Depuis 2008, l’Union européenne a subi de multiples crises et affronté de redoutables chocs de souveraineté  : crise des dettes souveraines, afflux de réfugiés, Brexit, pandémie, guerre en Ukraine. Peu préparée à assumer un rôle géopolitique, elle a néanmoins adopté une « boussole stratégique » et mis en place des politiques — monétaires, sanitaires, et diplomatiques — sans précédent dans sa récente histoire. Pour autant, face aux rivalités sino-américaines et à la résurgence des dynamiques impériales, peut-elle encore se dérober aux logiques de puissance pour encourager la médiation, la négociation et la coopération dans un cadre multilatéral  ? Doit-elle, de manière réaliste, renoncer à toute prétention à l’autonomie  ? Cette vision a longtemps prévalu. Ces dernières années, relevant l’impuissance de l’Union à définir une politique étrangère commune ainsi que sa faiblesse en matière de défense, qui confère aux États-Unis la fonction de décision, certains analystes avaient conclu au mirage de l’autonomie stratégique1. D’autres font écho à la leçon de Robert Kagan2  : excluant de patauger dans la « boue de l’histoire », les Européens se seraient émancipés du monde hobbesien, de l’état de guerre de tous contre tous  ; ils auraient construit un îlot de paix et de prospérité dans le chaos du monde — l’Europe pacifique kantienne aux antipodes de l’Amérique belliciste hobbesienne. Selon Kagan, l’aversion européenne pour l’usage de la force comme moyen de régler les conflits internationaux serait la rançon même de leur impuissance, la volonté de pacifier le monde n’étant que le moyen de masquer sa vulnérabilité dans les rapports de force, tout en profitant du parapluie américain. Enfin, d’autres auteurs, comme Étienne Balibar, ont proposé il y a une dizaine d’années — bien avant la guerre en Ukraine, récemment qualifiée de « guerre juste » — une vision alternative de l’Europe vouée à renoncer à la logique de puissance pour contribuer à civiliser la violence  : si l’Union n’a pas choisi une fois pour toutes la religion du droit contre la force, si elle est loin d’avoir mis fin à la Machtpolitik, elle doit cependant accéder au statut de « médiateur évanouissant », renoncer à la rivalité armée et au régime habituel de la puissance pour infléchir les évolutions géopolitiques en cours3.

Il ne faut pas céder à l’espoir vain selon lequel l’Union européenne aurait sonné le glas de la violence sur le continent.

Thierry Chopin et Céline Spector

Il faut néanmoins interroger la conjoncture présente, celle où l’Europe assiste, en partie impuissante, aux grandes manœuvres de ses rivaux. Peut-on, face à l’ambition néo-impériale russe autant qu’au désir hégémonique chinois, ou même américain, parier sur l’échec du réalisme politique et désirer, à l’extérieur comme à l’intérieur, une politique de l’im-puissance  ? Notre pari serait plutôt de refuser l’alternative manichéenne entre réalisme et idéalisme dans les relations internationales. Car les réalistes, à la différence de Thucydide lui-même, ont sous-estimé le rôle des idéaux, des passions et des facteurs politiques, comme la nature du régime, dans l’élaboration de la politique étrangère4  ; ils ont minimisé le rôle du soft power et dédaigné les normes engendrées par les organisations internationales, que le droit a vocation à incorporer. Pour autant, il ne faut pas céder à l’espoir vain selon lequel l’Union européenne aurait sonné le glas de la violence sur le continent. Comme le relève Stanley Hoffman, nous avons eu, à notre tour, nos « illusions perdues »5.

L’ambition de cette contribution est donc d’envisager une tierce voie pour concevoir la transition géopolitique de l’Union européenne. Ni purement kantienne ni cyniquement machiavélienne, l’Union doit adopter des principes de politique étrangère qui conviennent à sa forme politique singulière — une République fédérative qui n’est ni un État, ni un Empire6. Dans cet esprit, l’idée d’un nouveau « moment tocquevillien » de l’Union permettra de répondre à la fois aux thuriféraires de la voie kantienne et aux partisans d’une voie machiavélienne pour l’Union européenne7. Si le premier « moment tocquevillien » de l’Union est survenu lors de la  tentative avortée de lui donner une Constitution, comme le souligne à juste titre Kalypso Nicolaïdis, le second apparaît dans la conjoncture actuelle, dans le domaine de la politique étrangère tout autant que de la politique intérieure8. La querelle constitutionnelle, avant 2005, invitait à comprendre la transition politique de l’Union entre un régime élitiste (aristocratique) et un régime plus démocratique, encore inabouti. La polémique sur la puissance, une vingtaine d’années plus tard, puise chez l’auteur de De la démocratie en Amérique — héritier de Montesquieu une réflexion sur les vertus d’une République fédérative qui n’a pas à se muer en État fédéral9. En défendant l’homogénéité politique de ses principes, l’Union doit s’affirmer comme une puissance et faire front face aux « fractures de la guerre étendue »10 et à la rivalité sino-américaine qui structure désormais une nouvelle Guerre froide.

En défendant l’homogénéité politique de ses principes, l’Union doit s’affirmer comme une puissance et faire front face aux « fractures de la guerre étendue ».

