Si en public Vladimir Poutine assure les milieux économiques qu’aucun retour en arrière sur les privatisations n’est prévu par le Kremlin – le plus récemment lors du Forum économique oriental de Vladivostok qui s’est clos la semaine dernière – plusieurs entreprises russes ont été nationalisées depuis le début de la guerre. 

  • L’entreprise de transport maritime FESCO – qui vient d’annoncer une possible expansion de ses activités en Afrique du Nord – est l’un des derniers exemples en date. Arrêté en 2018 pour « racket et détournement de fonds publics », l’homme d’affaires Ziyavudin Magomedov, qui détenait plus de 30 % de FESCO, a vu les actifs de l’entreprise gelés puis confisqués par l’État russe, avant d’être condamné à 19 ans de prison en décembre 2022.
  • L’État russe à également saisi 94,2 % du producteur de méthane Metafrax Chemicals, après la décision d’un tribunal qui déclarait illégale la privatisation de l’entreprise en 1992 car elle avait été faite « sans décision de la part du gouvernement » et constitue « une violation de la souveraineté économique de la Fédération de Russie et de sa capacité de défense »..
  • Dans un autre domaine stratégique, l’État russe a également lancé des poursuites contre l’homme d’affaires Andrei Melnichenko — classé comme le Russe le plus riche du monde par Forbes en 2023 avec une fortune estimée à 24,7 milliards de dollars — pour acquisition illégale d’actifs. En vue, la récupération de SIBECO entreprise productrice d’électricité en Sibérie. 
  • L’ ex-directeur de l’ONG Transparency International Russie, Ilya Shumanov, estime à pas moins de 17 le nombre de nouvelles poursuites judiciaires lancées en 2023, avec en vue une appropriation des actifs par l’État russe.

Les secteurs stratégiques, au premier rang desquels l’énergie, semblent être la première cible du Kremlin, dans le contexte de la guerre en Ukraine. 

  • Depuis le début de la guerre, plus de quarante oligarques et de figures d’opposants politiques russes — pour la plupart vivant à l’étranger — auraient trouvé la mort accidentellement ou se seraient suicidés. Parmi eux, plus du quart étaient directement impliqués dans les grandes entreprises russes du secteur de l’énergie.

L’apparition de la catégorie sociale désignée par le terme générique d’« oligarque » est le résultat des vagues de privatisations successives qui ont suivi la chute de l’URSS. Ces privatisations, l’émergence des oligarques et son impact sur les inégalités dans la société russe sont notamment reflétées dans les données décrivant le différentiel de croissance des différents centiles de revenu de la population russe : sur trente ans, 1986 à 2016, la catégorie de population qui a connu la plus importante croissance de son revenu en moyenne est le top 1 %, tiré en particulier par le top 0,001 % (qui a connu une croissance de presque 15 %)1.

Le retour au pouvoir de Vladimir Poutine en 2012 avait été marqué par un débat prégnant sur les privatisations qui avait mené le président russe à rassurer les investisseurs dès le tout début de son mandat, déclarant : « Le capitalisme d’État n’est pas notre but ».

Sources
  1. Analyses Novokmet, Piketty, Zucman, « From Soviets to oligarchs : Inequality and property in Russia, 1905-2016 », The Journal of Economic Inequality, 2018.