Depuis plusieurs mois, les avancées ukrainiennes et russes le long de la ligne de front se mesurent en quelques kilomètres voire dizaines de kilomètres par semaine, bien loin des grands mouvements des premiers mois du conflit et de l’automne 20221. Si les estimations varient, on peut évaluer le progrès ukrainien dans la direction de Robotyne à une trentaine de kilomètres (en profondeur) au cours de la semaine qui vient de s’écouler.

  • À l’échelle du pays, Kiev n’a libéré que 0,25 % de son territoire depuis le lancement de la contre-offensive en juin.
  • Ces progrès relativement faibles ne signifient pas que les pertes humaines et matérielles sont elles aussi moindres, comme en témoignent les « lourds bilans » subis par les unités russes face à l’artillerie ukrainienne en périphérie de Bakhmout2.
  • Il est toutefois difficile de voir comment les deux armées — particulièrement celle de Kiev — seront en mesure de soutenir ce rythme de feu au cours des prochains mois, tant les goulets d’étranglement dans la chaîne de production d’obus sont nombreux et les ressources en quantité limitée3.

Selon plusieurs sources russes, des forces ukrainiennes sont entrées vendredi dans le village de Verbove, situé à 15 kilomètres à l’Est de Robotyne, où Kiev a récemment percé la première ligne de défense russe4. Dimanche, des images montraient un véhicule de combat d’infanterie ukrainien opérant à proximité du village, ce qui pourrait signifier que l’armée ukrainienne a consolidé sa position ou bien qu’il s’agissait d’une sortie de reconnaissance isolée.

  • Au 25 septembre, il semble que la « brèche » ouverte à Robotyne par Kiev ne s’est toujours pas transformée en « percée », si l’on s’en réfère aux précédents instaurés par les opérations militaires d’ampleur similaire au cours du XXe siècle5.
  • Cette absence de « percée » ne doit cependant pas être nécessairement lue comme un échec du commandement ukrainien, étant donné que celui-ci semble vouloir mener une guerre d’attrition visant à affaiblir les défenses et les réserves russes, ouvrant la voie à des gains principalement tactiques.
  • Si cette stratégie semble fonctionner pour le moment, elle requiert néanmoins un soutien militaire extérieur important et continu. Or, la récente annonce du président du Conseil des ministres polonais Mateusz Morawiecki ainsi que la perspective d’une victoire du Parti républicain aux États-Unis en 2024 menacent, à terme, la pérennité de ce soutien6.

Lundi matin, la Russie a continué sa campagne de frappes aériennes contre les infrastructures portuaires ukrainiennes visant à nuire aux capacités de Kiev à exporter ses productions — principalement des céréales. Selon le ministre de la Défense ukrainien, cette attaque est une « vengeance » pour la mort supposée du commandant de la flotte de la mer Noire russe Viktor Sokolov dans la frappe de vendredi contre le quartier général de Sébastopol7.

Sources
  1. Henry Foy, Sam Joiner, Sam Learner et Caroline Nevitt, « The 90km journey that changed the course of the war in Ukraine », Financial Times, 28 septembre 2022.
  2. Anna Voitenko, « Ukrainian heavy artillery inflicts ‘hell’ on Russian lines near Bakhmut », Reuters, 23 septembre 2023.
  3. Lara Jakes, « Europe Made a Bold Pledge of Ammunition for Ukraine. Now Comes the Hard Part. », The New York Times, 23 septembre 2023.
  4. George Barros, Kateryna Stepanenko, Riley Bailey, Angelica Evans, and Frederick W. Kagan, Russian Offensive Campaign Assessment, September 24, 2023, Institute for the Study of War.
  5. Barry R. Posen / MIT/DACS Conventional Forces Working Group, Breakthroughs : Armored Offensives in Western Europe 1944, 2009.
  6. Vanessa Gera, « Poland is done sending arms to Ukraine, Polish leader says as trade dispute escalates », Associated Press, 21 septembre 2023.
  7. « Ukraine says Russian Black Sea Fleet Commander killed, no comment by Moscow », Reuters, 25 septembre 2023.