Thierry Chopin et Céline Spector

La « voie kantienne »  : vertus et limites du cosmopolitisme

Depuis le milieu des années 1990, l’Union européenne est interprétée comme incarnation d’une « voie kantienne » de la politique, dans la postérité du Projet de paix perpétuelle. L’offensive des théories néo-kantiennes date de la Chute du mur de Berlin et du Traité de Maastricht  ; elle s’est poursuivie lors de l’élaboration du Traité constitutionnel européen dans les travaux de Jürgen Habermas et Jean-Marc Ferry notamment11. Leur argument est puissant  : expérimentation du cosmopolitisme à l’échelle régionale, l’Union unit les peuples autour de principes et de valeurs universelles, comme celles que rappelle le Préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne intégré au traité de Lisbonne (dignité, liberté, égalité, solidarité). Dans l’Union, les États membres sont démocratiques  ; sa forme politique est une quasi-fédération d’États libres, susceptible de s’étendre au gré des élargissements successifs. Dans cet esprit, l’Europe est enrôlée sous la bannière du droit cosmopolitique kantien. Grâce à la Charte des droits fondamentaux, tout citoyen est justiciable devant la Cour de Justice de l’Union européenne et peut faire valoir ses droits, désormais opposables à son propre État national. Le droit commun européen retient et approfondit des éléments propres au droit cosmopolitique, qui favorise une union des peuples  : tel est le cas de la liberté de circulation et d’installation des personnes sur tout le territoire de l’Union. Ancrée dans l’universalisme des droits de l’homme, l’interprétation kantienne de l’intégration a également marqué de son sceau l’analyse de la méthode européenne en matière de relations internationales : la préférence pour une politique diplomatique et humanitaire hostile à la Realpolitik et rétive aux intimidations de la politique de puissance.

Néanmoins, certaines apories issues du kantisme semblent insurmontables  : comment une association libre d’États, qui relève normalement du droit des gens, pourrait-elle devenir davantage qu’une organisation internationale et s’engager sur la voie d’une union fédérative  ? Et peut-on étendre au monde le modèle européen, alors que l’Union a bel et bien des frontières  ? 

À cet égard, les théories de l’Europe cosmopolitique s’avèrent difficiles à suivre jusqu’au bout. D’une part, l’application d’un schème universaliste à une entité dotée d’une singularité géographique et historique n’a rien d’évident. Dans certaines de ses versions du moins, l’Europe cosmopolitique récuse à tort la question des frontières, et donc celle de l’Europe politique12. Présenter l’Union européenne comme un projet cosmopolitique conduit aussi parfois à négliger les contingences de son histoire13. D’autre part, l’Union européenne offre au niveau régional une garantie des droits à la fois plus étendue et plus restreinte  : plus étendue pour ses citoyens, qui bénéficient d’un droit de résidence et de séjour, mais aussi de droits sociaux et politiques  ; plus restreinte pour tout membre d’un pays tiers, surtout s’il semble devoir constituer une charge pour les pays d’accueil. La désastreuse gestion de la « crise migratoire » prouve que les États de l’Union européenne refusent toute extension du statut de citoyenneté à des ressortissants extra-communautaires, qui peuvent parfois difficilement prétendre à la protection du droit d’asile. Les avantages de la citoyenneté ne sont pas voués à s’étendre, dans l’immédiat du moins  ; le droit européen ne sera sans doute jamais un droit cosmopolitique accompli. Telle est la raison pour laquelle les défenseurs d’un cosmopolitisme fort, qui prétendent appliquer les principes de justice globale à tous les êtres humains au nom de leur égalité en droit, critiquent le pseudo-cosmopolitisme européen qui constitue en réalité une entrave à la justice universelle14.

La désastreuse gestion de la « crise migratoire » prouve que les États de l’Union européenne refusent toute extension du statut de citoyenneté à des ressortissants extra-communautaires, qui peuvent parfois difficilement prétendre à la protection du droit d’asile.

Thierry Chopin et Céline Spector

Enfin, l’idéal cosmopolitique lui-même n’est pas à l’abri des critiques. Depuis les objections profondes formulées par Rousseau contre l’idée d’une société générale du genre humain15, les détracteurs du cosmopolitisme soulignent que le sentiment d’appartenance fait défaut au niveau de l’humanité  : quand bien même l’idéal cosmopolitique tendrait à diminuer la haine, l’intolérance et la crainte entre les peuples, il aurait du mal à s’imposer aux citoyens désireux de se sentir protégés par leurs institutions de manière préférentielle. Corrélativement, le cosmopolitisme risque d’occulter les sources de conflits sous une idéologie humaniste, en assignant aux hommes un bien commun qui demeure illusoire  ; il neutralise la possibilité même d’une communauté politique (et non éthique). Idéaliste, le cosmopolite peine à contrer l’objection selon laquelle son idéal moral conduit à une forme de dépolitisation  : lorsqu’il est associé à l’idéal d’un État mondial dénué de frontières et interprète le droit de visite comme un droit de cité — ce qui est loin d’être le cas de tous les défenseurs de l’Europe cosmopolitique16 —, l’idéal d’hospitalité universelle peut être interprété comme le paravent d’une volonté de destruction des identités politiques. Car comment constituer des procédures de délibération et de décision sans institutions représentatives17  ? Peut-on dépasser l’universalisme abstrait pour incarner les principes dans des communautés particulières  ? Et comment défendre son existence et sa puissance dans un univers miné par la violence  ? 

