Le 28 janvier, les trois juntes militaires au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger ont annoncé leur retrait de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

  • Les trois pays étaient suspendus de l’organisation qui a conditionné leur retour au « rétablissement de l’ordre constitutionnel » et à la mise en place d’une transition démocratique par l’organisation d’élections.
  • Au Niger, des sanctions économiques sont toujours en place depuis le 30 juillet 2023 — quatre jours après le putsch militaire —, lui interdisant toute transaction financière et commerciale avec les pays de la communauté économique.
  • Les trois pays représentent actuellement 17 % de la population de la CEDEAO et pesaient environ 8,4 % de son PIB en 20231.

L’annonce de retrait de la CEDEAO entérine le rapprochement politique des trois juntes, après la formation d’une alliance sécuritaire, et augmente les risques d’éclatement de la communauté économique.

  • Les trois pays ont signé en septembre la Charte du Liptako-Gourma, créant l’Alliance des États du Sahel (AES). Ce pacte sécuritaire pourrait, à terme, constituer la base d’une évolution vers une union économique, commerciale et monétaire.
  • Ainsi, le 1er décembre 2023, les ministères des Affaires étrangères du Mali, du Niger et du Burkina Faso ont publié un communiqué conjoint recommandant la création d’une confédération. 

Les trois pays restant cependant membres de la zone économique et monétaire UEMOA réunissant huit pays, et dont la monnaie est le franc CFA — tous également membres de la CEDEAO.

Le risque d’une intervention militaire de la CEDEAO au Niger, qui a accéléré la formation de l’AES, semble cependant être retombé. Le terrorisme reste la principale menace sécuritaire régionale.

  • « Aucun des pays concernés, que ce soit le Mali, le Burkina Faso ou le Niger, n’a la capacité de mener une guerre conventionnelle actuellement », analysait Wassim Nasr, à l’heure où des pans entiers des territoires des trois États ne sont plus sous le contrôle des autorités.
  • Le Burkina Faso allouera 29,49 % de son budget à la défense cette année, selon le ministre de l’Économie2
  • Si les trois pays sont parmi les plus exposés au terrorisme, le Nigéria — qui représente 51 % de la population et 55 % du PIB de la CEDEAO — continue également de lutter contre Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest dans le nord-est du pays.
  • L’annonce des trois pays intervient dans le sillage du retrait des dernières troupes françaises au Niger (le 22 décembre) et de la Minusma au Mali, officiellement achevée le 31 décembre.
  • Washington a également prévu une diminution de ses effectifs au Niger, passant de 1 016 à 648 hommes et contractors. Le maintien de la collaboration avec la junte au pouvoir s’explique entre autres par la volonté des États-Unis de contenir l’influence de Wagner dans le pays. « Alors que certains pays se sont tournés vers divers moyens pour assurer la sécurité, y compris vers des partenaires tels que le groupe Wagner, nous avons plutôt constaté une aggravation du problème », déclarait Antony Blinken lors d’une visite au Nigéria le 23 janvier. 

La CEDEAO a déclaré qu’elle « restait déterminée à trouver une solution à l’impasse politique » et qu’elle n’avait pas reçu de notification formelle des trois retraits, annoncés dans les médias au Mali et au Niger3. La procédure demande un an à partir de la notification formelle du retrait selon le traité de la CEDEAO4

Sources
  1. Selon les estimations du PIB réel publiées par le FMI.
  2. Ministère de l’Économie du Burkina Faso, « Budget de l’Etat, exercice 2024 : le Gouvernement obtient le quitus des députés de l’ALT », 18 décembre 2023.
  3. CEDEAO, Communiqué sur le Burkina Faso, le Mali et le Niger, 28 janvier 2024.
  4. Traité révisé de la CEDEAO, Article 91.