République, où gaullistes et communistes concourent à la même mystique résistancialiste 5.
Conjurer la guerre civile
Surtout, l’agenda politique de la seconde moitié du XXe siècle est dicté par l’industrialisation à marche forcée de la Reconstruction, puis l’entrée en crise manifeste du fordisme avec le choc pétrolier, qui actualisent les termes de la question sociale. La division de la société en classes n’en finit pas d’occuper les esprits. Comme le documentent Stéphane Beaud et Gérard Noiriel dans Race et sciences sociales 6, le thème de l’identité fait les frais de l’hégémonie de la lutte sociale, qui finit par se matérialiser par des victoires électorales de la gauche dans les années 1980.
À la force historique issue du Conseil National de la Résistance et appuyée sur une classe ouvrière qui s’organise mais qui reste marginalisée, succède un compromis social fondé sur l’avènement des classes moyennes et l’intégration définitive de la classe ouvrière dans la vie démocratique française. Surtout, la dynamique sociale prend le pas sur tout le reste. Au fil des années, le grand corps central de la société s’élargit. La société pyramidale de la Belle Époque fait place à la société turbinée — en forme de toupie — des Trentes glorieuses. À son sommet, les réussites des nouvelles Républiques suscitent l’émergence d’une nouvelle élite — notamment technocratique 7 — qui lui est fidèle et qui enterre en son sein, un temps, la thèse des Deux France. C’est sur cette double dynamique — consolidation de la classe moyenne 8 et organisation de la classe ouvrière — que se structure l’hégémonie culturelle de la France républicaine. 1968 fait office de crise de croissance. La question sociale règne sans partage : la grève générale n’est plus un mythe lointain mais une potentialité. Le socialisme de 1981 se décrit lui-même comme la force tranquille de la majorité sociale devenue majorité politique 9. Les années passent et la force du néolibéralisme arrive en grande pompe en 1986 — mais la question sociale revient au pas de charge. Le mouvement social de 1995 embourbe les bottes de Juppé. En 1997, la gauche revient aux affaires avec la cohabitation. Dans la foulée, le grand débat du début du siècle sera l’évaluation des 35 heures.
Le petit retour de l’identité a lieu en 2004, par la grande porte de l’école, avec la loi sur les signes ostentatoires. Si la loi est équilibrée, le procès rétrospectif de la gestion de la gauche au sujet de l’affaire du foulard de Creil en 1989 se met à tourner à plein régime. En 2007, « le travailler plus pour gagner plus » cohabite avec la promesse du ministère de l’Immigration et de l’Intégration. En 2010, c’est la loi contre le voile intégral qui domine mais en 2012, c’est la réforme des retraites et le bouclier fiscal qui seront les boulets de Nicolas Sarkozy. La question sociale est encore là. La fracture sociale dénoncée par Chirac n’a pas encore été soldée. D’ailleurs, en 2012, François Hollande fait du réenchantement du rêve français le leitmotiv de sa campagne. Puis l’agenda politique bascule : le déchaînement terroriste à répétition n’en finit pas d’endeuiller le pays. Les Français redécouvrent l’horreur de voir des compatriotes en massacrer d’autres au nom d’un fanatisme barbare qu’ils croyaient avoir enterré. Après le 11 janvier, Libération titre : « Nous sommes un peuple ». Des dessinateurs et des professeurs sont bientôt massacrés pour ce qu’ils moquent ou ce qu’ils enseignent. La disponibilité pour un sursaut identitaire gagne du terrain à chaque traumatisme dont les noms restent gravés à jamais dans nos mémoires.
Le retour du refoulé
C’est dans ce contexte que l’idée d’une identité nationale menacée par les contradictions culturelles de la société et les insuffisances de la République connaît une nouvelle jeunesse.