Si les formes de légitimité invoquées par l’Union européenne (hostiles à la raison d’État) révèlent l’identité politique des Européens après les deux suicides collectifs du XXe siècle, la question se pose de savoir dans quelle mesure cette composante « kantienne » et « cosmopolitique » de la politique européenne pourrait suffire à fournir les ressources pour théoriser les conditions de possibilité d’une capacité d’action de l’Union, dotée des moyens de la puissance, dans le contexte actuel de brutalisation des relations internationales. Kant avait d’ailleurs anticipé cette question  : « cette alliance (l’alliance de paix conclue entre des peuples cherchant à éviter pour toujours les guerres) ne vise pas à acquérir une quelconque puissance politique, mais à seulement conserver et à assurer la liberté d’un État pour lui-même et en même temps celle des autres États alliés »18. L’auteur du Projet de paix perpétuelle n’envisageait pas pour sa fédération de frontières définies « puisque toutes les nations libres participeront à terme à l’Europe rationnelle »19. La question est dès lors la suivante  : si l’on prend uniquement en compte ce versant cosmopolitique, comment penser l’Europe comme entité politique capable de trouver sa place dans le contexte de rivalités entre puissances dans le monde  ?

Si l’on prend uniquement en compte ce versant cosmopolitique, comment penser l’Europe comme entité politique capable de trouver sa place dans le contexte de rivalités entre puissances dans le monde  ?

Thierry Chopin et Céline Spector

Le « moment machiavélien »  : les risques du réalisme

Aux antipodes de cette « voie kantienne » qu’ils jugent sans topos ni kairos, certains auteurs ont récemment voulu réhabiliter l’idée d’un « moment machiavélien » de l’Union européenne. Il faut prendre acte de la métamorphose de l’Union, lorsque sous l’impulsion des crises depuis 2008, la politique de la règle cède la place à celle de l’événement : c’est alors que survient le « moment machiavélien », ainsi nommé dans le sillage de John Pocock qui évoquait l’aventure républicaine en Europe et aux États-Unis20. Pourquoi Machiavel ? La transformation profonde de l’Europe se ferait jour lorsque l’Union menacée dans son existence même prend conscience de sa finitude21. Sommée de se réinventer sous peine de se dissoudre, elle se campe alors en acteur politique susceptible de faire face à l’imprévu et de se hisser à la hauteur des enjeux du temps. Car l’Europe est d’abord un projet géopolitique, et non normatif ou commercial ; ni les droits de l’homme ni le « doux commerce » — aussi importants soient-ils — n’en délivrent l’essence. Il faut donc modifier le protagoniste du récit : non plus l’Union européenne, mais l’Europe en tant qu’entité géopolitique et civilisationnelle qui doit redessiner ses ambitions en s’affranchissant des illusions de la « pax americana » et de la « fin de l’histoire ». Le réalisme politique enjoint ici de considérer l’Europe en intégrant le « tournant topologique » soit la question des frontières. Selon cette lecture, afin de devenir un acteur géopolitique, l’Europe doit s’émanciper de la pensée universaliste. Il lui faut assumer la finitude de l’espace et du temps et réapprendre le langage de la puissance, du territoire et du récit22 ; le droit et le marché ne sont que des accessoires grâce auxquels les acteurs géopolitiques engagent leur puissance pour atteindre leurs objectifs. La leçon de Machiavel demeure : il s’agit toujours, afin de se conserver, d’amoindrir la puissance de ses adversaires ou de dissoudre des alliances rivales, de défendre son territoire et de parer à ses vulnérabilités stratégiques, mais aussi de narrer et transmettre une mémoire commune qui donne ses contours au « Nous » de la communauté politique. 

Cette nouvelle vision de l’Union congédie tout idéalisme et n’a cure de « l’utopie réaliste » européenne : le « moment machiavélien » suppose des virtuosi aptes à se montrer à la hauteur de l’Histoire. Le passage du choros abstrait au topos concret (dans l’espace) et du chronos au kaïros (dans le temps) invite à recourir à la prudence définie au sein des circonstances. Face aux situations de crises aiguës, l’instance exécutive est mise en valeur, soit le Conseil européen assorti de quelques acteurs de premier plan (Présidence de la Commission et de la BCE). Au regard de ces vedettes politiques, le Parlement européen est relégué au second plan23. Si la Commission incarne la voie fonctionnaliste, le Parlement incorpore une logique fédéraliste qui ne peut répondre aux exigences de « l’événement ». Seul le Directoire du Conseil, en ce sens, satisfait la fiche de poste exigeante au sommet de l’Union : grands hommes et grandes femmes comme l’ex-chancelière allemande Angela Merkel peuvent seuls faire preuve de virtù face à la fortune déchaînée et répondre aux grands de ce monde — Poutine, Erdogan ou Xi Jinping notamment24.

