Le manque de munitions et de matériel militaire constitue la partie la plus visible des défis auxquels l’armée ukrainienne est confrontée sur le terrain. Cependant, sans personnel suffisamment entraîné pour tirer profit de ces équipements, le déblocage potentiel — bien qu’actuellement peu probable 1 — de l’aide militaire américaine ainsi que l’augmentation du rythme de livraisons et de production par les Européens ne permettront pas de procurer à l’Ukraine l’avantage décisif dont elle a besoin pour repousser les forces russes.

  • L’International Institute for Strategic Studies (IISS) estime que l’Ukraine disposait de 800 000 personnels actifs en décembre 2023 contre environ 1,1 million pour la Russie.
  • On considère qu’environ 330 000 hommes et femmes sont actuellement déployés sur le terrain au sein des forces armées ukrainiennes, le reste occupant diverses fonctions à l’arrière.
  • Afin de faire face à la création de nouvelles armées par la Russie et à une potentielle nouvelle mobilisation, Kiev cherche à renforcer ses armées avec 450 000 à 500 000 soldats supplémentaires 2.

Pour ce faire, un projet de loi adopté en première lecture le 7 février dernier vise à abaisser l’âge minimum de la conscription de 27 ans à 25. Cette mesure est néanmoins très impopulaire au sein même du parti de Volodymyr Zelensky, « Serviteur du peuple » (Слуга народу3.

Au-delà de son impopularité, la mobilisation de centaines de milliers de combattants supplémentaires soulève également des questions financières et matérielles.

  • Le Financial Times estime que 3,7 millions d’hommes ukrainiens seraient mobilisables en excluant la population âgée de moins de 25 ans et de plus de 60 ans, les handicapés, les travailleurs « essentiels », ceux ayant quitté le pays ou résidant dans les territoires occupés par la Russie 4.
  • Si l’infanterie requiert des équipements relativement moins coûteux, des financements supplémentaires ainsi que du temps seront nécessaires pour former les nouvelles unités.
  • Le chercheur au Belfer Center for Science and International Affairs de la Harvard Kennedy School Simon Saradzhyan estime que 15,7 milliards de dollars par an seront nécessaires uniquement pour payer les salaires des nouvelles recrues 5.
  • Ce montant représente près de 34 % du budget ukrainien alloué à l’armée pour l’année 2024.

L’annonce récente par le commandant en chef des forces armées ukrainiennes Oleksandr Syrsky de la mise en place de rotations est un signe positif, alors que certains combattants n’ont eu le droit qu’à quelques jours de permission depuis le 24 février 2022 6. Cependant, la stabilité de la ligne de front à moyen et long terme dépendra de la capacité de l’Ukraine à recruter et à former de nouveaux combattants.

Sources
  1. Dimanche 24 mars, le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine, l’élu républicain Michael McCaul, a déclaré qu’un vote sur l’aide militaire à l’Ukraine aura lieu après Pâques, lorsque la Chambre se réunira à son retour à Washington le 9 avril. Le speaker républicain Mike Johnson a jusqu’à présent bloqué tout vote à la Chambre depuis que le Sénat a passé un paquet comprenant 60 milliards pour l’Ukraine le 13 février dernier. « Transcript : House Foreign Affairs Committee chairman Rep. Michael McCaul on « Face the Nation, » March 24, 2024 », CBS News.
  2. Pavel Polityuk et Tom Balmforth, « Ukraine considers proposal by army to mobilise another 500,000 for war », Reuters, 20 décembre 2023.
  3. Nikita Nikolaienko et Ian Lovett, « Ukraine’s Battered Army Grapples With Growing Troop Shortage », The Wall Street Journal, 24 mars 2024.
  4. Isobel Koshiw, « Ukraine needs 500,000 military recruits. Can it raise them ? », Financial Times, 13 mars 2024.
  5. Simon Saradzhyan, « Population Numbers Allow Ukrainian Military to Call Up 500,000, But Can It Afford to Keep Them ? », Belfer Center for Science and International Affairs, 11 janvier 2024.
  6. Fabrice Deprez, « Ukraine Needs More Fighters. But further mobilization is unpopular—and politically sensitive. », Foreign Policy, 20 février 2024.