Patrick Buisson raconte avec beaucoup de détails dans La cause du peuple 10 comment il a persuadé Nicolas Sarkozy de miser sur le thème de l’identité française. Pour Buisson, l’enjeu de l’unité et de la transmission de la Nation est structurante : « J’aimais la nation-chaîne autant que la nation-chêne, la transmission comme l’enracinement » écrit-il dans son son long ouvrage sur la campagne de 2007. L’enjeu pour lui était plus de lutter contre les dérives de la postmodernité et les errances du libéralisme économique de la fin des années 1990 que de diviser le peuple français en plusieurs entités ethniques en guerre les unes contre les autres. C’est le conservatisme qui structure Patrick Buisson. Celui-ci avait déjà connu une première radicalisation avec le détournement de la théorie du choc des civilisations par la droite dite « républicaine ». Cette appropriation, qui commence après les attentats de 2001, tarde à se faire avancer à visage découvert : elle affirme la supériorité du fait culturel comme cadre de compréhension du monde. L’hommage de Bruno Retailleau à Patrick Buisson en dit long sur l’infusion profonde de cette idée : « Patrick Buisson a très bien montré que l’être supplantait l’avoir dans le cœur de l’homme. Il a parfaitement théorisé l’enjeu essentiel d’une politique de civilisation. »
Cette importation du cadre conceptuel du choc des civilisations n’aura de cesse de se renforcer.
Alors que, dans la pensée d’Huntington 11, il s’agit d’une grille de lecture des relations internationales, cela devient dans la matrice de l’extrême droite un processus interne puissant de déstructuration de la France alimenté par l’immigration. L’idée d’une cinquième colonne s’impose et, face à cela, ceux qui acceptent de voir la réalité en face seraient opposés à ceux qui s’y soustraient. L’une des illustrations de cette vision du monde est l’image de la red pill (pilule rouge) très fréquemment utilisée sur les contenus des militants d’extrême droite et complotistes. Tirée de l’univers de Matrix, la pilule rouge sert à dénoncer le prétendu aveuglement de la gauche progressiste et de la pensée mainstream vis-à-vis des déviances, des violences et des problèmes générés par l’immigration dans la société, dans une approche quasi-millénariste. Dans l’allocution précédemment citée à propos de Crépol, Marion Maréchal poursuit : « Les responsables politiques ont nié le racisme anti-blanc et l’ont alimenté en important sur notre sol des millions de personnes d’origine immigrée […] qui nous détestent pour ce que nous sommes, pour notre histore qui considèrent que nous sommes des faibles, des fragiles ou des mécréants ; pour ces musulmans qui considèrent que nous sommes en deça d’eux du fait que nous serions de culture ou de croyance chrétienne. »
L’importation du choc des civilisations n’est qu’une première étape dans la démolition du peuple républicain. La vision du monde portée par Éric Zemmour ou Jordan Bardella, qui reprennent à leur compte le « grand remplacement » introduit une rupture encore plus fondamentale. Cette rupture tient en peu de mots : Deux Peuples dans une seule France et non plus Deux France pour un seul Peuple. Cette idée de deux peuples dans un pays est beaucoup plus frontale que l’importation du choc des civilisations et beaucoup plus dangereuse que la simple domination de la dimension culturelle sur la question sociale. Pourquoi ? Parce qu’elle est porteuse d’une subversion radicale. En France, on la doit à Renaud Camus, qui dans le recueil désormais célèbre de ses discours, Le grand remplacement 12, fait état et affirme qu’une transformation de nature totalement nouvelle serait à l’œuvre : un changement de peuple.
La notion de « grand remplacement » évoque en effet un processus de différenciation au sein même du peuple, où l’identité individuelle est désormais déterminée par des critères intrinsèques et immuables. Cela va à l’encontre de la vision républicaine, où la citoyenneté est fondée sur l’engagement politique, l’attachement à la République, et la participation à la vie politique. Sous couvert de dénonciation d’un processus, elle s’affirme comme l’outil d’un étiquetage identitaire et politique. La stigmatisation des individus en fonction de critères indifférents à leurs actes mais par référence à ce qu’ils sont intrinsèquement ne sert plus seulement à imaginer de nouvelles discriminations injustes. Un nouveau stade est franchi dans leur esprit. Elle sert désormais à déterminer les frontières du « eux » et du « nous » dans une volonté assumée d’armer théoriquement l’insurrection contre la « contre-colonisation ».