La volonté de jouer dans la Cour des « grands » impose-t-elle un agenda exécutif aussi assumé, au risque d’une dérive hégémonique et au péril de la démocratie représentative  ?

Thierry Chopin et Céline Spector

Il est juste d’affirmer que, désormais, les choix souvent tragiques doivent être assumés par des politiques « prudents » capables de circonvenir la fortune mais aussi de mettre en récit l’identité historique européenne. La « voie kantienne » pèche peut-être par angélisme. Son incapacité à mettre au diapason les valeurs universelles du droit cosmopolitique et les enjeux concrets de la situation historique conduisent à valoriser les leçons de Machiavel. La guerre en Ukraine a d’ailleurs conduit les Européens à prendre des décisions qui révèlent une telle « prise de conscience géopolitique »  : livraison d’armes létales aux Ukrainiens, large accueil des réfugiés, sanctions économiques et politiques sans précédent contre la Russie, augmentation des dépenses militaires y compris en Allemagne. Ces décisions sont historiques et la cohésion des gouvernants européens ainsi que le fort soutien des opinions publiques sont remarquables. Mais la politisation et l’historicisation sont-elles exclusives de la démocratisation et de la parlementarisation  ? L’Union peut-elle sortir de la sphère diplomatique pour entrer dans la voie démocratique en se contentant de restaurer une adaptation du Concert des nations qui mit fin, en 1815, à l’épopée napoléonienne  ? La volonté de jouer dans la Cour des « grands » impose-t-elle un agenda exécutif aussi assumé, au risque d’une dérive hégémonique et au péril de la démocratie représentative  ? 

Une telle vision de la politique peut s’avérer schmittienne plus encore que machiavélienne. Réduite à la décision en situation d’exception, elle se cantonne, hors du droit commun des traités, à « improviser » la politique25. Il n’est donc pas certain que face au cosmopolitisme de la voie kantienne, le réalisme de la voie machiavélienne soit la panacée26. L’indispensable « transition géopolitique » initiée ne doit pas conduire les Européens à sacrifier leur héritage cosmopolitique et les principes qui en découlent (coopération, droit d’asile, solidarité), plus que jamais nécessaires pour relever les défis lancés aux espaces communs et aux biens publics mondiaux27. Entre l’espoir cosmopolitique et la Realpolitik qui renoue avec les arcanes de la raison d’État, une troisième voie doit être ouverte afin de donner au projet européen sa vocation future. Sans vendre son âme au profit des rapports de force, il s’agirait de défendre une politique de puissance régulée par des principes, et, pour la conduire, une République fédérative authentiquement démocratique  : ce que l’Union veut et peut faire valoir dès lors qu’elle se distancie du modèle de l’Empire28.

Entre l’espoir cosmopolitique et la Realpolitik qui renoue avec les arcanes de la raison d’État, une troisième voie doit être ouverte afin de donner au projet européen sa vocation future.

Thierry Chopin et Céline Spector

Le moment tocquevillien de l’Union européenne

Le choc de l’invasion russe en Ukraine et le retour de la guerre sur le continent européen ont provoqué une prise de conscience géopolitique  : enjeux de sécurité et de défense sur fond de décisions des États européens de se « réarmer »  ; retour de la question du territoire et des frontières (décision d’élargir à terme l’Union aux Balkans occidentaux et à l’Ukraine, Communauté politique européenne)  ; compétition entre puissances pour les ressources naturelles (notamment énergétiques et agricoles), etc. Dans ce contexte, penser la situation et l’avenir du projet politique européen implique de prendre ses distances à l’égard du modèle cosmopolitique, sous peine de renoncer au projet que l’Europe pourrait devenir une entité politique particulière, « une » puissance capable d’agir face à ces défis. Paradoxalement, privilégier une lecture du « moment ukrainien » comme « moment machiavélien » semble pourtant risqué car, si une part de la politique européenne vise la capacité de se donner les moyens de l’existence politique et de la puissance, l’histoire des Européens montre que le versant machiavélien de la pensée politique européenne a aussi conduit aux chocs des souverainetés nationales et aux « guerres en chaîne »29 contre lesquelles la construction européenne a été bâtie en cherchant à sublimer les rivalités politiques nationales par la mise en commun de l’exercice des souverainetés étatiques.

