Sans surprise, c’est en Italie que l’événement est le plus largement médiatisé. Le quotidien Repubblica a publié plus d’une centaine d’articles sur le sujet au cours de la semaine, contre une dizaine pour Le Monde et une quinzaine pour la Süddeutsche Zeitung pendant la même période. La presse italienne évoque un gouvernement de droite « mis à l’épreuve » (Repubblica). 

  • De fait, la promesse de Giorgia Meloni de faire cesser les arrivées à n’importe quel prix — elle avait évoqué pendant la campagne de 2022 un « blocus naval » — semble se heurter à la réalité. Le nombre d’arrivées est en forte hausse depuis le début de l’année 2023.
  • La Ligue, dont le secrétaire Matteo Salvini siège pourtant au gouvernement, n’a d’ailleurs pas tardé à se montrer offensive, espérant sans doute profiter à terme d’un report de voix au sein du bloc de droite. Le maire de Lampedusa, Filippo Mannino, soutenu par la Ligue, a lui-même déclaré l’« état d’urgence » sur l’île ce mercredi. 
  • Semble-t-il rangée à une option « diplomatique » décrite comme la seule « sérieuse », la Présidente du Conseil a quant à elle appelé Ursula von der Leyen à se rendre à Lampedusa. La visite a eu lieu ce dimanche. Pendant ce temps, la Ligue adopte une ligne plus dure que son allié de gouvernement sur la question européenne, critiquant une Europe « lointaine » et « sourde » par la voix de son secrétaire.

Ce même 12 septembre, le ministère de l’Intérieur allemand avait annoncé avoir suspendu jusqu’à nouvel ordre sa participation au mécanisme volontaire de solidarité européen vis-à-vis de l’Italie. Cette décision faisait suite au refus du gouvernement italien d’accepter le rapatriement, depuis l’Allemagne et d’autres pays, des personnes susceptibles d’y être reconduites en vertu du règlement de Dublin.

  • L’Allemagne avait accueilli environ un millier de personnes en vertu de ce mécanisme depuis l’été 2022. Mais depuis le début de l’année, Berlin avait adressé environ 12 000 demandes de reconduite à Rome, dont seulement « une dizaine » avait été validée.
  • À ce stade, le gouvernement fédéral n’a pas amendé sa position, tandis que le gouvernement italien continue de défendre, pour sa part, son refus de traiter les demandes de transfert, arguant de la pression migratoire très élevée subie par le pays. La déclaration de la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser ce vendredi selon laquelle l’Allemagne « remplirait son devoir de solidarité » a causé une certaine confusion, mais ne doit pas s’interpréter, à ce stade, comme un changement de position. Il importe de noter que, sur fond d’inflation en hausse, le parti d’extrême droite anti-immigration Alternative pour l’Allemagne (AfD), allié à la Ligue et au Rassemblement national (RN) au sein du groupe européen Identité et Démocratie, obtient des scores historiquement élevés dans les sondages nationaux.

Si la presse française s’est fait l’écho de la situation d’urgence à Lampedusa comme des échanges entre Berlin, Rome et Bruxelles, l’implication de l’État français dans cette séquence apparaît moindre.

  • Le président français Emmanuel Macron a à la fois évoqué la nécessité de « ne pas laisser seule l’Italie » et son opposition aux « solutions strictement nationalistes ». Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a de son côté annoncé une intensification des contrôles à la frontière italienne et devrait se rendre en Italie « dans les prochains jours ».
  • Mais c’est surtout la droite et l’extrême-droite française qui se sont exprimées sur cette thématique, appelant à un « référendum sur l’immigration » (Éric Ciotti) ou dénonçant une « submersion » (Le Pen, Maréchal, Ciotti). Marion Maréchal, qui mènera la campagne du parti d’Éric Zemmour Reconquête ! aux élections européennes de 2024, était présente en personne à Lampedusa vendredi, d’où elle a donné des entretiens à la télévision française.

Giorgia Meloni a annoncé des « mesures fortes », qui pourraient être rendues publiques à l’occasion de la réunion du Conseil des ministres ce lundi. La présidente du Conseil a rencontré Viktor Orbán cette semaine à Budapest à l’occasion du « Sommet pour la démographie » qui s’y tient tous les deux ans depuis 2015. Elle a à cette occasion prononcé un discours programmatique traduit et commenté dans ces page. Matteo Salvini a quant à lui accueilli Marine Le Pen à Pontida (Lombardie) ce samedi, indiquant que « Marine Le Pen représente l’Europe que nous voulons ».

La campagne pour les élections européennes semble bel et bien lancée.