Son principal combat théorique consiste en effet à déconstruire la notion classique de peuple — et en fait de nation — en s’attaquant à Renan 13. L’auteur estime qu’« un peuple ne peut être seulement une volonté en acte de quelque décision volontariste, la conséquence de quelques coups de tampon ». Et de dénoncer la double illusion française, l’illusion volontariste — la volonté de vivre ensemble ne peut pas créer un peuple — et l’illusion possibiliste — c’est même un projet impossible car dans les faits « ils » ne veulent pas faire peuple.
En résumé, pour cette extrême droite qui contamine chaque jour un peu plus la droite, le peuple français ne serait plus défini par un contrat politique, une tradition historique, ou une conscience collective partagée. Au contraire, il serait réduit à une ethnie et à des gènes. Cette rupture avec la conception traditionnelle du peuple français menace l’unité de la République, remettant en question la fraternité citoyenne et ouvrant la voie à des divisions internes graves.
Faire face
Notre responsabilité est grande car le moment est décisif. Nous ne pouvons pas ignorer l’offensive contre l’idée d’un peuple, un et indivisible. Nous devons prendre au sérieux ce que nous dit l’extrême droite parce qu’elle est aux portes du pouvoir. Il nous incombe de montrer en quoi le discours des Deux peuples s’attaque au fondement même de notre République, à quel point il n’est pas simplement une variation sur un thème mais une rupture qui porte en lui les germes de la guerre civile. Loin de l’idée d’une extrême droite light qui se répand aujourd’hui, on observe une radicalisation conceptuelle que la France n’a pas connue de longue date et qui nous semble mal perçue dans le débat public.
Assumer la conflictualité sociale est la meilleure assurance vie contre la guerre civile. Car le conflit social s’organise autour des intérêts matériels à conquérir et non d’une généalogie innée et indépassable. D’ailleurs, l’expérience historique nous montre que lorsque la question sociale domine l’agenda, le spectre de la guerre civile identitaire semble disparaître de la conscience collective. Les enquêtes d’opinion 14 montrent bien à quel point les français restent préoccupés par les enjeux matériels comme l’inflation qui abîme leur vie depuis trois ans. Notre mission est de sans cesse mettre le travail sur l’établi pour imposer que les termes du débat soient les nôtres et que l’agenda social écrase la diversion identitaire. La question est brûlante. Présentement, notre tâche historique est de construire la réponse politique à la mobilisation exceptionnelle des Français contre la réforme des retraites : en 2023, 3,5 millions d’entre eux ont marché à plusieurs reprises pour refuser le décalage de l’âge de départ à la retraite. Leur détermination doit pouvoir trouver une réponse politique à la hauteur.
Assumer la conflictualité exige aussi de nommer l’adversaire 15 sans céder à la facilité de l’homme de paille. Or force est de constater que la question identitaire fait des heureux. On voit ce qu’il peut y avoir de commode à renvoyer deux prétendus peuples dos à dos pour expliquer le malheur public, à ne pas assumer la part de responsabilité des élites qui président aux destinées de la Nation. Si nous pataugeons dans la mondialisation, ce n’est pas à cause des 35 heures ou de l’immigration, mais bien à cause des erreurs monumentales de nos élites qui ont fait le choix de l’inégalité, de la désindustrialisation et de la relégation de l’État. Regardons les choses avec lucidité : devant les réussites insolentes des Américains, devant la rigueur allemande supposée et devant la puissance chinoise qui s’avance, les Européens semblent démobilisés. L’élite politique du pays ne semble pas avoir d’autre solution à offrir à la France qu’un agenda de réformes sans imagination qu’elle empreinte dans un répertoire néolibéral dépassé. Elle ne fait plus modèle. Elle ne fait plus école. Là où l’on sublimait jusqu’à l’aveuglement l’esprit de résistance des français, on ne voit plus que des gaulois réfractaires. La soif historique d’égalité du pays n’est plus perçue que comme une forme d’arriération pénalisante dans le grand jeu de l’économie mondiale. Bref, il y a en son sein un parfum de fin de règne qui fait penser à ce que disait Hippolyte Taine de l’aristocratie d’Ancien Régime « des généraux qui mangent des petits fours depuis 150 ans. » Elle porte une lourde responsabilité dans l’état de notre présent.