Il importe donc d’exhumer les ressources d’une pensée politique distincte de la « voie kantienne » et du « moment machiavélien » afin de théoriser le nécessaire équilibre entre l’exigence d’existence politique, de stabilité et de puissance d’un côté, et le respect de l’idéal de paix et de démocratie intimement lié à l’héritage cosmopolitique européen de l’autre. Cette pensée politique est celle de la fédération telle qu’elle a été conçue et développée dans le contexte des Lumières par des auteurs comme Montesquieu et les Pères fondateurs de la Constitution américaine30, puis Tocqueville. Au livre IX de L’Esprit des lois, Montesquieu a consacré des développements essentiels à ce qu’il a appelé la « République fédérative » qu’il définit de la façon suivante  : « cette forme de gouvernement est une convention par laquelle plusieurs corps politiques consentent à devenir citoyens d’un État plus grand qu’ils veulent former »31. L’élément contractuel, au cœur de l’idée fédérative, est central en ce qu’il permet de mettre en évidence la différence fondamentale entre l’Empire et la Fédération32. Dans le cas de l’Empire, l’unité de l’ensemble résulte d’un acte de commandement et d’un lien hiérarchique imposés par un pouvoir unique et centralisé qui exerce son autorité de manière unilatérale sur l’ensemble des entités soumises à une obligation d’obéissance à l’égard de ce dernier  ; dans le second, à l’inverse, c’est un acte de consentement libre et volontaire — le pacte ou la convention, le foedus33 — qui est placé au fondement de la Fédération, définie comme une « société de sociétés, qui en font une nouvelle, qui peut s’agrandir par de nouveaux associés qui se sont unis »34.

La valeur de l’analyse de Montesquieu tient à ce qu’il décrit la finalité de l’union fédérative, en tant qu’union politique d’entités politiques déjà existantes qui décident librement de s’associer pour préserver leur existence politique.

Thierry Chopin et Céline Spector

La valeur de l’analyse de Montesquieu tient à ce qu’il décrit la finalité de l’union fédérative, en tant qu’union politique d’entités politiques déjà existantes qui décident librement de s’associer pour préserver leur existence politique. Cette finalité réside dans la protection des républiques (dont l’esprit est la paix) contre le risque de guerre lié aux ambitions qui animent les grandes monarchies (dont l’esprit est la conquête)  : « l’esprit de la monarchie est la guerre et l’agrandissement  ; l’esprit de la république est la paix et la modération »35. Plus précisément, Montesquieu formalise l’idée d’une « garantie mutuelle » en cas d’attaque extérieure et en fait l’un des principes constitutifs de la République fédérative, cette « manière de constitution qui a tous les avantages intérieurs du gouvernement républicain, et la force extérieure du monarchique ». Par là même, « cette sorte de république, capable de résister à la force extérieure, peut se maintenir dans sa grandeur, sans que l’intérieur se corrompe  : la forme de cette société prévient tous les inconvénients (…). Composé de petites républiques, il jouit de la bonté du gouvernement intérieur de chacune  ; et, à l’égard du dehors, il a, par la force de l’association, tous les avantages des grandes monarchies »36. La leçon de Montesquieu répond à celle de Machiavel ou plutôt du machiavélisme ordinaire, dont il entend « guérir »37 les peuples modernes. L’Esprit des lois révèle que le politique ne se réduit pas au paradigme de la guerre et que la République fédérative peut être conçue comme une politeia permettant de combiner la liberté (du gouvernement républicain) et la puissance (ou plus précisément la défense commune, condition de la paix).

L’Union européenne peut-elle se muer en République fédérative  ? Il faut reconnaître qu’elle dispose depuis le traité de Lisbonne d’une « clause de défense mutuelle »38 qui semble voisine de la clause de secours mutuel inhérente aux pactes fédératifs. Sur deux points pourtant, comme l’a récemment montré Olivier Beaud, cette clause de secours mutuel diffère de celle des fédérations39. D’une part, ce n’est pas l’Union qui apporte son aide à un État membre faisant l’objet d’une agression armée mais « c’est de façon bilatérale, d’État à État que l’aide militaire va s’organiser »  ; cette clause ne conduit donc pas à une fédéralisation de la force militaire. D’autre part, le traité de Lisbonne semble attester la primauté du système de sécurité atlantique sur celui de l’Union  ; l’article 42 dispose que l’OTAN « reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ». Malgré les progrès réalisés dans le domaine de la politique de défense européenne, une analyse analogue s’applique à la « défense commune ». La question, aujourd’hui, se pose  : dans quelle mesure la guerre en Ukraine et la géopolitisation de l’Europe conduiront-elles au développement d’une défense européenne40  ?

Compétence régalienne par excellence, la défense commune est au cœur de tout processus de constitution d’une République fédérative. C’est précisément l’une des contributions majeures du moment constitutionnel américain à l’idée de Fédération41. Au-delà de la lecture dominante de l’histoire politique des États-Unis selon laquelle la Constitution de 1787 institutionnalise l’idéal du gouvernement limité en faveur de la liberté et des droits (séparation des pouvoirs, division de la souveraineté), les Constituants américains ont conçu la création constitutionnelle de la Fédération, dans une perspective « géostratégique », comme le moyen de renforcer le pouvoir de l’Union de telle sorte qu’elle puisse se défendre à la fois contre toute violence intérieure et contre toute invasion extérieure, trouvant ainsi sa place dans le concert des relations internationales42. On peut relire, à cet égard, les premiers articles des Federalist Papers rédigés par John Jay43, qui insistent sur l’idée que la Fédération doit d’abord reposer sur un accord général sur les questions relatives à la guerre et à la paix. La finalité commune de la « sûreté fédérative » (pour reprendre l’expression d’Olivier Beaud) doit être déclinée non seulement sur le plan extérieur mais aussi sur le plan intérieur afin de « conserver l’unité entre les États membres », garantie de la paix fédérative44.

