La nouvelle taxe entrant en vigueur aujourd’hui – officiellement nommée Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) – cible les émissions de carbone « importées » par les entreprises de l’Union.

  • Inclus dans le paquet législatif Fit for 55, le MACF est une réponse au problème de « dumping » environnemental et de « fuites de carbone » soulevé par le développement de la législation de l’Union sur les émissions, c’est-à-dire la mise en compétition des produits européens soumis aux législations de l’Union avec des produits importés soumis à des législations carbone moins strictes. 
  • Le mécanisme vise ainsi à dissuader les entreprises produisant sur le sol européen de délocaliser leur production pour contourner les législations européennes. 
  • En termes de recettes fiscales pour l’Union, les revenus directement liés au mécanisme sont pour l’instant évaluées à 1,5 milliard d’euros par an à partir de 20281

La phase qui vient de s’ouvrir aujourd’hui est la première du dispositif. Elle vise à récolter une première vague de déclarations des entreprises et à évaluer les coûts pour les entreprises et les montants qui seront prochainement collectés.

  • La principale difficulté de la mise en place d’un tel mécanisme, évoquée depuis le début des discussions sur le MACF il y a plusieurs années, est l’évaluation et la définition de l’intensité carbone des produits importés – base de leur inclusion dans le MACF – en l’absence de bases de données exhaustive des niveaux d’émissions des installations industrielles en dehors d’Europe. 
  • Pour plus de simplicité, les débats sur cette version du MACF ont finalement abouti au choix de cibler une liste de produits définis comme « à forte intensité carbone », dont l’acier, le ciment, l’aluminium, les engrais azotés et l’électricité.
  • Les entreprises devront transmettre leur première déclaration en janvier 2024, pour leurs importations du dernier semestre 2023. Le paiement effectif de la taxe doit commencer en janvier 2026.

À terme, l’objectif du MACF, en plus de corriger les prix, est avant tout d’inciter ses partenaires commerciaux à mettre en place des législations et des dispositifs de taxation du carbone alignés sur les standards européens.

  • En particulier, la Turquie, l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Union, a lancé des travaux d’évaluation d’impact dès 2021 – en partenariat avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement2 – afin de préparer son industrie à des standards plus élevés en termes de limitation des émissions de carbone. 

L’impact économique de la taxe carbone aux frontières pourrait également être significatif pour le Royaume-Uni, exportateur d’électricité vers l’Union. 

  • L’électricité importée entre dans le périmètre de la taxe carbone aux frontières.
  • La taxe européenne arrive dans le sillage d’une réforme du gouvernement Sunak annoncée en juillet ayant entraîné – en augmentant le nombre de permis d’émission disponibles – une diminution du prix des permis d’émission carbone britanniques jusqu’à un niveau inférieur de plus de 50 % à celui des permis d’émissions de l’Union. Fin septembre 2023, le prix des permis d’émissions carbone sur le marché de l’Union se situait autour de 84 euros par tonne, contre 39 euros sur le marché britannique3
  • En bref, s’il est devenu moins cher de produire en émettant du CO2 – et donc sans utiliser d’énergies renouvelables – au Royaume-Uni, la mise en place du MACF européen va changer la donne en imposant sur l’électricité britannique, encore produite à près 40 % via des énergies fossiles, un surcoût pour les importateurs européens.
  • Le gouvernement Sunak a déjà été critiqué pour cette réforme ayant pour effet direct de réduire les incitations à investir dans les énergies renouvelables. C’est finalement la nouvelle taxe européenne qui pourrait faire advenir plus rapidement que prévu les conséquences financières de ce ralentissement de la transition énergétique britannique.