Il faut aussi assumer de dire que les enjeux liés à la sécurité, à l’immigration et à l’intégration — tous ces thèmes qui travaillent aujourd’hui les Français — ne sont pas indignes. Loin s’en faut : ils charrient leur lot de questions légitimes sur la vie en société. Mais il faut absolument refuser que le traumatisme collectif qu’a constitué les attaques terroristes qui ont touché le pays depuis 2015 contaminent complètement nos imaginaires et nos représentations de millions de compatriotes. Les discours du choc des civilisations, des « Français de papier » et des deux Peuples ne s’embarassent pas de la réalité des dynamiques sociales d’intégration, de métissage qui constituent le socle de la réalité vécue. Si l’on suivait l’extrême droite il pourrait même se trouver deux peuples dans une même famille pourvu que celle-ci soit une famille mixte — tout cela n’est pas sérieux, ni en phase avec la complexité du monde.
Pour finir avec le mythe des deux France, la gauche devrait consolider son ancrage républicain plutôt que de s’en éloigner. Attachée à l’unité du peuple, à l’indivisibilité de la République et à une certaine idée de la Nation comme produit de la volonté commune, elle peut être un rempart contre la rhétorique de la guerre civile. Nous devons d’abord répondre en politique au discours polémique : car la division du peuple, en plus d’être une aberration conceptuelle, porte en elle le germe de la violence. Sous couvert de défense de la civilisation, l’extrême droite prépare avec « les deux Peuples » l’une des plus grandes régressions civilisationnelles que le pays ait connu depuis longtemps. Sachons l’arrêter à temps.
Sources
- L’article 3 de la Constitution française du 4 octobre 1958 énonce les principes fondamentaux de la souveraineté nationale. Voici le texte de l’article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. »
- Alexandre de Tayac, France et France, La France conservatrice et honnête, la France républicaine et criminelle, Paris, 1887.
- Jérôme Fourquet, L’Archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée, Paris, Seuil, 2019.
- Éric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Fayard, Paris, 1994.
- Olivier Wieviorka, La Mémoire désunie : le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Seuil, Paris, 2010.
- Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, Race et sciences sociales : Essai sur les usages publics d’une catégorie, Agone, Marseille, 2021, p. 157.
- Pierre Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Seuil, Paris, 1990.
- Henri Mendras, La Seconde Révolution française, Gallimard, coll. « Folio essais », Paris, 1994 (première édition : 1988).
- Discours d’investiture de François Mitterrand, le 21 mai 1981 : « C’est en leur nom d’abord que je parle, fidèle à l’enseignement de Jaures, alors que, troisième étape d’un long cheminement, après le Front populaire et la Libération, la majorité politique des Français démocratiquement exprimée vient de s’identifier à sa majorité sociale ».
- Patrick Buisson, La cause du peuple, Perrin, Paris, 2016.
- Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Odile Jacob, Paris, 1997.
- Renaud Camus, Le grand remplacement : Introduction au remplacisme global, La Nouvelle Librairie Éditions, Paris, 2021.
- L’auteur de Qu’est-ce qu’une Nation ? conférence prononcée en 1882 à la Sorbonne.
- Balise d’opinion #248, Les événements marquants de 2023 et les grands espoirs pour 2024, Ifop-Fiducial pour Sud Radio, décembre 2023.
- Alain Touraine, Théorie et pratique d’une sociologie de l’action, Seuil, Paris, 1978. C’est dans le sens que lui a donné Alain Touraine que nous mobilisons cette notion d’« adversaire » : « Une classe n’est pas une situation mais un acteur qui combat contre l’autre, contre la classe opposée pour le contrôle de l’historicité et au-delà pour accroître son influence institutionnelle et modifier à son profit le système d’autorité qui régit les organisations. Toute classe agit dans deux directions à la fois. Elle combat son adversaire et elle élabore un projet de gestion sociétale ; elle invoque des intérêts et se réfère à des orientations culturelles qu’elle partage en tant que telles avec son adversaire social tout en les interprétant de manière opposée ». p. 27.