La défense commune est au cœur de tout processus de constitution d’une République fédérative.

Thierry Chopin et Céline Spector

Il convient ici de mentionner l’apport de Tocqueville qui, dans le droit fil des Fédéralistes américains de la période de fondation constitutionnelle, avait défini la Fédération comme un « gouvernement national incomplet » fondé sur une « double souveraineté »  : « l’Union a une souveraineté artificielle, les États une souveraineté naturelle »45. L’intérêt de la théorie tocquevillienne est de poser la question épineuse du conflit, toujours possible, de la « lutte entre les deux souverainetés », c’est-à-dire, in fine, de la guerre à l’intérieur de la Fédération, et d’y apporter une réponse originale et utile pour penser la situation politique contemporaine de l’Union. Selon Tocqueville, le moyen d’éviter qu’un tel conflit ne surgisse réside dans la convergence d’un certain nombre de conditions sociologiques et politiques qu’il nomme l’« homogénéité dans la civilisation » entre « les divers peuples qui la composent »46. Sans reprendre le concept controversé de « civilisation », on retiendra le principe d’homogénéité politique, et non culturelle, ici énoncé  : cette homogénéité politique doit être suffisante pour assurer l’union durable entre les États membres de la fédération  ; elle implique un accord sur les principes essentiels sur lesquels repose l’Union fédérative. Tocqueville fait écho à Montesquieu qui affirmait déjà que « la constitution fédérative doit être composée d’États de même nature, surtout d’États républicains »47.

L’exigence d’un consensus sur les principes politiques et juridiques est une nécessité pour l’Union, non seulement sur le plan interne mais aussi sur le plan externe48. Sur le plan interne, la stabilité d’un ordre politico-juridique composé d’États, qui ont décidé librement et souverainement de s’associer dans une Union plus large pour exclure durablement tout risque de conflit entre eux, suppose un degré d’homogénéité politique minimal qui implique à son tour un consensus sur ces principes communs. S’agissant de l’Union européenne, ces principes politiques ont été inscrits dans le droit de l’Union, auquel ont souscrit l’ensemble des États membres lors de leur adhésion, non seulement dans l’article 2 du TUE, mais aussi dans la Charte des droits fondamentaux, adoptée en 2000 et incorporée au Traité de Lisbonne en 2009. Celle-ci souligne que l’Union n’est pas seulement un vaste marché  ; elle consacre des principes politico-juridiques et garantit des libertés.

L’exigence d’un consensus sur les principes politiques et juridiques est une nécessité pour l’Union, non seulement sur le plan interne mais aussi sur le plan externe.

Thierry Chopin et Céline Spector

Sur le plan externe, ce degré d’« homogénéité politique » est également une condition indispensable pour garantir à l’Union une capacité durable à faire face aux défis géopolitiques. Le lien entre le thème de la cohésion autour des principes politico-juridiques de l’Union et les enjeux géopolitiques de puissance est essentiel  : la « puissance » européenne est indissociable du sentiment d’« appartenance » lié au respect des principes politiques et juridiques qui fondent l’existence de l’Union et l’identité (géo)politique des Européens49. Selon l’article 21 du Traité de Lisbonne, la Politique européenne de sécurité commune doit permettre à l’Union de sauvegarder ses valeurs, ses intérêts fondamentaux, sa sécurité, son indépendance et son intégrité  ; de consolider et soutenir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international  ; de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale  ; de soutenir le développement durable et d’encourager l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale  ; de préserver et d’améliorer la qualité de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales  ; d’aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes  ; de promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale. La nécessité du consensus sur ces principes suppose de surmonter le défi des autoproclamées « démocraties illibérales », en réalité « autocraties électorales », qui sous la bannière de Viktor Orbán notamment, pourfendent les valeurs universelles et entendent congédier les Lumières, source d’idéaux fédéralistes sécularisés pour l’Union50. 

La pensée politique fédérative de Montesquieu ou Tocqueville offre ainsi des ressources précieuses pour concevoir et mettre en œuvre l’indispensable prise de conscience géopolitique de l’Union sans pour autant sacrifier l’idéal de paix et de démocratie au cœur de l’héritage cosmopolitique. Tous deux enseignent que l’objectif de la République fédérative, comme forme politico-juridique, est de mettre fin à la guerre entre les États qui en sont membres  : en d’autres termes, la prohibition de la guerre intra-fédérative est le fondement de l’idée fédérale car la mise en commun des souverainetés nationales se substitue à leur choc. Tous deux nous invitent à prendre au sérieux les facteurs géopolitiques qui opposent les puissances entre elles et à conclure que l’Europe ne doit pas céder au repli nationaliste ni à l’égoïsme autarcique. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le projet européen doit s’engager dans une transition géopolitique afin de faire front commun face aux défis de puissance tout en renforçant la mise en œuvre de l’idéal de sûreté, de liberté, de prospérité et de solidarité qui l’anime depuis près de trois-quarts de siècle. C’est ainsi que l’Europe pourra, sans renoncer à ses principes, consentir à sa finitude.

Sources
  1. Nous remercions vivement Justine Lacroix pour ses commentaires sur une première version de ce texte.
  2. Robert Kagan, Of Paradise and Power : America and Europe in the New World Order, Londres, Atlantic Books, 2003, trad. La Puissance et la Faiblesse, Paris, Plon, 2003.
  3. Étienne Balibar, « Europe, une médiation évanouissante », in L’Europe, l’Amérique, la Guerre. Réflexions sur la médiation européenne, Paris, Éditions de La Découverte, 2003.
  4. Pierre Hassner, La Revanche des passions. Métamorphoses de la violence et crises du politique, Paris, Fayard, coll. « Les grandes études internationales », 2015.
  5. Stanley Hoffmann, « Les Illusions perdues », in Entre Kant et Kosovo. Études offertes à Pierre Hassner, Anne-Marie Le Gloannec et Aleksander Smolar éds., Paris, Presses de Sciences Po, 2003, p. 17-28.
  6. Voir Timothy Snyder, « L’Union européenne n’est pas un Empire », Le Grand Continent, 24 octobre 2018  ; Olivier Beaud, « Federation and Empire. About a Conceptual Distinction of Political Forms », in The Federal Idea, A. Lev éd., Londres, Hart Publishing, 2017, p. 53-73.
  7. Nous utilisons ce paradigme de manière un peu différente de Justine Lacroix, L’Europe en procès. Quel patriotisme au-delà des nationalismes  ?, Paris, Cerf, 2004.
  8. Kalypso Nicolaïdis, « UE  : un moment tocquevillien », Politique étrangère, 2005, n° 3, p. 495-509. L’auteure utilise l’idée de « moment tocquevillien » pour désigner « Une Union dont la démocratisation est trop avancée pour ne pas engendrer des attentes souvent excessives, et trop insuffisante pour les satisfaire » (p. 495).
  9. The Federal Vision : Legitimacy and Levels of Governance in the United States and the European Union, Robert Howse et Kalypso Nicolaidis (éds.), Oxford University Press, 2001.
  10. Voir les essais réunis par Le Grand Continent sous le titre Fractures de la guerre étendue, Gallimard, 2023.
  11. Jürgen Habermas, La Constitution de l’Europe, trad. C. Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 2012  ; Jean-Marc Ferry, Europe. La voie kantienne. Essai sur l’identité postnationale, Paris, Cerf, 2005, p. 121-132 ; Francis Cheneval, La Cité des peuples. Mémoires du cosmopolitisme, Paris, Cerf, 2005.
  12. Philippe Raynaud, « De l’humanité européenne à l’Europe politique », Les Études Philosophiques, Juillet-Septembre 1999, n°3, p. 375-381.
  13. Voir Philippe Crignon, « Penser philosophiquement l’Europe à partir d’elle-même », Noésis, n°30-31, 2017-2018, p. 329. La critique ne vaut pas cependant pour Jean-Marc Ferry, qui y a répondu avec brio en se distinguant de Jürgen Habermas jugé plus fédéraliste (La Querelle de l’État européen, Paris, Gallimard, 2000, p. 146,164-167  ; « Qu’est-ce qu’un État européen  ? », Le Grand Continent, 2 novembre 2018.
  14. Voir Menno R. Kamminga, « Cosmopolitan Europe  ? Cosmopolitan Justice against EU-centredness », Ethics and Global Politics, 10/1, 2017, p. 1-18.
  15. Rousseau, Du contrat social, ou Essai sur la forme de la République (Manuscrit de Genève), B. Bachofen, B. Bernardi, et G. Olivo éds., Paris, Vrin, 2012, I, 2.
  16. Voir Martin Deleixhe, « Une réévaluation du droit cosmopolitique kantien. La citoyenneté européenne comme transition du droit de visite vers le droit de résidence », Revue française de science politique, vol. 64, n° 1, 2014, p. 79-93.
  17. Pour des réponses à ces objections, voir Michaël Foessel, « Être citoyen du monde  : horizon ou abîme du politique  ? », La vie des idées, 2011.
  18. Kant, Vers la paix perpétuelle, trad. Jean-François Poirier et Françoise Proust, Paris, Garnier-Flammarion, 1991, p. 91.
  19. Philippe Raynaud, « De l’humanité européenne à l’Europe politique », art. cit., p. 377-378.
  20. John G. A. Pocock, The Machiavellian Moment. Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton University Press, 1975
  21. Luuk van Middelaar, Quand l’Europe improvise. Dix ans de crises politiques, trad. Daniel Cunin, Paris, Gallimard, 2018, p. 217-225.
  22. Luuk van Middelaar, Le Réveil géopolitique de l’Europe, Paris, Collège de France, 2021. Il convient de souligner ici l’importance centrale des travaux séminaux de Michel Foucher sur la question des frontières ; voir notamment La République européenne, Belin, 2000 ; L’Obsession des frontières, Perrin, 2007 ; Le Retour des frontières, CNRS Éditions, 2016.
  23. Jonathan White, Politics of Last Resort : Governing by Emergency in the European Union, Oxford University Press, 2019.
  24. Hans Kribbe, Strongmen. European Encounters with Sovereign Power, Agenda Publishing, 2020.
  25. Julien Barroche, « Le long chemin vers l’Europe politique », La vie des idées, 9 janvier 2019.
  26. Voir Luiza Bialasiewicz, « Le moment géopolitique européen  : penser la souveraineté stratégique », in Politiques de l’Interrègne. Chine, Pandémie, Climat, Le Grand Continent, Gallimard, 2022, p. 219-236.
  27. Florian Louis, « La transition géopolitique européenne », Le Grand Continent, Septembre 2022
  28. Nous sommes ici en désaccord avec la proposition théorique récente de Timothy Garton Ash visant à présenter « L’Union comme empire post-impérial », Le Grand Continent, Juillet 2023
  29. Raymond Aron, Les Guerres en chaîne, Paris, Gallimard, 1951
  30. Pour des développements plus circonstanciés, nous nous permettons de renvoyer à Céline Spector, No demos  ? Souveraineté et démocratie à l’épreuve de l’Europe, Le Seuil, « L’ordre philosophique », 2021 et à Thierry Chopin, La République « une et divisible ». Les fondements de la Fédération américaine, Plon, « Commentaire » (préface de Pierre Rosanvallon), 2002.
  31. Montesquieu, De l’esprit des lois (1748), désormais EL, IX, 1. Voir Catherine Larrère, « Montesquieu et l’idée de fédération », in L’Europe de Montesquieu, Cahiers Montesquieu, n°2, 1995, p. 137-152.
  32. Olivier Beaud, « La Fédération entre l’État et l’Empire », in Bruno Théret (dir.), L’Etat, la Finance, le Social, La Découverte, 1995, p. 282-305.
  33. Voir sur ce point fondamental appliqué à l’Union européenne, l’ouvrage récent d’Olivier Beaud, Le Pacte fédératif. Essai sur la constitution de la Fédération et sur l’Union européenne, Paris, Dalloz-Institut Villey, 2022.
  34. EL, IX, 1.
  35. EL, IX, 2.
  36. EL, IX, 1. Et sur la typologie des fédérations, voir la présentation du Dossier 2506/06 par Catherine Volpilhac-Auger, Œuvres complètes de Montesquieu, 4, Oxford, Voltaire Foundation, 2008, p. 767-769.
  37. EL, XXI, 20. Nous nous permettons de renvoyer à Céline Spector, Montesquieu, Pouvoirs, richesses et sociétés, Paris, PUF, 2004 (rééd. Hermann, 2011).
  38. Art. 42, al. 7 TUE  : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres ».
  39. Olivier Beaud, Le Pacte fédératif. Essai sur la constitution de la Fédération et sur l’Union européenne, op. cit., p. 575-581.
  40. Cf. Nicole Gnesotto, “Défense européenne, Otan, Ukraine  : quelques points sur quelques « i », BlogPost, Institut Jacques Delors, 15 février 2022  ; et aussi Maxime Lefebvre, « Où va la PESC de l’UE après l’invasion de l’Ukraine  ? L’Europe de la défense entre moment ukrainien et retour de l’OTAN », Revue de l’Union européenne, 2022.
  41. Voir Akhil Reed Amar, “Some New World Lessons for the Old World”, University of Chicago Law Review, 1991, vol. 58, p. 483-510 ; et du même auteur “Anti-Federalists, The Federalist Papers and the big argument for Union”, Harvard Journal of Law and Public Policy, vol. 16, n°1, Winter 1993, p. 111-118.
  42. Art. IV, sect. 4 de la Constitution des États-Unis.
  43. Le Fédéraliste, trad. Anne Amiel, Paris, Classiques Garnier, 2012, n°3 à 5.
  44. Olivier Beaud, Théorie de la Fédération, Paris, PUF (2007), Presses Universitaires de France, 2e édition, 2009, p. 286-301.
  45. Tocqueville, De la démocratie en Amérique (édition Nolla), Paris, Vrin, 1990, note j., p. 91. Voir Thierry Chopin, « Tocqueville et l’idée de Fédération », Revue française d’histoire des idées politiques, n°13, Paris, Picard, 1er sem. 2001, p. 73-103.
  46. Ibid., I, I, chap. 8.
  47. EL, IX, 2.
  48. Voir Thierry Chopin et Auguste Naïm, « Les valeurs européennes à l’épreuve de la guerre en Ukraine », Policy paper, n°289, Institut Jacques Delors, Mai 2023 – https://institutdelors.eu/wp-content/uploads/dlm_uploads/2023/05/PP289_valeurs-europeennes-Ukraine_Chopin_Naim_FR.pdf
  49. Sur le lien entre enjeux de « puissance » et d’« appartenance », voir T. Chopin (dir.), Une Europe pour aujourd’hui et pour demain. Souveraineté, solidarités, identité commune, La documentation française, 2022.
  50. Le discours du 23 juillet 2023 à l’université d’été de Bálványos en Transylvanie est traduit et introduit par Baptiste Roger-Lacan. Nous lui sommes redevables de cette traduction et analyse  : « Post-libéralisme  : le monde de Viktor Orbán », Le Grand Continent, 26 juillet 2023.